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Ce que préconise le Gepso pour sauver la protection de l'enfance

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FRA -  SOI - POUPONNIERE DU CENTRE DE L ENFANCE - CHANTEPIE

"Depuis 2022, pas moins de 23 rapports en matière de protection de l'enfance ont été publiés, soit plus de 1 800 pages de recommandations. Et malgré cette abondance d’analyses pertinentes, saluées par tous les acteurs, la transformation en actes se fait désespérément attendre", déplore Florine Pruchon, responsable du pôle plaidoyer chez SOS Villages d'enfants et coordinatrice de Cause majeur!, lors du colloque "Quelles solutions pour la protection de l'enfance" organisé au Sénat le lundi 7 avril 2025.

Crédit photo Francois Lepage
Lundi 7 avril 2025, à l’initiative du Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux, un colloque intitulé « Quelles solutions pour la protection de l’enfance ? » s'est tenu au Sénat, sous le marrainage des sénatrices Marion Canalès et Laurence Rossignol. Au cœur des échanges : un rapport choc paru en novembre 2024 et 70 propositions concrètes. 

On ne le sait que trop, la protection de l’enfance en France craque. De partout. Manque criant de personnel, explosion des signalements, établissements débordés, enfants sans solution de placement, mineurs non accompagnés non pris en charge, professionnels en souffrance, turn-over incessant, sorties sèches de jeunes majeurs livrés à eux-mêmes à 18 ans... Les travées du Sénat ont résonné d’une même urgence ce lundi 7 avril : celle de protéger les enfants les plus vulnérables.

Une nécessité d’agir au plus vite partagée par l’ensemble des intervenants conviés par le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso). Praticiens, élus et acteurs de terrain y ont dressé un tableau sans concession d’un système saturé, fragilisé, et parfois même en déshérence. Et en face « une politique qui se contente trop souvent de colmater les brèches sans jamais repenser la structure », déplore Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE).

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Une formation lacunaire

L’un des constats les plus saillants partagé par les participants : l’indigence de la formation des travailleurs sociaux en matière de protection de l’enfance. Une semaine, en moyenne, y est consacrée dans les cursus, alors même que la majorité d’entre eux exerceront dans ce secteur. « Tous les anciens enfants placés se souviennent d’un adulte mal formé. Et cela laisse des traces », témoigne Rania Kisse, membre du Comité de vigilance des anciens enfants placés.

Pour y remédier, le rapport prône un renforcement massif des contenus liés à l’enfance dans les formations, ainsi qu’un accompagnement continu des professionnels, souvent eux-mêmes en souffrance.

Diversifier les modalités, individualiser les parcours

Autre pilier du rapport : la diversification des prises en charge. Trop souvent, le placement est la seule réponse. Or il devrait être le dernier recours. Le rapport propose une gradation des réponses, adaptées à chaque situation, sur chaque territoire. « Le PEAD [placement éducatif à domicile], par exemple, bien que prometteur, se heurte à une instabilité juridique et un manque d’évaluation. Des outils existent, mais ne sont ni consolidés ni valorisés ». regrette Christine Omam, membre de la commission Prévention-protection de l’enfance.

>>> à lire aussi : Le placement éducatif à domicile doit-il être remanié ? 1/2

Ecouter les enfants, vraiment

Tous s'accordent à le dire, la parole de l’enfant, trop souvent recueillie pour la forme, est rarement pleinement entendue. Serait-elle pour autant favorisée par une désinstitutionnalisation ? « Même si un enfant de 6 ans ne parlera jamais "désinstitutionnalisation",  il exprimera le besoin d’avoir des adultes de confiance, qui s’adaptent à lui. Et non l'inverse », défend Emma Etienne, fondatrice de l'association Speak ! et ancienne enfant placée.

Le rapport s'interroge également sur la pertinence de maintenir le lien, à tout prix, entre les enfants et les parents, même si ces derniers peuvent se révéler parfois toxique. « On voit revenir des discours simplistes glorifiant la famille biologique, comme si elle était toujours la meilleure réponse, alerte Anne Devreese. Pour ceux d’entre nous qui travaillent sur les projets de vie des enfants et leur besoin fondamental de sécurité affective, c’est inquiétant. L’adoption n’est pas un remède universel. Elle ne doit pas être un substitut à une réflexion fine sur les parcours des enfants vulnérables. »

Pour la présidente du CNPE, la protection de l’enfance ne sera clairement pas une priorité politique « tant que la parole des enfants n’est pas pleinement prise en compte, et qu’il n’y a pas une meilleure considération de ceux qui s’occupent d’eux ».

Un système en péril, des solutions à portée de main

L'un après l'autre, tous les intervenants martèlent le même constat : « La situation est grave ». Saturation des dispositifs, fuite des professionnels, épuisement du secteur. Et pourtant, de nombreuses propositions sont « faites, depuis des mois, parfois des années ». Comme la sécurisation du statut des administrateurs ad hoc, « simple à mettre en œuvre », estime Pierre Naves, ancien inspecteur général des affaires sociales. « Le courage politique s’exprimera dans la capacité à sortir des silos, et surtout, la volonté de regarder le monde à hauteur d’enfant. »

Et non en adoptant des lois répressives, estime Eric Delemar, défenseur des enfants, adjoint à la Défenseure des droits : « Présentée comme un renforcement de la justice pénale des mineurs, elle acte en réalité une nouvelle étape dans le détricotage de l’ordonnance de 1945. Votée au Sénat contre l’avis même de la commission des lois, la mesure est jugée inefficace par les professionnels du secteur. Elle ne ferait ni baisser la délinquance, ni accompagner les jeunes concernés. Pire, elle pourrait l’aggraver, tout en engendrant des coûts considérables pour l'Etat. »

Les différents intervenants de ce colloque appellent à l'unanamité à « une véritable ingénierie des parcours qu’il faudrait bâtir, de l’entrée dans le dispositif jusqu’à la sortie vers l’autonomie. Cela implique un accompagnement dès les 16 ans, des entretiens réguliers, une prise en compte du vécu, des singularités et non uniquement des critères administratifs. »

>>> à lire aussi : Catherine Vautrin veut "familialiser" la protection de l’enfance

70 recommandations du Gepso parmi lesquelles :

  • Elever la prévention au rang de priorité nationale, en stabilisant les financements et en définissant une stratégie interministérielle.
  • Mettre fin aux ruptures de parcours, en garantissant une continuité dans les soins, les liens sociaux et les apprentissages, même en cas de placement.
  • Renforcer les droits des enfants protégés, notamment leur participation aux décisions les concernant et le respect de leur intimité.
  • Professionnaliser les acteurs de la prévention et de la protection, en développant la formation initiale et continue, et en revalorisant les métiers du secteur.
  • Evaluer systématiquement les politiques publiques de protection de l’enfance, avec des indicateurs centrés sur le bien-être et le développement des enfants.

Protection de l'enfance

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