« Le pénis, ou la main, les doigts, les lèvres, sont au viol ce que le fusil à pompe, le revolver ou le couteau sont au braquage : une arme », écrit le juge Edouard Durand. Evincé en décembre dernier de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), dont il était co-président depuis sa fondation en 2021, l'homme n’abandonne pas le combat. Il l’exprime haut et fort dans 160 000 enfants. Violences sexuelles et déni social, publié dans la collection Tracts des éditions Gallimard (3,90 €). Un texte de trente pages dans lesquelles il va à l’essentiel avec une précision quasi chirurgicale pour décrire les « monstruosités » dont est victime, en France, un enfant toutes les trois minutes.
Il rappelle que la majorité des « violeurs d’enfants » sont des hommes, pas forcément majeurs mais toujours plus grands que la victime. Ces actes, la société les connaît, souvent même, « tout le monde savait », pointe le spécialiste, mais tout le monde se tait.
A lire aussi : Sébastien Boueilh démissionne de la Ciivise
« Comme si de rien n'était »
Un silence complice et un déni social : « Le déni collectif et l’impunité des agresseurs marchent main dans la main, tranquillement, avec assurance, sans inquiétude. Comme si de rien n’était. » Les arguments sont puissants : les enfants mentent, ils inventent ou bien ils sont manipulés par des mères qui veulent se venger d’un ex-conjoint. Le syndrome d’aliénation parentale, inventé par un psychiatre, a bon dos ! Résultat : plus de 70 % des plaintes déposées pour violences sexuelles sur mineur font l’objet d’un classement sans suite. Et seulement 3 % des auteurs sont déclarés coupables.
« La négation de l'identité »
Chez les victimes, les blessures restent sans fin. « Le présent perpétuel de la souffrance, l’état de stress post-traumatique » ne les quittent jamais. Comme pour cette femme abusée par son entraîneur à l’âge de 11 ans, qui aurait bien aimé être mère mais qui sursautait à chaque fois que son mari la touchait. « L’inceste est la négation de l’identité, le piétinement, la destruction, l’absorption, l’aspiration, le déchirement de l’identité de l’enfant », martèle Edouard Durand. Et d’ajouter : « C’est pour ça qu’il faut croire les enfants. »
Lire aussi : D’anciens membres de la Ciivise réclament le retour du juge Durand