En juillet 2024, Alexandra, jeune femme résidant à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), était abattue par son conjoint, laissant derrière elle une petite fille de 3 ans. Que s’est-il passé pour cette petite victime ? A-t-elle été rapidement et correctement prise en charge ?
« Depuis plusieurs années, nous œuvrons pour une meilleure protection du ou des enfants touchés par ces situations au sein du couple. Mais jusqu’ici nous manquions d’un cadre formel permettant d’offrir une réponse adaptée et la plus globale possible à ces mineurs qui peuvent être gravement affectés. C’est la raison de la présente signature », explique David Errard, directeur de la délégation territoriale de l’ARS de Loire-Atlantique, en désignant les autres signataires (1) du nouveau protocole de prise en charge des enfants lors d’un féminicide.
Ce dernier, entré en vigueur le 27 janvier 2025, vise en effet à organiser les interventions et à fournir une feuille de route précise aux professionnels pour leur permettre de réagir vite. Au premier rang desquels les services de justice, de santé et d’aide sociale à l’enfance. « Ce protocole débute à la découverte du meurtre et se poursuit jusqu’à ce que l’enfant soit à l’abri. Il s’adresse aussi bien aux enfants mineurs présents sur le lieu des faits, y compris s’ils ne font pas partie de la fratrie, qu’à ceux absents lors de l’acte », instruit Martin Genet, chef du pôle famille au parquet de Nantes.
Parcours balisé
Calqué sur le dispositif « Féminicide » mis en place en Seine-Saint-Denis après avoir été expérimenté en 2016, le protocole ligérien se déroule selon les étapes clés suivantes :
- Le procureur de la République prend immédiatement une ordonnance de placement provisoire (OPP) confiant l’enfant au service de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Celle-ci est valide 8 jours et inclut une hospitalisation d’au moins 72 heures dont les délais peuvent être réajustés si nécessaire.
- A son arrivée à l’hôpital, l’enfant est directement accueilli au sein des services d’urgences pédiatriques, de façon priorisée. La prise en charge de la fratrie dans une même entité de lieu doit être privilégiée. Charge aux services d’enquête (gendarmerie et police) présents sur les lieux de constituer un trousseau avec les effets personnels de l’enfant (doudous, jouets, appareils dentaires, affaires scolaires, carnets de santé, photos…).
- Le suivi de l’enfant est assuré par l’unité d’accueil pédiatrique enfance en danger (UAPED) qui facilite les contacts entre la pédiatrie, la pédopsychiatrie et l’ASE pour l’évaluation de l’ensemble des conséquences médicales et sociales. L’audition y est organisée dans les premiers jours de l’enquête.
- Durant cette période, l’ASE doit rencontrer l’enfant en vue de préparer sa prise en charge en sortie d’hospitalisation. La proposition du lieu d’accueil, fondée sur les besoins de l’enfant et l’évaluation de son entourage, est travaillée de concert par l’ASE et l’UAPED, avec le médecin référent protection de l’enfance (MRPE).
>>> Sur le même sujet: Violences intrafamiliales : les 15 chiffres à retenir
En complément, le protocole prévoit la désignation de professionnels référents au sein de chaque institution partenaire. « On espère avoir le moins possible à mettre en œuvre ce dispositif mais au moins le cadre sera fixé », conclut David Errard.
(1) Département de Loire-Atlantique, ARS, CHU de Nantes, CH de Saint-Nazaire, gendarmerie des Pays de la Loire, SDIS (Service départemental d’incendie et de secours) de Loire-Atlantique, police nationale de Loire-Atlantique, tribunal judiciaire de Nantes.
>>> A lire aussi: "Si vous êtes pas bien ici, allez travailler ailleurs !" : l’intervention qui fâche
>>> A lire aussi: Commission ASE : "Voter des lois sans les voir appliquées, ce n’est pas très gratifiant" (Adrien Taquet)