Enfant thérapeute : le livre d'un fils pour exister face à un parent vulnérable

Longtemps, la mère de Samuel a gardé le secret. « Je ne décèle aucune honte dans ton regard, aucun vestige de vulnérabilité. Seulement la haine », écrit son fils dans L’Enfant thérapeute. Un livre sur un syndrome bien connu des « psy », où l’enfant, telle une éponge émotionnelle, endosse le rôle d’adulte face à un parent défaillant. C’est ce qui est arrivé à Samuel Dock quand, à 14 ans, après le départ de son père du domicile conjugal, il s’est donné pour mission de sauver sa mère et sa sœur devenue anorexique. Une mère, dernière d’une famille de 14 enfants qui – il ne l’a su que beaucoup plus tard – a été placée à la DDASS à l’âge de 5 ans puis, à force de maltraitances, confiée à des religieuses jusqu’à sa majorité. En bon petit soldat, il lui a servi de béquille sans même le savoir.

Comment faire autrement pour celui qui, devenu psychologue, cherche alors inconsciemment à se faire aimer de cette mère tourmentée. Réparer pour exister. Se constituer une carapace et jouer le jeu. Se taire au risque, le thérapeute le sait bien, d’accumuler les frustrations, de reculer les limites… La bombe à retardement finira par exploser un jour. « Les enfants thérapeutes naissent pour échouer, aucun gamin ne serait assez robuste pour extirper son père ou sa mère de leurs anciens calvaires, pour leur restituer une enfance jamais vécue », explique Samuel Dock qui a fini par couper les ponts avec sa mère pendant trois ans.

Il la retrouvera, apaisé, quand elle lui aura enfin raconté son histoire. Et ce, à travers un journal publié dans la deuxième partie de l’ouvrage qui se conclut sur une lettre à l’auteur : « Je sais que tu aides les autres, que tu accompagnes les gamins cassés, brisés par leurs familles. Parmi eux il y a sûrement une petite fille haute comme trois pommes, une gamine perdue et triste comme celle que j’étais. S’il te plaît, prends en soin comme tu sais le faire. Les mots, l’écoute, la gentillesse, au bon moment, ils peuvent sauver. Ce sont des ronds dans l’eau, le bien peut se propager au loin. »