Pour Leila Ghomrani et Coralie Bondue, les toutes premières années de leur vie s’apparentent à « des zones d’ombre ». Comme pour n’importe quel enfant, difficile pour les deux jeunes femmes de se souvenir des premiers instants de leur existence autrement que par les récits enjolivés de leurs proches. Seulement voilà, elles n’ont personne qui puisse leur raconter la totalité de leur prime enfance. Car les deux anciennes bénéficiaires de l’aide sociale à l'enfance (ASE), aujourd’hui travailleuses sociales, ont été confiées dès leurs premiers mois, passant d’un lieu d’accueil à l’autre au gré des possibilités d’hébergement. « J’ai eu la chance de me sentir moins seule grâce à un lien conservé avec ma fratrie, et de trouver rapidement une famille d’accueil dans laquelle je suis restée, estime Leila, 24 ans. Mais dès la maternité, j’ai été accueillie en foyer puis chez une assistance familiale. Il est très difficile de construire son histoire et de se stabiliser quand on a été placée si jeune. »
Prise en charge précoce
Ce témoignage n’était que l’une des nombreuses interventions des XVIe Assises de la protection de l’enfance, organisées par l’Action sociale, qui se sont déroulées les 29 et 30 juin 2023 à Nantes et encore disponibles sur la plateforme de la société.
« Le développement d’un enfant commence dès sa conception. Les 1 000 premiers jours constituent le socle fondateur de la construction de sa personnalité », a insisté Boris Cyrulnik, ethnologue, neuropsychiatre, et ancien président de la commission Les mille premiers jours en 2019, qui avait été choisi pour ouvrir ces deux journées. C’est sur cette période charnière dans le développement de l’enfant que les organisateurs de l’événement ont décidé de se concentrer. En décembre 2021, 8 910 enfants de moins de 3 ans bénéficiaient d’une mesure de la protection de l’enfance. Un chiffre en augmentation (7 118 en 2015), puisque les 0-3 ans représentent aujourd’hui 7 % des mineurs suivis par l'ASE.
Envisager des réponses spécifiques
Etats des lieux des connaissances scientifiques, témoignages des principaux concernés et de leurs familles, et exemples de dispositifs à l’international ont rythmé les deux journées de colloque. L’objectif : examiner et réfléchir aux réponses spécifiques à apporter aux tout-petits, que ce soit en amont ou au cours des mesures d’assistance éducative et de protection dont ils font l’objet. Meilleure connaissance des besoins de ce public, adaptation des démarches au regard de sa particularité, modalités de soutien à la parentalité en prévention et pendant le suivi, prise en charge plus précoce… sont quelques-unes des thématiques développées en séance plénière ou dans l’un des cinq ateliers. Cette année, les parents étaient pour la première fois conviés à participer en tant qu’intervenants.