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Le contrôleur général des lieux de privation de liberté s'interroge sur l'emprisonnement

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Au 1er mai 2012, près de 80 000 personnes étaient écrouées dans les prisons françaises, dont plus de 67 000 détenues pour un peu plus de 57 000 places. A eux seuls, ces chiffres font froid dans le dos.
Et ce d'autant plus que, à en croire le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans un avis publié mercredi 13 juin au Journal officiel, l'augmentation récente de la population carcérale tient notamment au fait que beaucoup des personnes qui se trouvent derrière les barreaux ne devraient pas forcément y être.

Une amnistie pour les courtes peines ?

Parmi ses recommandations, Jean-Marie Delarue propose d'ailleurs au Parlement de réfléchir à "une loi d'amnistie spécifique" pour apurer le passif des peines très courtes prononcées avant 2012 et toujours pas mises à exécution. Une suggestion très vite écartée par le gouvernement (voir encadré).
Plus généralement, le CGLPL soulève la question de "l'efficacité économique et sociale de l'emprisonnement tel qu'il est pratiqué" et, au-delà, de la manière dont fonctionnent nos juridictions pénales. L'accès à la justice des plus modestes, du côté des victimes comme des auteurs d'infraction, constitue en particulier "une préoccupation lancinante".
Des efforts doivent également être faits pour réviser la politique d'aménagement des peines, alors que le placement sous surveillance électronique (bracelet) gagne du terrain, ainsi que pour favoriser le placement extérieur ou en semi-liberté.

Un surpeuplement chronique

Autant de préconisations issues des constats de Jean-Marie Delarue, qui rappelle dans son avis que la surpopulation carcérale ne constitue pas en soi une "atteinte aux droits fondamentaux des personnes incarcérées".
Mais ses conséquences le sont incontestablement, poursuit-il en évoquant notamment "l'aggravation sensible des conditions d'existence et les ruptures que celles-ci provoquent dans la vie personnelle et la vie collective de chaque établissement".
Connue, analysée, dénoncée à maintes reprises, cette situation est loin d'être nouvelle. "Dans le passé, des établissements ont été plus peuplés encore qu'ils ne le sont aujourd'hui", souligne d'ailleurs le contrôleur des prisons dans cet avis de sept pages, en ajoutant que "leur surpeuplement est chronique".
"Mais la croissance rapide de ces derniers mois inquiète et nécessite que soient identifiées de manière aussi précise que possible les causes du phénomène", selon le CGLPL.

Malgré une délinquance en recul

Première mise en garde : "il convient de se défaire résolument de l'idée commune selon laquelle les effectifs de personnes emprisonnées sont liés à l'état de délinquance du pays". Ce n'est pas parce que la criminalité augmente que les prisons se remplissent, le taux de délits et crimes constatés pour 1 000 habitants n'ayant pas cessé de baisser depuis 10 ans.
C'est d'abord du côté de l'évolution des infractions qu'il faut aller chercher l'explosion du nombre de locataires des prisons. Ensuite, "la loi a développé des procédures de jugement plus rapides et le juge est, à infraction égale, plus sévère aujourd'hui qu'il ne l'était autrefois", constate Jean-Marie Delarue.
La population carcérale augmente donc "de nombreux détenus placés en détention, soit avant jugement, soit après jugement, pour de courtes peines", mais aussi, à l'autre bout de la chaîne, "en raison de l'accroissement sensible du nombre de longues ou très longues peines prononcées".
De même, l'effort récent des tribunaux pour faire exécuter plus rapidement les peines prononcées contribue à augmenter le nombre de détenus.
"Si l'on jugeait aujourd'hui comme il y a 40 ans, tout choses égales par ailleurs, environ moitié moins de détenus se trouveraient dans les prisons françaises", estime ainsi le CGLPL.

Des remèdes qui n'en sont pas

Résultat, au-delà de la présence de matelas par terre dans les cellules "rituellement (mais à bon droit) évoqués", c'est plus généralement "la promiscuité et les risques de conflit" qui s'en trouvent aggravés.
Sans oublier les difficultés d'accès au travail et aux autres activités, de dialogue avec les agents pénitentiaires et de relations avec l'extérieur (parloir, téléphone).
Parmi les différentes voies ouvertes pour y remédier, la construction de nouveaux établissements ne convainct pas, même si certains de ses objectifs "ne sont guère contestables" : remédier à la vétusté de trop nombreux établissements et permettre l'encellulement individuel des détenus qui le souhaitent.
"Mais d'autres motifs, de tonalité nettement plus sécuritaire, ont été avancés, qui ont fait l'économie de savoir si la prison était efficace, y compris en matière de sécurité", ce qui paraît somme toute paradoxal "dans une société où la délinquance constatée est en recul".
"On ne saurait poursuivre un tel programme sans réflexions sur son coût et surtout sur le genre d'établissements auxquels il conduit", poursuit le contrôleur général qui plaide, comme il l'a déjà fait par le passé, pour la réorientation de ces moyens vers la rénovation des maisons d'arrêt.
L'instauration d'un numerus clausus apparaît en revanche toujours peu souhaitable à Jean-Marie Delarue, et difficilement applicable, en revanche, les magistrats pourrraient tenir compte de la situation pénitentiaire dans le ressort d'un tribunal.

Avis du 22 mai 2012 relatif au nombre de personnes détenues, Contrôleur général des lieux de privation de liberté (J.O. du 13 juin 2012).

A lire aussi, sur le même sujet, notre article sur un manifeste, également publié mercredi 13 juin, "Pour une peine juste et efficace".

A.S.

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