Recevoir la newsletter

"Demain, certains quartiers ne seront plus couverts" (Sauvegarde Bourgogne-Franche-Comté)

Article réservé aux abonnés

Loudspeaker in hand. Social protest and speaker with megaphone. Protester crowd and equality right. Revolt student activism. Democracy demonstration with placard. Political march

La prévention spécialisée du Doubs enregistre une baisse d'un tiers de ses postes d'éducateurs de prévention spécialisée.

Crédit photo Taras - stock.adobe.com
Retour sur la mobilisation des éducateurs de rue du Doubs, après la décision du conseil départemental de baisser de 450 000 € les subventions allouées à la prévention spécialisée. Avec les suppressions de postes qui vont avec.

« On a l’impression que la jeunesse n’intéresse personne, alors qu’elle représente l’avenir », s’agace Anne-Claire Malcuit. Educatrice de rue depuis 30 ans dans le Doubs, elle était de la manifestation organisée lundi 24 mars, devant le conseil départemental à Besançon, pour contester les coupes budgétaires qui frappent la prévention spécialisée de plein fouet. Ce jour-là, les élus ont voté une baisse des subventions de près de 450 000 € pour le secteur, contraignant l’ADDSEA, seule association à intervenir en prévention spécialisée dans le Doubs, à se réorganiser pour travailler avec une équipe amputée d’un tiers (suppression de 12 postes sur 36).

>>> Sur le même sujet : La prév’ du Nord ne désarme pas

Lors de la séance, la présidente du conseil départemental, Christine Bouquin, a insisté sur l’augmentation du budget global alloué par le département à la protection de l’enfance (de 5,5 %). Elle a évoqué un « redéploiement de [leur] action » et assuré aux éducateurs de rue avoir « besoin d’[eux] » mais « différemment », en concentrant les « moyens là où ils sont les plus efficaces », c’est-à-dire en « renforçant le suivi individualisé, au plus près des familles ».

Accompagnement de 300 jeunes en moins

Du côté des professionnels de la prévention spécialisée, la pilule ne passe pas. Les éducateurs de rue dénoncent une décision incompréhensible, prise sans concertation, puisqu’ils n’ont pas été reçus par le conseil départemental malgré leurs demandes. D’autant que les équipes se sont adaptées aux demandes du département au cours de ces dernières années, en ciblant en particulier les jeunes de 12 à 17 ans. « Notre activité est connue, on a accompagné 1 000 jeunes en 2023 et 900 en 2024 », rappelle Mathias Panier, directeur du secteur de la prévention spécialisée à l’ADDSEA. Les choix de la nouvelle organisation ne sont pas encore faits mais, « concrètement, cette baisse de budget signifie que demain, certains quartiers ne seront plus couverts », regrette le directeur de secteur qui estime que ses équipes accompagneront 300 jeunes et une soixantaine de familles en moins.

>>> A lire aussi : Prév’ du Nord : le budget est finalement maintenu

La mission des éducateurs en prévention spécialisée est d’aller à la rencontre des jeunes et de leurs familles, dans la rue ou les établissements scolaires, en travaillant l’accès aux dispositifs de droit commun, en initiant les jeunes à des activités, en encourageant le vivre-ensemble à travers des rencontres de voisinage ou en accompagnant des sorties éducatives (comme à l’Assemblée nationale dernièrement). « On a un panel d’actions multiforme qui sont adaptées aux jeunes et aux territoires. C’est ce qui fait la richesse de la prévention spécialisée », insiste Anne-Claire Malcuit.

« La tendance est à la coercition plutôt qu’à la prévention »

Bien que la discrétion soit d’ordinaire la norme en prévention spécialisée, l’éducatrice spécialisée du quartier de Planoise à Besançon tient à rendre son action et celle de ses collègues un peu plus visible. « On est un premier maillon de la protection de l’enfance, insiste Anne-Claire Malcuit. Si on disparait, ce sera des mesures plus lourdes et plus répressives. »

D’après leurs calculs, le prix de journée par jeune et par éducateur s’élève à moins de 10 €, alors qu’un placement coûte aux alentours de 200 euros par jour. « Les éducateurs en prévention spécialisée évitent un certain nombre de coûts pour la société, en ne réalisant pas de placements et en prévenant des actes délictueux et des situations catastrophiques », insiste Johnny Herbin, dans le domaine depuis plus de 30 ans et président de l’Association prévention spécialisée nationale (APSN). « La tendance est à la coercition plutôt qu’à la prévention », regrette-t-il.

Instrumentalisation

Lundi 24 mars, Johnny Herbin était à Besançon aux côtés des manifestants du Doubs. Ces derniers mois, il passe beaucoup de temps dans les trains pour venir en soutien aux services de prévention spécialisée menacés un peu partout en France : les départements de la Vienne, de l’Essonne, de la Gironde, du Rhône et du Cantal ayant déjà ou souhaitant revoir à la baisse leurs budgets dédiés aux éducateurs de rue. Pourtant, la prévention spécialisée fait bien partie des prérogatives obligatoires des départements dans le cadre de leur mission de protection de l’enfance. Dans le Nord, département de Johnny Herbin, une baisse de 3 millions d’euros de budget pour la prévention spécialisée (équivalent à 60 postes) avait été annoncée, avant que la mobilisation des associations et des municipalités ne fasse reculer le département.

Pour Johnny Herbin, ces restrictions budgétaires qui ciblent la prévention spécialisée sont liées au fonctionnement même du dispositif : « Sa spécificité, c’est de reposer sur la non-institutionnalisation, la libre adhésion, le non-mandat et le temps long, donc les politiques ont le sentiment qu’ils ne maitrisent pas ce qui s’y fait, insiste-t-il, dénonçant une instrumentalisation de la prévention spécialisée. C’est pourtant l’approche la plus douce qu’on ait en protection de l’enfance, parce qu’elle se met au rythme des jeunes. »

>>> Sur le même sujet : Prévention spécialisée : « Je devais faire ce métier ! »

Protection de l'enfance

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur