Il s’agit d’enfants. D’enfants dont une chaîne télévisée étale l’intimité et les confidences aux yeux de tous, à une heure de grande audience. Souffrant d’un trouble psychique, Camille, 15 ans, vit dans un hôtel. Les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) de Paris l’ont placée là. Elle passe ses journées seule dans une chambre au lieu d’être accueillie en foyer.
Pudeur à la bonne heure
Pour l’accompagner, l’ASE du département a fait appel à une agence d’intérim, laquelle embauche à peu de frais des éducateurs qui n’en ont que le nom. Une personne réussit à s’infiltrer et filme Camille en proie à une crise de nerfs, puis qui pleure, puis rit, c’est selon. Son visage est flouté, mais son image diffusée. La caméra cachée le fait pour son bien, pour dénoncer les méthodes d’une équipe « éducative » maltraitante. Sans demander son avis à Camille. Son opinion importe peu.
Képis et grand bonheur
Ensuite, elle filme un couple qui se fait aisément passer pour une famille d’accueil et obtient la confiance d’une asso mandatée par l’ASE d’un autre département. Après quoi, elle se rend dans un foyer et rencontre d’autres jeunes placés qui expliquent faire le guet la journée, rétribués par le dealer du coin. Plus vigile qu’éducateur, l’homme qui « gère » le foyer explique n’avoir aucune activité à leur proposer. La police les aura vite identifiés et leur proposera bientôt une activité constructive derrière les barreaux.
Puis les infiltrés se rendent, à découvert cette fois, dans une famille d’accueil très chouette, pour y mettre en scène des larmes de joie. Doux moments de bonheur.
L'ingrédient fait divers
Mais il faut tenir toute une émission, alors un fait divers sordide pointe encore la responsabilité d’une antenne départementale de l’ASE, appelée à l’aide par une famille d’accueil en difficulté avec un ado déséquilibré. En vain. Quelques mois plus tard, il a assassiné la petite-fille du couple. Larmes et consternation.
Si la question de la caméra cachée fait débat dans la profession de journaliste, elle devient plus que sensible lorsqu’il s’agit d’enfants. Ici, la démarche semble inconséquente. D’abord, parce que les suites qu’implique cette diffusion pour les jeunes n’ont pas été considérées. Ensuite, parce que ce travail, présenté comme ayant duré plusieurs mois, donne à voir quelques cas. Inadmissibles certes, mais qui oblitèrent le travail de milliers de travailleurs sociaux qui triment pour venir en aide à ces gosses maltraités, avant tout, par la vie.
*Edito écrit le 19/10/22, publié le 21/10 pour nos abonnés
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