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Devant la commission d’enquête, le président du département du Nord "assume"

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Christian Poiret, président du département du Nord depuis 2021, et Arnaud Buchon, directeur général adjoint Enfance, Famille et Santé, ont répondu pendant 1h30 aux questions de la commission d'enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l'enfance. 

Crédit photo Capture d'écran
Christian Poiret était entendu mercredi 6 février 2025 par la commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance. Une audition très attendue tant la collectivité qu’il dirige, et qui accueille le plus grand nombre d’enfants placés de France, est sous le feu des critiques.

De qui ne s’était-il pas encore attiré les foudres ? Ces dernières semaines, le président du département du Nord, Christian Poiret (DVD), a multiplié les polémiques, brillant autant par ses saillies que par ses absences. D’abord, ce fut le procès de Châteauroux. En octobre 2024, 18 personnes comparaissaient pour avoir accueilli dans des conditions indignes et sans agrément une soixantaine d’enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord.

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La collectivité, qui n’était pas poursuivie, ne s’est pas portée partie civile au procès : elle a pourtant versé, de 2010 à 2017, près de 630 000 € à l’association chargée de l’accueil. Elle ne s’est pas non plus présentée à l’audience, pas plus qu’elle n’a apporté son soutien aux victimes. Un comportement qui a agacé. Par le biais de leur avocat, les anciens enfants placés ont porté plainte fin janvier pour établir les responsabilités du département.

La collectivité s’est ensuite illustrée avec l’annonce, fin décembre, de coupes budgétaires dans la prévention spécialisée : trois millions d’euros dès 2025 et des travailleurs sociaux dans la rue. Enfin, dernier épisode en date, fin janvier, Christian Poiret admonestait ses propres agents, assistants de service social, en pleine cérémonie des vœux : « Allez travailler ailleurs », s’emportait-il alors.

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Après un tel début d’année, Christian Poiret se savait attendu par la commission d’enquête parlementaire ce mercredi 5 février. Saluant « l’engagement des 10 000 professionnels de l’enfance », il a bâti sa défense méthodiquement, ne cessant de répéter combien le Nord, département le plus peuplé de France, était « hors-norme ».

Hors-norme, d’abord, par le nombre d’enfants qui font l’objet d’une mesure d’aide sociale à l’enfance : « 22 826. C’est autant d'enfants confiés que le deuxième et le troisième département réunis, la Seine-Saint-Denis et la Gironde », illustre-t-il, reconnaissant le non-placement de 190 enfants, faute de moyens.

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Hors-norme, ensuite, par l’investissement que représente l’ASE : 164 € par habitant en 2022, contre 151 € pour la Gironde. « Une politique de l’enfance portée pratiquement en totalité par le département », poursuit Christian Poiret qui juge les dotations de l’Etat insuffisantes et inéquitables : 18 millions sur un budget de 693 millions d’euros. « On représente un peu plus de 6 % des enfants accueillis par l’ASE en France. Mais nous ne bénéficions pas d’une dotation proportionnelle. »

La litanie de chiffres n’émeut pas pour autant les députés de la commission d’enquête. A commencer par la rapporteure, Isabelle Santiago, résolument offensive. « Tous les clignotants sont au rouge dans le Nord », tacle la députée socialiste qui relève le placement de 213 enfants dans un pays étranger, la Belgique.

>>> Pour approfondir : Commission ASE : ces mots forts du Comité de vigilance des enfants placés

Isabelle Santiago dénonce les trois millions d’euros de coupes dans la prévention spécialisée ? « Vous n’avez pas de bonnes sources, lui rétorque Christian Poiret. J'ai écrit à 43 maires. Je leur ai demandé s’ils voulaient participer ou pas. Je n’ai pas encore dit que j'enlevais les trois millions. »

Côté finances, elle interpelle le département sur l’obtention, par l’agence régionale de santé (ARS), d’un fonds d’intervention en protection de l’enfance sur la santé et le handicap. « Vous avez eu 2,2 millions en 2020 et 2021. C’est une grosse somme quand on dit qu’on n’en a pas. Et vous n’avez pas eu celle de 2022 parce que vous ne l’avez pas dépensée. » Le département conteste, arguant d’un « rattrapage de crédits non utilisés du fait d’une contractualisation tardive ».

"Des personnes qui criaient, manifestaient, se retournaient"

Elle critique les conditions de travail des référents ASE chargés de suivre 40 situations ? « La norme a été abaissée, en 2022, à 30 enfants, corrige Arnaud Buchon, directeur général adjoint Enfance, Famille et Santé. Les situations que vous décrivez concernent des services dans lesquels on a des postes vacants et où on n’arrive pas à recruter. »

« A quel moment, ce n’est pas vous aussi qui êtes responsable des difficultés de recrutement, l’a interpellé David Guiraud, député LFI du Nord, rappelant ses propos le 24 janvier lors de la cérémonie des vœux. Réponse de l’intéressé : « J’ai expliqué les choses aux personnes qui criaient, manifestaient, se retournaient, mettaient des panneaux dans une cérémonie de vœux où elles étaient invitées sur leur lieu de travail. J'ai réagi ainsi et je l’assume complètement. »

L'élu « assume » aussi de faire le choix, faute de place, de privilégier le placement des plus jeunes, au détriment des plus âgés.

Châteauroux : quel soutien aux victimes ?

Mis en cause sur sa gestion du procès de Châteauroux, Christian Poiret s’est dédouané, expliquant qu’il n’était pas en poste au moment des faits, entre 2010 et 2017. Elu en 2021, il était conseiller de l’opposition de 2010 à 2015 et vice-président chargé des finances à partir de 2015. « Je pensais qu’il fallait se porter partie civile, avant le procès. J'ai découvert hier que je pouvais le faire même après. »

Christian Poiret explique avoir suivi avec intérêt le procès, grâce à « deux personnes sur place qui [lui] faisaient un rapport tous les soirs » et aux articles de La Voix du Nord.

La députée PS du Val-d’Oise, Ayda Hadizadeh, peine à y croire. Elle lui reproche de ne pas être allé réclamer l’argent du contribuable, détourné au profit de la pseudo association chargée d’accueillir les enfants, ni d’avoir adressé un quelconque message de soutien aux victimes.

>>> Pour compléter : Commission ASE : "Voter des lois sans les voir appliquées, ce n’est pas très gratifiant" (Adrien Taquet)

« Connaissez-vous le nom des plaignants qui ont été abusés par ce système ? lui demande-t-elle. « Non », répond sans fard Christian Poiret, qui demande la mise en place d’un fichier national recensant la validité de l'agrément des lieux d'accueil sur l'ensemble du territoire français.

Le président du département conclut en réitérant ses difficultés, non pas techniques mais financières. « On fait le job, dit-il. On a simplement un problème de moyens. » Avant de marquer, une fois encore, sa différence : « Mes collègues présidents de départements ne peuvent pas avoir le même langage que moi vu qu'on est hors-norme. »

Protection de l'enfance

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