Recevoir la newsletter

Céline Mons : « Je sais que je serai attendue au tournant, et je m’y prépare »

Article réservé aux abonnés

Céline Mons, présidente du Cnaemo

Crédit photo Stéphanie Trouvé Pixel Agence
Succéder à Salvatore Stella, qui a incarné la protection de l’enfance depuis plus d’un septennat, n’est pas une mince affaire. Céline Mons, nouvelle présidente du Cnaemo, n’ignore pas que les attentes sont très fortes. Mais elle aborde ce virage avec sérénité et volonté. Comme d’habitude.
Quand avez-vous décidé de vous porter candidate, et pourquoi ?

Nous savions depuis l’année dernière que Salvatore Stella, mon prédécesseur, voulait passer la main. Pendant toute une période, il n’y a pas eu de candidat déclaré, mais quelques personnes étaient pressenties. Finalement, le 12 mai, jour de l’élection, j’étais la seule à me présenter. Mais j’ai pris mon temps, j’y réfléchis depuis un an. Je trouve que le Cnaemo est un vrai mouvement militant. J’ai eu envie de m’y investir davantage et de porter la parole de l’association de manière encore plus intense.

Pourquoi pensez-vous avoir été élue ?

Etre directrice générale d’une association me donne un peu plus de latitude. Je peux organiser mon emploi du temps en fonction de mes missions, et je n’ai pas de contraintes horaires comme peuvent en avoir d’autres cadres. C’est un atout. De plus, en tant que vice-présidente et membre du bureau depuis quatre ans, je connais le fonctionnement du Cnaemo, l’implication que suppose le poste de président. J’ai pu en mesurer les enjeux. J’ai été élue par le CA [conseil d’administration], qui me connaissait déjà. Membre de la commission régionale dans laquelle je me suis énormément impliquée, j’ai également pu créer des liens avec les délégués régionaux. Je pense aussi que ce qui a pu plaire, c’est mon côté militant. Je viens du terrain et j’ai des valeurs que j’essaie de transmettre et qui, je pense, correspondent à celles du Cnaemo.

Quelles sont ces valeurs ?

Ce que je défends à travers le Cnaemo, c’est la protection de l’enfance en général, et plus particulièrement le travail avec les familles, la parole de l’enfant, le pouvoir d’agir. Mais je veux aussi porter à la connaissance des pouvoirs publics ce que représente vraiment le milieu ouvert. A savoir des éducateurs qui vont seuls dans les familles, avec une responsabilité et une pression importantes, et des salaires souvent bien en deçà de ce qu’on leur demande en termes d’implication. Ce sont des métiers de l’humain qui demandent beaucoup de temps, d’énergie, d’engagement. J’ai envie de faire mieux connaître et de porter la parole des équipes, du terrain, et aussi les difficultés que rencontrent ces professions indispensables mais aujourd’hui en perte d’attractivité et en souffrance.

Les pouvoirs publics s’imaginent-ils encore trop souvent que la protection de l’enfance se résume à l’hébergement ?

La protection de l’enfance, ce sont bien sûr les maisons d’enfants. J’en gère d’ailleurs deux. Mais c’est un secteur qui va bien au-delà de l’hébergement, avec notamment les services de milieu ouvert ou le maintien à domicile. Il faut également défendre la protection de l’enfance dans son ensemble. C’est-à-dire insister sur l’importance des moyens qu’il faut mettre en face des besoins. Ces derniers sont extrêmement importants. Preuve en sont des listes d’attente en milieu ouvert comme on a rarement eues, et donc des mesures qui ne peuvent pas être mises en œuvre faute de places ou d’éducateurs dans les services.

Quels autres chantiers comptez-vous développer ?

Salvatore Stella a participé à insuffler une vraie dynamique pour donner au mouvement une réelle légitimité : nous sommes aujourd’hui l’interlocuteur de référence dans ce secteur. Par voie de conséquence, le milieu ouvert a également gagné en visibilité. Je souhaite la renforcer, en poursuivant le dialogue avec les pouvoirs publics. Il faut continuer à demander une reconnaissance, par le biais notamment de salaires décents, au regard des difficultés d’accompagnement des familles et des enfants qui nous sont confiés.

En interne, je veux poursuivre le développement des commissions. Et accentuer le travail avec les régions, auquel je suis très attachée. Dans un mouvement national comme le nôtre, la remontée des données du terrain qu’elles permettent est essentielle pour moi.

Enfin, pour pouvoir continuer à déployer nos missions, nous devons avoir un siège digne de ce nom, avec davantage d’emplois pérennisés. Lors de la précédente cession, nous avons été contraints de refuser des inscriptions aux assises. Avec plus de mille congressistes, la logistique devient extrêmement lourde. Les bénévoles ne pourront pas porter à eux seuls leur organisation. Ils doivent être soutenus par des salariés qui ont été formés et qui ont le temps dédié pour ça.

