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Commission ASE: ces mots forts du Comité de vigilance des enfants placés

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Le comité de vigilance des enfants placés, entendus par la commission d'enquête, était représenté mardi 28 janvier par Madiba Guirassy, ancien mineur non accompagné, entouré, à sa gauche, de Rania Kissi et, à sa droite, de Nadia Heron et Lucas Cortella. 

Crédit photo Capture d'écran du site de l'Assemblée nationale
La commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance entendait pour la seconde fois, mardi 28 janvier, le Comité de vigilance des enfants placés. Quatre interventions tranchantes, marquées par des propositions prioritaires et ambitieuses. 

Le Comité de vigilance des enfants placés avait ouvert le cycle des auditions de la commission d’enquête sur les politiques de protection de l’enfance. C’était en mai 2024. Soit quelques semaines à peine avant la dissolution de l’Assemblée et l’interruption de ladite commission.

Huit mois plus tard, le collectif initié par l’association Les Oubliés de la République, était à nouveau entendu. Une manière de boucler la boucle, alors que les travaux parlementaires devraient s’achever début février.

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Cette seconde audition, donc, a donné la parole à quatre anciens enfants placés, aux profils différents. Tour à tour, ils ont évoqué des bribes de leur histoire, certes individuelle, mais qui, comme le rapporte l’un d’eux, raconte « la vie de milliers d’enfants encore dans les murs de ces institutions défaillantes ». Des récits de vie empreints d’émotions, et qui, surtout, viennent illustrer les propositions fondamentales du comité de vigilance.

Accompagnement jusqu’à 25 ans

Au micro, il y a d’abord Rania Kissi, 28 ans. « Première de sa classe tout au long de [sa] scolarité », cette ancienne enfant placée a dû, dit-elle, mentir pour pouvoir accéder à une filière générale. « La psychologue de l'aide sociale à l'enfance me répétait souvent que j'étais trop faible pour devenir avocate », explique celle qui poursuit avec succès cet objectif.

Bac en poche, elle souhaite s’orienter vers l’université. On lui explique qu'il n'y a pas de moyens pour accompagner les enfants de l'ASE vers des études longues. « Au lieu de m'asseoir sur les bancs de l'université, j'ai dormi sur un banc en dessous de l'université, témoigne-t-elle. Où est la promesse républicaine ? Où est l'ascenseur social ? Il n'existe pas pour les enfants placés. »

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Au contraire, ils sont « condamnés à la précarité ». Le droit à un accompagnement de 18 à 21 ans, inscrit dans la loi depuis 2022, pour les jeunes de l’ASE dépourvus de ressources et de soutien familial, demeure trop peu mis en œuvre. « Quel parent met ses enfants dehors à 18 ans ?, interpelle Rania Kissi. Les études montrent que la moyenne d'âge de départ du domicile familial est de 25 ans dans les familles de notre pays. Or, les jeunes sortant de l'ASE sont abandonnés à leur majorité sans ressources ni soutien, privés de RSA. »

Sur les jeunes majeurs, le Comité propose :

  • La création d’un droit automatique et inconditionnel à l’accompagnement jusqu’à 25 ans, incluant un soutien financier garanti et un accompagnement administratif renforcé, un accès prioritaire aux droits sociaux, au logement, à la formation et à la santé.

Harmoniser l’évaluation de minorité

Au micro, il y a aussi Madiba Guirassy, ancien mineur non accompagné. « Avez-vous vu la situation des MNA ? C’est une honte. Ces enfants qui arrivent seuls dans notre pays, fuyant la guerre, sont traités comme de la vermine, laissés à la merci de tous les dangers, de l’exploitation sexuelle, de la violence, du froid, et je ne parle même pas de l’enfer administratif et de l’isolement extrême. »

Co-fondateur du Comité, Madiba Guirassy cite les cas de ces enfants traumatisés, trouvant refuge dans une cage d’escalier, s’abîmant dans la drogue ou la dépression faute de reconnaissance de leur minorité. « Elle varie aussi d'un département à l'autre les laissant dans une précarité juridique insupportable, explique-t-il. Certains départements placent des MNA dans des hôtels, d'autres sous des terrains vagues. Et il n'y a aucune donnée pour mesurer les pratiques des politiques d'accompagnement des MNA. »

Pour les MNA, le Comité propose de :

  • Instaurer un protocole national unique, harmonisé sur tout le territoire, pour l'évaluation de la minorité
  • Assurer un contrôle indépendant des politiques publiques de protection de l'enfance pour éviter les abus et les disparités entre départements
  • Garantir un accompagnement adapté, et des structures d’accueil dignes permettant d’assurer un suivi juridique et administratif systématique.

Un suivi médical à vie

Au micro, il y a encore Nadia Heron, 50 ans dont 21 ans de placement en protection de l’enfance. Elle raconte la barbarie de sa mère, ces journées entières abandonnées dans le noir et le froid, nue et affamée, le regard et les réflexions des autres, son statut de victime bafoué lorsque ses parents condamnés se virent graciés, ses séquelles physiques et psychologiques. Aujourd’hui mariée, mère de deux enfants, salarié d’une collectivité territoriale, elle évoque « la force qu’il faut déployer pour s’en sortir et ne pas sombrer ». « Les traumatismes que vivent nos jeunes placés vont les poursuivre toute leur vie. La parentalité, particulièrement, va être une période qui va les replonger dans leurs propres histoires. Ils auront besoin d'une aide psychologique pour panser leurs blessures, prendre confiance en eux et ne pas reproduire un schéma familial défaillant. »

En matière de santé mentale, le Comité propose de :

  • Garantir à tous les enfants passés par l’ASE une prise en charge médicale et psychologique à vie.

Quatrième membre du Comité de vigilance entendu, Lucas Cortella a dénoncé, non pas ceux qui travaillent dans le système mais « le système lui-même » : l’ASE, « cette main tremblante, incertaine et incapable de porter le poids de [ses] blessures accumulées. L'ASE, poursuit-il, ne nous prépare pas à vivre. Elle nous apprend à survivre. Et à 18 ans, on éteint les lumières, et on nous laisse seuls face au vide, sans suivi, juste une phrase : maintenant, c’est à toi de te débrouiller. »

>>> Sur le même sujet : Commission ASE : "Voter des lois sans les voir appliquées, ce n’est pas très gratifiant" (Adrien Taquet)

Au fil des questions des députés, les membres du Comité de vigilance ont fait part de la nécessité de créer davantage de passerelles entre l’ASE et l’Education nationale. « Je pense qu’on peut mettre des encadrants scolaires au sein de l’éducation nationale », appuie Rania Kissi. Qui généralise : « On ne doit plus voir la protection de l’enfance sous le prisme de la protection de l’enfance. Chaque politique publique doit voir ce qu’on insérer [pour les enfants placés].»

Soulignant les enfants qui, ces dernières années, se sont donné la mort, « parce qu’ils n’avaient plus d’espoir », accusant l’Etat de « laisser tomber les enfants », le Comité de vigilance a réitéré ses attentes envers la commission. « Je ne veux pas que ce rapport soit un énième rapport, pour caler un bureau » mais pour apporter « des solutions », conclut Rania Kissi. « Notre attente, c'est que la France devienne un pays des droits de l'enfant. »

Protection de l'enfance

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