« Ils ne te demandent même pas ton âge. Tu es comme une déchetterie, tu n’as plus d’estime pour ton corps. Tu te dis que tu n’es bonne qu’à ça », explique Lucie, l’une des héroïnes du documentaire « Comme si j’étais morte », en ligne le 13 mars sur France TV, et diffusé le 26 mars sur France 5 à 23 h 15. Pendant plusieurs mois, le réalisateur Benjamin Montel a posé sa caméra dans un foyer de protection de l’enfance à Mulhouse. Il raconte l’histoire de Lucie, Eva et Chloé, toutes tombées dans la prostitution quand elles étaient placées.
Un phénomène sur lequel la société a tendance à fermer les yeux. Pourtant, sur 100 000 mineurs qui se prostituent en France, 80 % seraient des enfants de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Un chiffre noir. « Ce sont des gamines multi-vulnérables. Toutes ou presque ont déjà été abusées sexuellement. Les hommes le savent. Il faut voir le nombre de voitures qui stationnent autour du foyer », s’insurge Christine, chef de service du foyer. Lucie a été violée quand elle était en 4e : elle rencontre un « loverboy » qui l'avait contactée sur Instagram. Il lui dit qu’il est amoureux d’elle, elle plonge. « Il avait de larges épaules, ça m’a plu, je me sentais en sécurité », lâche-t-elle.
Des victimes de plus en plus jeunes
En cinq ans, la prostitution des mineurs a augmenté de 68 % et l’âge des victimes rajeunit : en moyenne de 15 à 17 ans, de plus en plus de jeunes ont 12 ou 13 ans. « Je veux mettre des visages sur ces chiffres, rendre visible cette jeunesse invisible, comprendre les mécanismes insidieux du piège qui se referme sur leur vulnérabilité. Je veux aussi laisser ces survivantes se réapproprier leur parole. Il est urgent de les entendre dénoncer la réalité crue de l’exploitation sexuelle infligée par les proxénètes », défend le réalisateur.
Celui-ci veut aussi rendre compte du travail incroyable réalisé par les éducateurs et de leur bienveillance pour aider ces jeunes. « Quoi qu’il arrive, la priorité est de ne pas les lâcher, de garder le lien, insiste Sébastien, éducateur. Il faut leur dire qu’on sera toujours là pour eux. Cela compense un tout petit peu les efforts que la société leur demande pour s'en sortir et qu’on ne demanderait pas à nos propres enfants. » Bravo.