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Bouches-du-Rhône : l’ASE épinglée, la directrice débarquée

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Help after sexual abuse

Entre janvier et avril 2022, l’Inspection générale des affaires sociales a réalisé un contrôle du service d’aide sociale à l’enfance (ASE) du département des Bouches-du-Rhône.

Crédit photo dpa Picture-Alliance via AFP
L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu public, mardi 6 juin, le résultat des investigations menées depuis 2022 auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) des Bouches-du-Rhône. Dispositifs saturés, enfants humiliés, professionnels mal à l’aise… Les constats sont accablants.

Quatre mois d’enquête, 450 professionnels, une centaine de mineurs et des dizaines de parents auditionnés, 21 lieux d’accueil d’enfants visités de façon programmée ou non, une analyse de 50 dossiers d’enfants… De janvier à fin avril 2022, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a ausculté dans les moindres détails la politique d’aide sociale à l’enfance (ASE) des Bouches-du-Rhône.

La mission de contrôle, soumise à une procédure contradictoire, assortie de recommandations et d’échéances à respecter, s’est achevée en mai dernier avec l’évaluation des actions correctives mises en œuvre. Et avant même la publication de l’ensemble des travaux, ce mardi 6 juin, le département a réagi en démettant de ses fonctions la directrice du service « Enfance et famille », Valérie Foulon. Une information de La Provence, confirmée par la collectivité.

Ces dernières années, l’ASE des Bouches-du-Rhône avait déjà été l’objet de nombreuses critiques, dont ce rapport, en février 2021, de la chambre régionale des comptes. L’Igas, qui n’avait pas posé ses valises à Marseille par hasard, confirme de manière éclatante l’ampleur des problématiques et des carences des services, tant en termes d’organisation et de pilotage, que de résultats sur le terrain.

Manque de moyens

La mission reconnaît le contexte difficile d’un des départements les plus inégalitaires de France. A la pauvreté, s’ajoutent les phénomènes de violence, de prostitution juvénile, de délinquance des mineurs, parfois recrutés par des réseaux de narcotrafic. Ce contexte « place les services sociaux sous grande tension, en particulier dans les quartiers les plus difficiles de Marseille, où le sentiment d’impuissance face à l’ampleur des difficultés gagne les travailleurs sociaux ». L'Igas admet également que le département « tend à supporter le poids d’enjeux qu’il ne pourra résoudre seul, et qui nécessitent la mobilisation de l’ensemble des acteurs institutionnels, y compris de l’Etat ».

Il n’empêche que les moyens alloués sont loin d’être à la hauteur des enjeux. « En 2019, les Bouches-du-Rhône dépensaient 480 € par habitant de moins de 20 ans pour la protection de l’enfance, contre 632 € dans le Nord et 737 € en Seine-Saint-Denis. » Cette situation conduit à un « sous-investissement dans la prévention et les actions éducatives » et dans le financement des associations en charge de l’exécution des mesures, faisant peser un « risque sur la qualité de l’accueil ». Même constat sur les moyens humains, avec des ratios d’encadrement éducatif en établissement jugés faibles.

Humiliation et toute-puissance

Sur le terrain, l’Igas a constaté de « graves dysfonctionnements » dans la prise en charge des enfants. « Certains établissements adoptent des pratiques et des comportements proches de la toute-puissance, y compris vis-à-vis du cadre judiciaire dans lequel s’inscrit leur action, ce qui peut notamment conduire à des violations des droits de visite et d’hébergement. » Les inspecteurs disent avoir visité plusieurs établissements présentant « des conditions matérielles, d’hygiène, d’entretien et d’aménagement inadaptées » et constaté des postures et des approches inadéquates dans la prise en charge des enfants : « propos rabaissants et humiliants, jugements dévalorisants sur les enfants, ou comportements répondant en miroir à la provocation des enfants ». L’Igas demande de renforcer le contrôle des lieux d’accueil. Faute de gestion de la violence, d’anticipation de l’adolescence, les ruptures de placement « sont trop fréquentes », et leur « multiplication s’assimile à une maltraitance de l’institution ».

Saturation de tous les dispositifs

Autre point noir, la saturation de « tous » les dispositifs de protection. Le nombre de mesures administratives s’avère beaucoup trop faible pour répondre aux besoins. La part d’actions éducatives à domicile (AED) dans l’ensemble des mesures d’ASE se situe à 5,5 % pour une moyenne nationale de 14,5 %. Cette faible capacité de mesures administratives et le fort taux de judiciarisation « témoignent de difficultés persistantes dans le travail sur l’adhésion et le pouvoir d’agir des parents ». D’autant plus qu’un tiers des placements judiciaires à domicile ne sont pas exercés.

Si les difficultés de recrutement des assistants familiaux n’épargnent aucun département, la part de l’accueil familial dans les Bouches-du-Rhône reste la plus faible de France. L’accueil d’urgence présente, lui, un taux d’occupation supérieur à 100 %. Avec un constat similaire pour les établissements d’accueil pérenne (98 %). « Cette situation ne permet pas de trouver d’adéquation entre le profil de l’enfant et la place, et conduit à maintenir des mineurs dans des dispositifs d’urgence, pour des durées pouvant excéder un ou deux ans. »

Dans un tel contexte, rien d’étonnant à ce que la mission souligne le malaise des professionnels, « jusqu’à la crise de sens, et le sentiment de s’inscrire dans un dispositif qui [peut] à son tour devenir maltraitant à l’égard des enfants ».

Situation dégradée malgré les efforts

Malgré ce sombre tableau, l’Igas constate des efforts. La collectivité a notamment su résoudre la crise de l’accueil des mineurs non accompagnés, malgré des dysfonctionnements persistants dans l’accompagnement éducatif. Six mois après la remise du rapport, la commission des suites relève la mise en place de nombreuses initiatives : formation à l’évaluation des informations préoccupantes, création d’un conseil départemental des jeunes de l’ASE, de postes d’éducateurs spécialisés, installation d’un outil de gestion des places en établissements, ouvertures de mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO), etc.

La mission s’alarme néanmoins que, depuis son passage, la situation s’est « à bien des égards dégradée sur les ruptures de placement ou sur la saturation des établissements ». Elle se réserve le droit d’évaluer à nouveau, à horizon 2025, le déploiement du plan d’action.

 

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