« Je me sens protégé mais parfois j’aimerais être un peu plus libre. » « Dans ma vie d’adulte, je me projette positivement, j’aimerais devenir infirmier puériculteur. » « Ma famille d’accueil a très bien fait son travail, c’est vraiment l’aide sociale à l’enfance et son organisation, le problème. » « On m’a demandé à mes 18 ans d’être autonome, d’avoir un logement, d’avoir un travail fixe (…). Cela m’a un peu interpellé, je suis ressorti de la réunion, j’avais peur »… Plus de 1 500 enfants protégés par l’aide sociale à l’enfance (ASE ) et jeunes majeurs ont été entendus dans le cadre de la mission confiée par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, à Gautier Arnaud-Melchiorre, étudiant en droit de 26 ans et ancien enfant placé.
Publiées mercredi 5 janvier, les conclusions de ce rapport (dont les ASH avaient rendu compte en novembre dernier) portent sur les besoins et les attentes des jeunes, rencontrés directement dans leurs lieux d’accueil (centres maternels, familles d’accueil, pouponnières, lieux de vie et d’accueil, milieu ouvert, etc.). Aucun enfant confié à un tiers n’a toutefois témoigné. « Les départements visités n’ont pas donné suite à une demande de rencontre, ce qui illustre le faible intérêt pour cette modalité de protection », est-il expliqué.
Une stigmatisation mal vécue
Le bilan tiré de ces nombreux entretiens est en demi-teinte. Si les enfants font état des bons moments passés avec les travailleurs sociaux et soulignent leurs qualités professionnelles, de nombreux dysfonctionnements sont pointés du doigt. En premier lieu, les jeunes souhaiteraient davantage rencontrer leur référent ASE. Un besoin unanimement partagé. « La plupart, mineurs comme jeunes majeurs, regrettent la faible fréquence des rencontres avec le référent, le peu de disponibilité, l’insuffisante attention qu’il accorde aux demandes de chacun », explique le rapport. Les jeunes interrogés pointent par ailleurs une stigmatisation du fait de leur placement, notamment à l’école. « Beaucoup d’enfants ont expliqué que la société portait un regard faussé sur leur situation, que les autres pensent qu’ils sont responsables de leur mesure de protection. » En conséquence, certains expliquent vivre avec honte le fait d’être associés à l’aide sociale à l’enfance et demandent plus d’anonymat, par exemple en retirant le logo de l’association ou de l’établissement sur les véhicules qui les transportent.
Parmi les autres attentes relayées dans le rapport apparaît la demande d’une meilleure considération du « temps de la nuit ». Cela se traduit, par exemple, par le fait de disposer d’une chambre agréable qui favorise un sentiment de sécurité, ou encore par la présence d’un éducateur familier sur les lieux. « J’ai été victime d’agressions sexuelles par mon demi-frère, depuis j’ai peur la nuit et j’aimerais qu’on me protège mieux », peut-on ainsi lire dans un des témoignages. Comme solution, il est proposé de réintroduire les professionnels éducatifs la nuit pour remplacer les surveillants de nuit qui ne sont pas formés.
Enfin, cette mission, qualifiée d’inédite par la Cnape (Convention nationale des associations de protection de l’enfant), met en avant l’importance d’aborder les questions affectives et sexuelles avec les jeunes. Une meilleure formation des professionnels sur le sujet est nécessaire, souligne l’auteur du rapport, qui note un « tabou » relatif à la question. Il est suggéré de prévoir au sein de chaque structure des protections pour les rapports sexuels des jeunes ainsi que des lieux dédiés, « afin d’éviter qu’ils n’aient que des “squats” pour pouvoir vivre leur vie sexuelle ».
Je m’étais engagé a leur donner directement la parole et à recueillir leurs besoins. Merci à @gautieram qui a conduit un formidable travail et me rendra son rapport le 20 novembre prochain https://t.co/JAZ52SBdUg
— Adrien Taquet (@AdrienTaquet) November 14, 2021