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La Ciivise maintenue mais transformée

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Juge pour enfants et ancien co-président de la Ciivise, Edouard Durand n'a pas été renouvelé à son poste malgré ses vœux.

L’éviction d’Edouard Durand, co-président de la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) jusqu’à hier et candidat à sa propre succession, provoque des remous parmi les professionnels et les principaux concernés.

Il était devenu l’incarnation de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants. Le porte-drapeau plébiscité des associations et des victimes. Lors de la dernière grand-messe organisée par la commission à l’occasion du rendu de son rapport final, le 20 novembre dernier, le co-président de la Ciivise Edouard Durand était à l’épicentre de toutes les attentions : « On est avec vous monsieur le juge ! », « On ne lâchera rien, on vous soutient ! », « Merci pour tout ce que vous avez fait, on vous aime ! ».

Rien d’étonnant donc que l’annonce du changement des membres de ce comité dédié aux violences sexuelles faites aux enfants, et notamment le non-renouvellement du désormais renommé juge des enfants, ait presque éclipsé la nouvelle de la prolongation de la commission, qui sera finalement maintenue. « J’ai été frappée par la ferveur et le soutien dont a fait preuve le public en sa faveur », raconte Suzanne (1), ancienne victime qui a livré l’un des 30 000 témoignages recueillis par l’instance. Elle qui a été auditionnée en visio-conférence par le juge des enfants lui-même se souvient encore de la fois où une intervention d’Edouard Durand entendue à la radio l’a exhortée à se lancer. « Il dégage quelque chose d’à part. Sa posture d’écoute est fine et parfaitement adaptée. Il a effectué un travail incroyable, en menant la Ciivise bien au-delà des espérances de chacun. Sa personnalité charismatique fédérait tous les acteurs et les personnes concernées. Je trouve vraiment dommageable et incompréhensible qu’il ne soit pas reconduit », regrette-t-elle.

Personnalité charismatique 

Du côté d’une grande partie des associations, la déception est à l’avenant. « Edouard Durand a auditionné les victimes pendant des centaines d’heures. En le rencontrant, j’ai pu constater combien il était investi dans sa tâche, boulimique de l’écoute. Rendez-nous ce juge au grand cœur, les anciennes petites victimes d’inceste en ont grand besoin !, réclame Kathya de Brinon, ancienne victime et présidente de SOS Violenfance. Selon moi, l’écarter revient à trahir les victimes une nouvelle fois. »

A lire aussi : Inceste : « La Ciivise est la seule instance qui joint le recueil de la parole des victimes et les politiques publiques » (Edouard Durand)

Pourquoi donc avoir pris la décision de ne pas reconduire cette personnalité consensuelle ?

« La personnalité d’Edouard Durand et sa façon de s’exprimer a pu en dérouter certains et en choquer d’autres, estime Jean-Pierre Rosenczveig, ex-président du tribunal pour enfants de Bobigny et membre du CNPE (Comité national de la protection de l’enfance), et ancien membre de la Ciase, la commission sur abus sexuels dans l’église. Il est certain qu’en trois ans, il n’a pas dû se faire que des amis. »

A lire aussi : un guide pour repérer et signaler l'inceste 

Jugé trop indépendant pour les uns, et trop critique à l’égard de l’institution judiciaire pour les autres, l’ex-président de la Ciivise pourrait avoir pâti de son franc-parler et de son refus des concessions. « Il faut certes être passionné, engagé, pour mener une telle mission, juge Jean-Pierre Rosenczveig. Mais le style de l’ancien président, rappelant celui d’un prédicateur, et son refus d’adopter une attitude plus diplomatique l’ont peut-être desservi auprès de certains responsables. Même s’il a interpellé, avec force et à raison, à propos de certaines défaillances de la police et de la justice, commencer par saluer ce qui a déjà été fait, les avancées, avant de dire que cela ne va pas assez loin, rend souvent l’adhésion des autres plus facile. »

Missions élargies

Au-delà de l’inquiétude concernant son ancien président, l’élargissement des missions de la Ciivise ne fait pas l’unanimité au sein du secteur social. « L’inceste n’est pas la pédocriminalité », déplore Kathya de Brinon. Jean-Pierre Rosenczveig se veut plus optimiste : « Lorsqu’elle débute, une commission sait qu’elle est amenée à prendre fin. Elle n’a pas vocation à se pérenniser pour devenir une administration parallèle qui agit en lieu et place des pouvoirs publics. Le maintien de la Ciivise avec mandat élargi est le contraire d’un enterrement ! C’est la nouvelle étape d’un parcours engagé depuis 1985. Il me paraît bénéfique que des nouvelles missions impliquent une nouvelle équipe qui pourra aborder ces questions avec sérénité. »

A lire aussi : Les 10 préconisations-clés de la Ciivise

Suzanne voit elle aussi d’un bon œil l’ouverture de la commission aux thématiques de la prostitution des mineurs et de la cyber-pédocriminalité. « A une condition que l’ensemble des préconisations soient toutes mises en place rapidement. Ceux qui n’avaient pas pu obtenir réparation en justice ont enfin pu trouver une autre forme de réparation. Il ne faut pas que le couvercle se referme une nouvelle fois. »

>>> Mise à jour  : Caroline Rey-Salmon, la  nouvelle vice Présidente de la Ciivise, vient d'accorder une intervew aux ASH : Caroline Rey-Salmon : "La Ciivise va entrer dans une phase plus opérationnelle"


(1) Le prénom a été changé.

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