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1 000 premiers jours de la vie de l’enfant : vers une bataille budgétaire

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Le 2 juillet dernier, Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, a livré un point d’étape sur les travaux de la commission des « 1 000 premiers jours de l’enfant », présidée par Boris Cyrulnik. Si les pistes évoquées ne manquent pas de pertinence, la question des moyens de mise en œuvre reste posée.

« Il faut se battre pour les 1 000 premiers jours, parce que c’est là que se forment les inégalités. C’est là qu’on construit parfois le pire et qu’on peut bâtir le meilleur », déclarait le président Macron en septembre dernier, marquant ainsi sa volonté de faire de cette période une priorité de l’action publique. Comment ? En accompagnant mieux les parents de la grossesse aux 2 ans de l’enfant.

Dix mois plus tard, la commission d’experts a bouclé son rapport, le tour de France d’Adrien Taquet parti à la rencontre des parents est achevé et la consultation en ligne également.

 

Demande de soutien à la parentalité

De ses échanges avec les familles, le secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance retient leur sentiment de solitude, notamment pour les femmes, brusquement livrées à elles-mêmes au moment du retour à la maison, et le manque de suivi après la naissance. Le besoin également de « libérer la parole », et de lever les tabous d’une parentalité pas forcément heureuse, assombrie dans 10 à 15 % des cas par des dépressions post-partum, dont près de la moitié ne seraient pas diagnostiquées. Autres préoccupations des familles, la question des vulnérabilités (économiques et sociales, santé, psychisme, handicap…), aux influences directes sur le développement des enfants (à 4 ans, un enfant issu d’une famille défavorisée, maîtrise deux fois moins de mots en moyenne qu’un enfant de milieu favorisé) ; la difficulté à s’y retrouver dans une information surabondante et non « labellisée » ; et enfin l’évolution de la relation père-enfant, impliquant un nouvel équilibre familial.

En complément de ces rencontres, une consultation en ligne a recueilli les réponses de près de 11 000 parents de jeunes enfants.

En tête de leurs priorités : l’amélioration des congés de naissance (congé maternité ou paternité, congé parental), qu’ils souhaitent plus longs, mieux rémunérés et plus flexibles, notamment pour permettre au deuxième parent d’être plus présents les premiers mois, et aux femmes qui le souhaitent de pouvoir allaiter plus longtemps.

Leur deuxième priorité est l’amélioration du système de modes de garde (nombres de places en crèche, financement, conditions d’accueil..). Puis vient le désir d’accès à une information fiable sur l’éducation et la santé du jeune enfant ainsi que celui d’être mieux accompagnés par des professionnels, tout au long de cette période.

Quatre experts de la commission – Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, Alexandra Benachi, gynécologue-obstétricienne, Isabelle Filliozat, psychothérapeute, et Ghislaine Dehaene-Lambertz, pédiatre et directrice de recherches au CNRS – ont également pris la parole lors de ce point d’étape, pour évoquer les raisons pour lesquelles cette période des 1 000 jours est déterminante pour le bon développement et la construction de l’enfant, ainsi que pour ses parents, qui doivent maintenir un équilibre dans leur vie personnelle, familiale et professionnelle.

Boris Cyrulnik a ainsi rappelé que c’est à ce moment-là que se fait « l’acquisition des facteurs de protection et de vulnérabilité », et que l’« on peut agir sur le milieu qui agit sur nos enfants », en développant « une démarche scientifique, clinique et culturelle ».

« Nous connaissons les points faibles, et nous savons comment agir », a-t-il ajouté. Tout le travail de la commission a ainsi consisté à recenser les difficultés rencontrées par les parents, et les facteurs de risque, et à identifier, à la lumière des dernières connaissances scientifiques sur le sujet, les leviers pour les prévenir, les désamorcer.

 

Des propositions, mais avec quels moyens ?

Les recommandations de la commission ne seront officiellement connues que début septembre, lors de la remise du rapport au président de la République.

Les experts ont toutefois évoqués plusieurs pistes : l’allongement des congés de naissance et parentaux, la création d’un « référent unique » de soutien pour les parents, qui serait lui-même en lien avec les autres professionnels, pour assurer un suivi avant et après la naissance. Ce référent ne serait pas un nouveau professionnel, mais l’un de ceux qui s’occupent déjà des familles, et qui pourrait être rémunéré pour cette fonction de coordination. Autres pistes : l’encouragement dès la grossesse des échanges entre parents ; la formation de tous les professionnels à la périnatalité, pour mieux prévenir, dépister, et prendre en charge les dépressions post-partum et l’épuisement parental ; le renforcement de la formation des assistantes maternelles et de tous les professionnels aux dernières connaissances scientifiques sur le développement de l’enfant et la parentalité.

Plusieurs questions restent néanmoins en suspens. D’abord celle des moyens alloués à ce projet. Comme le dit Boris Cyrulnik, « s’occuper des 1 000 premiers jours est un investissement qui est une excellente affaire. Ceux qui l’ont fait comme les pays nordiques s’en félicitent : en dix ans, en Finlande, l’illettrisme a quasiment disparu (taux entre 0 et 1 %) ». Mais le gouvernement donnera-t-il à ce plan les moyens matériels et financiers de se déployer, alors même que les 20 dernières années ont été marquées par un recul sensible des politiques familiales ? Selon une estimation du secrétariat d’Etat, l’allongement du congé de paternité coûterait 20 à 25 millions d’euros par journée supplémentaire.

 

Un maillage complexe de services

Se pose aussi la question de la méthode et de l’optimisation de ce qui existe déjà : de nombreux professionnels travaillent de longue date sur les problématiques soulevées par la commission et ont développé des outils de soutien à la parentalité. Problème : l’hétérogénéité de ce soutien en fonction des territoires, car il repose sur un maillage complexe de services nationaux, départementaux et d’acteurs associatifs locaux, subventionnés par la caisse d’allocations familiales, les conseils départementaux et les municipalités. Et enfin, faute de ressources suffisantes, des structures sont contraintes de limiter leur accueil aux familles les plus précaires. Les centres de protection maternelle et infantile (PMI) en sont l’exemple le plus frappant, comme l’a montré le rapport « Peyron » de juin 2019(1). Comment le secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance compte-t-il coordonner ces différents services, pour assurer une couverture homogène de l’ensemble du territoire ?

Interrogé par les ASH, Adrien Taquet répond que les services de la PMI – dont il souhaite assurer la refonte – deviendront les piliers de la mise en œuvre du « parcours des 1 000 jours » qui commencera par l’entretien du 4e mois de grossesse. Et qu’il faudra travailler sur les articulations et la continuité des réseaux « et mettre les parents au centre ». Enfin, sur la question des moyens, le secrétaire d’Etat l’assure : « La crise a accentué ce que l’on savait déjà, à savoir la nécessité de mieux accompagner à la parentalité et d’investir dans l’enfance autant que nécessaire. On mettra les moyens qu’il faut, c’est un investissement sur l’avenir. » Ces mesures pourraient ainsi être inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Notes

(1) Voir ASH n° 3115 du 14-06-19, p. 15.

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