En France, 3 500 enfants venant de l’étranger ont été adoptés en 2010. Si, depuis, le nombre d’adoptions d’enfants pupilles de l’Etat ou nés sous le secret est resté stable, celui des adoptions internationales a largement chuté – de l’ordre de quelques centaines par an. Or les familles de ces enfants, devenus adolescents depuis, peuvent être confrontées à des difficultés éducatives. A Paris, l’association Olga Spitzer expérimente depuis un an une action éducative à domicile (AED) spécifique, visant à aider ces parents. Un projet pensé en lien avec le bureau d’adoption de la capitale, qui pourrait faire évoluer les pratiques d’accompagnement post-adoption. « Nous n’avions pas énormément de matière sur l’adoption. Or on élève différemment un enfant qui a été adopté. Certaines familles n’imaginent pas à quel point ce n’est pas facile », explique Bertrand Deric, directeur du service de prévention et de protection de l’enfance de l’association, à Paris.
« Pour un enfant abandonné, il peut être très compliqué d’avoir une bonne estime de soi. Les parents peuvent avoir des problèmes d’autorité, liés au fait de ne pas se sentir légitimes », constate la pédopsychiatre Fanny Cohen-Herlem. Spécialiste de l’adoption, elle a construit ce dispositif au sein de l’association Olga Spitzer. L’accompagnement et le suivi post-adoption demeurent lacunaires, limités à six mois dans le cas des pupilles de l’Etat. Dans le cadre d’adoptions internationales, ce temps est plus long, visant surtout à dresser un état des lieux exigé par le pays d’origine. « Les parents adoptants ont du mal à chercher de l’aide. Ils se tournent vers les structures psychiatriques ou médico-psychologiques, où il n’existe pas d’accompagnement éducatif et social. »
Des travailleurs sociaux spécialement formés
Au sein de l’association, c’est l’unité d’assistance éducative du XIVe arrondissement de Paris qui intervient auprès de toutes les familles parisiennes. Elle est composée de cinq travailleurs sociaux, de deux psychologues et de la pédopsychiatre Fanny Cohen-Herlem. Les familles adoptantes sont suivies par un binôme issu de chaque discipline. « On fait des recoupements, on évoque les réalités d’aujourd’hui et on revient sur le parcours et l’histoire des personnes, on réactualise des moments », explique Lise Deprez, assistante de service social.
L’aspect éducatif revient à cette dernière. Souvent, les parents adoptants « sont en difficulté pour poser un cadre, comme s’ils ne s’autorisaient pas ce droit », glisse-t-elle. Quant aux enfants, alors en pleine interrogation sur leur identité, ils peuvent se montrer particulièrement durs avec leurs parents à partir de la préadolescence. Tout l’enjeu, pour cette professionnelle, est d’aborder ce sujet délicat avec des jeunes qui, souvent, ne veulent pas en entendre parler. De l’autre côté du binôme, il s’agit d’éclairer la dimension psychologique de l’adoption. Alors qu’un abandon peut impacter le développement de l’enfant, les familles adoptantes deviennent parents du jour au lendemain, après une longue période d’attente… Pour faire émerger un dialogue sur ce sujet, « on fait souvent raconter la première rencontre », précise Fanny Cohen-Herlem.
Grâce à cette expérimentation qui dure trois ans, les travailleurs sociaux – formés sur ce sujet par l'organisme "Alpa, le fil d'or" (spécialisé dans l'accompagnement des familles adoptives) – « n’éludent plus la question de l’adoption », conclut Bertrand Deric. L’association espère ainsi agir de manière préventive auprès de ces familles et éviter le placement d’enfants adoptés, qui « peut être vécu comme un retour à la case départ, une nouvelle forme d’abandon », avertit le directeur.