Les dossiers en cours concernent la refonte du secteur, tant en matière de gouvernance et de financements qu’au niveau des conditions de travail des professionnels.
- Le manque d’attractivité des métiers
Dégradation des conditions de travail, manque de reconnaissance et salaires en berne… les raisons de la pénurie de professionnels en protection de l’enfance ne manquent pas. Dans ses 14 mesures d’urgence publiées au lendemain des législatives, le 8 juillet, la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape) demande la création d'un comité filière des métiers de la prévention et de la protection de l’enfance pour pallier les besoins « criants de professionnels formés ». Elle préconise aussi la réduction du recours à l’intérim, estimant qu’il s’agit d’une « réponse insatisfaisante à la pénurie massive de travailleurs sociaux dans le domaine de la protection de l’enfance » en ce qu’elle ne permet pas un accompagnement qualitatif.
D’après une enquête de UNIOPSS-URIOPSS de novembre 2023, 40,4 % des répondants – aide sociale à l’enfance (ASE) et/ou protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) – ont un recours important à l’intérim à l’échelle nationale. Quelque 97 % rencontrent des difficultés de recrutement. Cette question de l’attractivité des métiers et de la fidélisation des professionnels est par ailleurs l’objet du premier des sept groupes de travail techniques sur la prévention et la protection de l’enfance lancés par le gouvernement et les départements de France en avril dernier.
Le sujet devrait occuper l’actualité de la rentrée, d’autant plus après que la direction nationale de la PJJ a annoncé, le 31 juillet, le non-renouvellement d’environ 500 postes de contractuels. Les syndicats ont appelé à la grève le 14 août. Le collectif des 400 000, initié par la Cnape, parle de « saturation du service public de la justice » et d’un « surrégime » des travailleurs sociaux, dans son appel à une mobilisation générale le 25 septembre à Paris « pour une protection de l’enfance digne ».
- Manque de financement et crise de gouvernance
Fin 2023, le Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE), le Conseil national de l’adoption (CNA) et le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse (COJ) appelaient à la mise en œuvre d’un « plan Marshall » pour la protection de l’enfance afin de refondre la politique publique et d’investir massivement et durablement. La gouvernance et le financement de la protection de l’enfance ont par ailleurs fait l’objet du septième et dernier groupe de travail thématique du gouvernement et des départements. L’enveloppe dédiée par le département à la protection de l’enfance pour 2025 sera connue d’ici quelques mois. Selon les personnes auditionnées, les budgets (238 millions d’euros en 2024) sont inadaptés aux besoins et aux mutations du secteur. Et entraînent des retards dans l’exécution de mesures, des inégalités territoriales (la Cnape demande par exemple un « plan Mayotte » pour donner à ce département les moyens d’assurer ses missions), des discriminations (notamment pour les mineurs non accompagnés, voir point suivant) et une limite à l’évolution nécessaire du secteur.
Dans ses 14 mesures d’urgence, la Cnape propose la création d’un fonds national pour mettre en œuvre les mesures de protection de l’enfance et aider les collectivités dans le besoin pour assurer leurs missions auprès des usagers. L’idée est aussi de créer un conseil interministériel de l’enfance. L’objectif : faciliter la coordination entre les services de l’Etat et les départements, mais aussi avec les associations, et d’améliorer le ciblage des politiques publiques. S’ajoute à cela une problématique de pilotage de la donnée. Dans cette optique, la Cnape réclame d’ailleurs un système d’information uniformisé à l’échelle nationale pour la protection de l’enfance.
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- Vers une réforme structurelle du financement du secteur de la petite enfance ?
Les travaux parlementaires menés par cette commission d’enquête ont abouti à la présentation d’un rapport le 27 mai dernier. La députée Renaissance et rapporteuse du texte Sarah Tanzilli demande une réforme structurelle du modèle économique des crèches pour assurer « le bien-être et le bon développement des enfants accueillis ». Elle préconise aussi de réformer la prestation de service unique « comme l’ensemble des acteurs rencontrés le demandent », de supprimer le modèle dérogatoire de financement des micro-crèches, de supprimer le crédit d’impôt famille ou encore de repositionner les communes ou intercommunales comme seuls tiers financeurs des crèches. Dans un second rapport, La France Insoumise estime que les défaillances des établissements sont liées à la recherche de rentabilité et demande le « gel des ouvertures de places du secteur privé lucratif et la réorientation des financements vers l’ouverture de places dans le public ».
- Vers une reprise de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques en protection de l'enfance ?
L’Anmecs (Association nationale des maisons d'enfants à caractère social) demande à ce que la commission d’enquête parlementaire relative à la protection de l’enfance, clôturée avec la dissolution le 9 juin dernier, reprenne et soit menée à terme. Isabelle Santiago a affirmé sa détermination à recréer cette commission dont elle était rapporteuse. Lyes Louffok propose que soit à nouveau utilisé à la rentrée le droit de tirage qui permet aux groupes d’opposition à l’Assemblée nationale d’obtenir la création d’une commission d’enquête par an afin d’en assurer la reprise. Les travaux de la délégation aux droits des enfants sur la protection de l’enfance, débutés en octobre 2023 et présidée par la députée MoDem Perrine Goulet, ont quant à eux simplement été suspendus avec la dissolution et devraient être relancés. L’Anmecs demande plus largement que la protection de l’enfance soit une « politique publique prioritaire de la prochaine législature ».
- Et aussi...
D’autres sujets vont occuper le secteur dans les prochains mois. On peut citer entre autres le déploiement progressif sur le territoire du contrôle des casiers judiciaires des professionnels de la protection de l’enfance (arrêté du 8 juillet 2024), les débats sur les placements éducatifs à domicile, la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial adoptée par le Sénat et en lecture à l’Assemblée nationale depuis le 23 juillet (procédure accélérée depuis le 29 mai) ou encore le sujet des violences sur mineurs qui ont notamment occupé la délégation aux droits des enfants.
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>>> Retrouvez l'intégralité de notre dossier :
Champ social : les sujets à suivre en protection de l'enfance (2/5)
Rentrée : les sujets à suivre dans le champ du handicap et du grand âge (3/5)
Rentrée : les dossiers à suivre dans le champ de l’insertion et de la précarité (4/5)