Pas d’amélioration. Pire, une dégradation de l’accompagnement ! C’est le jugement, amer, que formule Cause majeur !, à l’occasion de l’anniversaire de la loi du 7 février 2022.
Pour la troisième année consécutive, le collectif avait adressé un questionnaire à son réseau pour mesurer l’effectivité des dispositions relatives aux jeunes majeurs. Quelque 124 acteurs de terrain, accompagnant plus de 4500 jeunes au sein de 54 départements, y ont répondu. Une consultation, prévient le collectif, sans « visée scientifique » mais qui « dessine des tendances ». Et elles ne sont pas forcément très bonnes.
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Si les jeunes majeurs bénéficient d’un meilleur accompagnement éducatif et financier, le soutien sur le plan thérapeutique et administratif reste « bien en deça des ambitions et des besoins », observe Cause majeur !.
En moyenne, les jeunes sont accompagnés pendant 21 mois, soit jusqu’à 19 ans et 9 mois. C’est un mois de plus par rapport à l’an dernier, mais insuffisant au regard de la loi qui garantit un accompagnement jusqu’à 21 ans. Un progrès toutefois : « Les jeunes semble davantage priorisés dans l’accès au logement social par rapport aux années précédentes », souligne le collectif.
Cause majeur ! relève « des points de régression alarmants » :
- Moins d’éducateurs référents. 20% des répondants signalent leur absence, contre seulement 7% en 2024. « Cette évolution souligne une aggravation des difficultés de recrutement et témoigne de la crise d’attractivité que traverse notre secteur », explique Cause majeur ! ;
- Le droit au retour à l'Ase n’est pas effectif : 22 % des professionnels rapportent que ce droit n’est pas mis en œuvre dans leur département, contre 9 % en 2024. Par ailleurs, 41% déclarent ignorer si ce droit est effectif dans leur département, « révélant un manque de traçabilité des parcours » ;
- Les mineurs non accompagnés (MNA) discriminés : un répondant sur deux accueillant des MNA estime que les anciens MNA ne bénéficient pas de la même qualité d’accompagnement que les autres jeunes dans leur département. Ils étaient 43% l’an passé, ce qui laisse à penser que « les conditions se dégradent », juge le collectif. « Les MNA et les jeunes sous OQTF subissent des ruptures brutales de prise en charge, aggravées par la loi immigration de 2024. »
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Cause majeur ! identifie par ailleurs de « nombreux points de stagnation » :
- Des refus d’accompagnement non conformes à la loi continuent d’être invoqués par les départements (absence de projet scolaire ou professionnel, comportement jugé inadapté, manque d’adhésion au contrat, saturation des dispositifs ou changement de département pour n’en citer que quelques-uns) ;
- Les spécificités de cette loi sont méconnues par beaucoup d’acteurs de la protection de l’enfance ;
- Les entretiens préparatoires à la sortie et 6 mois après celle-ci ne sont pas systématisés ;
- D’importantes inégalités territoriales persistent (entre les départements et au sein d’un même département).
« Il est nécessaire de clarifier, au plus vite, la loi du 7 février 2022 afin que tous les jeunes en situation de vulnérabilité aient les mêmes droits et puissent être accompagnés a minima jusqu’à 21 ans voire jusqu’à 25 ans si nécessaire, quels que soient leur parcours ou origine », estime Florine Pruchon, coordinatrice du collectif et responsable du pôle plaidoyer chez SOS Villages d’enfants.
Favoriser la promotion de la loi
Le collectif demande au gouvernement et aux départements de veiller à l’effectivité de cette loi sous tous ses aspects (droit au retour, accompagnement pluriel, conduite des entretiens, etc.), de favoriser sa promotion pour qu’elle soit mieux connue et appliquée et d’accorder aux MNA une prise en charge de qualité au même titre que les autres jeunes accompagnés par la protection de l’enfance.
Il y a quelques jours, les Oubliés de la République formulait des constats similaires à partir des données recueillies auprès de 20 départements. Pour rappel, le texte promulgué le 7 février 2022, prévoit que les jeunes de 18 à 21 ans, auparavant confiés à l’aide sociale à l’enfance sont, de droit, éligibles à un accompagnement dès lors qu’ils ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisant.
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