 

Vous êtes attachée à la prise de décision collégiale. Allez-vous garder ce mode de gouvernance ?

J’aime vraiment essayer de trouver des solutions communes, de construire ensemble et de porter une parole collective. Cela correspond à ma personnalité. Je ne veux pas développer les choses seules dans mon coin. Mon idée est qu’avec le CA, le bureau, les délégués régionaux, nous définissions ensemble les grandes orientations des trois prochaines années – comme le thème des prochaines assises de 2025 – et jusqu’à quel point nous souhaitons les amplifier. En novembre, lors de notre séminaire avec les délégués régionaux, nous allons définir les grandes orientations, les sujets d’étude et d’éventuelles journées à thème en région.

A la tête d’une association qui gère différents types de mesures, vous êtes aussi adepte de la transversalité…

Nous serons aussi amenés à réfléchir à des sujets transversaux. Par exemple, on a commencé à voir où en était la mesure unique, qui a un réel impact sur l’organisation et sur la façon dont on travaille. On sait déjà que la Bretagne l’a mise en place. Certains départements le font à titre expérimental alors que, dans d’autres, ce n’est pas du tout à l’ordre du jour. C’est un vrai sujet de réflexion : doit-on la défendre collectivement ou plutôt rester dans le système actuel ?

La transversalité, c’est vraiment mon truc. J’aimerais beaucoup que ça devienne une préoccupation générale. Parce qu’on sait qu’il y a des enfants à double vulnérabilité, à la fois suivis par l’ASE [aide sociale à l’enfance] et dans le champ du handicap. Je voudrais aussi renforcer les liens avec d’autres fédérations comme Aire ou l’Anmecs. Nous avions organisé une journée d’étude transversale en juillet dernier, et je pense que ce genre d’expériences est à renouveler. Cela apporte des regards croisés sur une problématique ou, tout simplement, une situation d’ensemble. La transversalité est essentielle pour accompagner au mieux dans la bientraitance l’enfant et sa famille.

La gouvernance peut engendrer des frictions : est-ce un défi ?

Que chacun puisse s’exprimer, donner ses arguments est fondamental pour moi. On peut être différents, avoir des avis différents. Pour autant, nous sommes tous portés par la même envie, que le mouvement continue à porter ses valeurs. Il peut y avoir des frictions, il y en a déjà eu, il y en aura surement encore. Il peut y avoir des débats d’idées. Heureusement qu’ils existent : c’est le contraire qui m’inquiéterait ! Il importe de garder en tête qu’il faut être à l’écoute du CA et des délégués régionaux. Après, on prend des décisions, on avance et, à un moment donné, on tranche, parce qu’il est normal que les choses soient tranchées par la présidence. J’espère que tout le monde se sentira écouté et entendu, c’est en tout cas la dynamique que j’ai envie de donner. Après, il va y avoir des gens mécontents qui ne s’y retrouveront pas, comme dans toutes les associations.

Est-il difficile de passer après Salvatore Stella ?

C’est forcément un challenge puisqu’il a été identifié pendant plus de huit ans comme le président. Nous sommes tous deux des gens militants et engagés depuis longtemps en protection de l’enfance. Nous partageons les mêmes valeurs et, en ce sens, il y aura une continuité. J’ai conscience de tout ce qu’il a apporté au mouvement, c’est indéniable. Je dois être à la hauteur de son action, notamment en perpétuant sa volonté de visibilité.

Pour le reste, nous avons des personnalités un peu différentes et, évidemment, c’est un tournant. Nous exerçons des responsabilités différentes dans nos structures et avons des façons différentes de faire les choses. Par exemple, je suis aussi une mère et, par la force des choses, je suis quelqu’un de très organisé.

Etre une femme entraîne un vrai virage puisqu’il n’y en n’a jamais eu à la présidence. Etonnamment, peut-être est-ce plus facile parce que, finalement, je serai moins sujette à la comparaison que ne l’aurait été un homme. Mais peut-être aussi certains trouvent-ils qu’une femme à un poste de pouvoir n’est pas une bonne idée. Malheureusement, cela existe encore, et j’ai surpris quelques réflexions assez édifiantes. Pour ma part, j’ai des postes à responsabilités depuis tellement longtemps que je sais très bien que c’est possible. Mais le changement reste difficile : passer de Salvatore à Céline fera des contents et des inquiets. Je sais que je serai attendue au tournant par certains, je m’y prépare et ne suis pas inquiète.

Que voudriez-vous qu’on retienne de votre présidence ?

J’espère qu’on retiendra de moi mon côté militant, rigoureux et investi dans le mouvement. Cela m’irait déjà très bien !

A lire aussi :

Céline Mons : un style inspirant en 8 leçons

Céline Mons, première femme à la tête du Cnaemo

 

Management & réseaux

Protection de l'enfance

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur