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Ce que les associations reprochent à la loi Attal

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Arrested teenager with handcuffs on his hands

La proposition de loi dite Attal, qui va dans le sens d'un durcissement de la justice pénale des mineurs, prévoit notamment la comparution immédiate. 

Crédit photo Alexander Raths - stock.adobe.com
Déposée à l’initiative de Gabriel Attal, la proposition de loi visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leur famille » avait été adoptée le 13 février en première lecture à l’Assemblée nationale par 125 voix contre 58. La commission des lois du Sénat a été saisie le même jour pour l’examiner.

En opérant un changement de cap radical en matière de justice des mineurs, la proposition de loi dite Attal ne pouvait que susciter la réprobation des associations du secteur social. Gabriel Attal, à l’époque Premier ministre, en avait certes déjà brossé les prémisses par le biais d’une série de mesures promises au printemps 2024, en guise de réponse aux émeutes du début de l'été 2023, après la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d'un contrôle routier à Nanterre. Mais son passage devant l’Assemblée nationale ravive les critiques. « Est-ce la façon dont on souhaite accompagner les parents en difficulté à l’heure où nous attendons les conclusions de l’enquête parlementaire sur les manquements de la protection de l’enfance et au lendemain du troisième anniversaire de la loi Taquet qui peine toujours à être appliquée ? », s’alarment l’Uniopss et Citoyens & Justice dans un communiqué commun.

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Destiné à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leur famille », le texte met à mal la philosophie originelle de la justice pour les mineurs, historiquement fondée sur un équilibre entre la prévention et la répression à l’encontre des moins de 18 ans. Un durcissement que réprouve Adeline Hazan, présidente de l’Unicef France, dans un communiqué, en ce qu’il va à l’encontre de « La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et l'ordonnance du 2 février 1945 » qui défendent une justice vouée à « protéger, réhabiliter et dissuader ». A ses yeux, les mesures adoptées « contredisent ces principes fondamentaux ». « Ces dispositions compromettent une justice de qualité, proportionnée et attentive aux parcours individuels des jeunes. Nous craignons qu’elles s’avèrent contreproductives », déplore la présidente.

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A « ce recul majeur pour les défenseurs d’une justice éducative, individualisée et humaniste respectueuse des droits de l’enfant », l’Uniopss et Citoyens & Justice opposent un plaidoyer en forme de oui mais.

Oui à « la restauration de l’autorité de la justice » mais pas « au détriment de la protection de l’enfance ». Le communiqué des organisations rappelle que loin de répondre à l’urgence « de renforcer l’accompagnement éducatif et le soutien parental », les députés ont préféré voté « des mesures répressives à l’encontre des parents les plus en difficulté ». Les associations dénoncent à ce sujet les amendes avec risque d’incarcération qui planent non seulement sur les parents des enfants délinquants, mais aussi sur ceux des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, en cas de manquements éducatifs répétés.

« La définition de ces « manquements » est tellement large que tous les parents des enfants protégés peuvent être concernés par cette nouvelle disposition que leurs enfants aient commis des infractions ou pas », critiquent les associations.

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Un tournant qui provoque l’incompréhension d’Adeline Hazan, qui rappelle que « la délinquance juvénile trouve souvent ses racines dans des situations de vulnérabilité » et que « la prévention spécialisée et la protection de l’enfance » censées protégés ces mineurs « souvent eux-mêmes victimes » « sont dans un état dramatique ». « Plutôt que de renforcer l’arsenal juridique, il est impératif de se donner les moyens d’appliquer les lois existantes », insiste la présidente de l’Unicef.

Oui au principe de « juger rapidement les faits », mais « pas dans l’immédiateté » scande ensuite l’Uniopss. Alors que le nouveau code de justice pénale autorise déjà à juger les mineurs multirécidivistes sous 10 jours, la comparution immédiate présente « un risque d’emprisonnement toujours plus grand », à l’instar d’un phénomène déjà constaté chez les majeurs. « Comment garantir la prise en compte de la situation du jeune et de son évolution sans aucun délai ? (…) Comment l’enfant et son avocat peuvent-ils préparer sa défense, lui qui manque parfois d’un soutien parental ? » s’interrogent l’Uniopss et Citoyens & Justice. 

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Enfin, oui à la responsabilisation de l’enfant, mais sans « le considérer par défaut comme un adulte ». Les organisations s’inquiètent en particulier de l’inversion du principe de l’excuse de minorité, puisque le texte « considère par défaut qu’un enfant de 16 ans doit être jugé comme un adulte ». « A l’âge où le jeune est en plein développement psychique et émotionnel, c’est au contraire le moment de développer et prioriser des réponses pénales éducatives et préventives, des procédures adaptées aux adolescents leur donnant le temps de comprendre, de réparer, de se réparer, et d’éviter qu’il s’installe durablement dans la délinquance », estiment les associations.

A l’heure où le texte a été déjà transmis au Sénat, les organisations, qui rappellent que « 50% des mineurs pris en charge pénalement ont également fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger », exhortent la chambre haute à garder en tête un principe aussi simple que fondamental: « Un enfant reste un enfant ».

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