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Allocation de rentrée : « Tous les jeunes qui ont été confiés à l’ASE ne sont pas concernés »

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Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE).

Anne Devreese revient sur le fait que presque 60 % des jeunes majeurs anciennement suivis par l'ASE (aide sociale à l'enfance) ne réclament pas les allocations à la rentrée scolaire (ARS) bloquées sur un compte jusqu'à leur majorité. L'occasion pour la présidente du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) d'élargir le débat. 

De France Info au Parisien en passant par le Point, la presse généraliste s'est faite l'écho des révélations de l'éducateur spécialisé Lyes Louffok. Ce militant des droits de l'enfant découvrait le 27 août 2023 que les allocations de rentrée scolaire (ARS) dûes aux jeunes adolescents placés qui deviennent majeurs n'étaient pas versées... car non réclamées. Sur le mode d'emploi pour percevoir cet argent, voir notre article "Mineurs placés : comment récupérer ses allocations de rentrée scolaire à sa majorité". 

Mais, tous les jeunes majeurs ne pourront pas toucher ce pécule. C'est ce qu'explique Anne Devreese, la présidente du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE). Dans cet entretien, elle montre que les situations sont souvent plus complexes. Et que ce débat mérite d'étre élargi. 

 

ASH : Beaucoup de jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance ne touchent pas leur dû. Comment les informer ?

Anne Devreese : A l’heure actuelle, on ne peut effectivement garantir que ces jeunes majeurs soient informés que certains d'entre eux ont droit à ce pécule. Beaucoup d’entre eux l’ignorent, c’est évident. Ce n’est d’ailleurs pas le seul droit insuffisamment connu. Celui par exemple de l’effacement des mentions sur le casier judiciaire à 18 ans, alors que cela bloque l’accès à toute une série de métiers, est très peu su.

Mais au-delà des jeunes, l’enjeu majeur est de savoir si l’ensemble des professionnels sont bien informés. Je me suis personnellement engagée pour que les travailleurs sociaux de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) et de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) aient connaissance de ce droit. Mais il faut garder en tête qu’il n’est pas seulement question des professionnels de l’enfance, puisque les « anciens de l’ASE » ne sont plus forcément en contact avec  eux, soit parce qu’ils ont quitté l’ASE avant leur majorité, soit parce qu’ils mobilisent leur droit bien plus tard. D’autres voies de transmission sont possibles. Une piste adaptée selon moi consiste dans la généralisation des applications facilitant l’accès au droit des jeunes majeurs.

Elles présentent deux avantages : éviter l’information descendante dont on ne sait pas si elle va être relayée ; être pensée avec les jeunes en fonction de leurs besoins. Proposée par exemple par des associations de personnes concernées ou certains départements, elle existe déjà de façon aléatoire, et un projet pour les systématiser est à l’étude. De plus, la transmission par les réseaux sociaux fonctionne. Le post de Lyes Louffok, qui compte beaucoup d’abonnés parmi les anciens accompagnés, en est la preuve. Mais ce qui complique considérablement l’information sur le pécule aujourd’hui c’est le flou qui persiste sur le périmètre des bénéficiaires et ses modalités d’attribution.

Pour quelle raison ?

Le véritable problème est que tous les jeunes qui ont pourtant été confiés à l’ASE ne sont pas concernés : par exemple les pupilles dont les parents ne bénéficiaient pas de l’ARS, notamment quand ils s'étaient vu retirer l’autorité parentale ou étaient décédés. Or ces enfants très vulnérables sont de plus en plus nombreux du fait du développement des changements de statuts.. Cela représente une inégalité manifeste et un problème éthique majeur. Comment bien communiquer sur le pécule alors qu’on sait que ces situations vont générer des frustrations ? Par exemple, lorsque j’ai informé des assistants familiaux, qu’ils ont transmis cette connaissance aux jeunes, et que certains se sont rendu compte qu’ils ne bénéficiaient pas de ce droit, cela a suscité des situations conflictuelles ou d’incompréhension légitime.

Enfin, même s’il est nécessaire de le vérifier de façon objective, je constate empiriquement deux difficultés. D’une part, des disparités géographiques existent. Prenons le retrait de l’autorité parentale. Elle ne donne théoriquement pas droit au versement de l’ARS. Encore faut-il que la caisse d’allocations familiales (CAF) le sache. Car les outils et la nature des échanges d’informations entre les caisses et les départements sur le statut des enfants ne sont pas uniformément connus. Résultat, certaines caisses continuent d’interroger le maintien du lien parent-enfant et d’autres versent les allocations sans poser de question. D’autre part, on ne sait pas vraiment quel est le fondement juridique de cette transmission de données : est-elle légale ?

Pourquoi l’ARS a-t-elle été utilisée pour constituer un pécule pour les jeunes majeurs ?

En 2016, moment du vote de la loi, la question du pécule des enfants suivis par la protection de l’enfance à leurs 18 ans faisait débat. Dans ce contexte, le versement des ARS à la majorité était la meilleure solution pour faire passer cette idée. Maintenant qu’un vrai consensus existe, cela doit être généralisé. Il faut donc trouver un autre moyen d’abonder le compte personnel des sortants. Avant d’informer, la demande du CNPE est donc d’obtenir la clarification de ce droit très complexe juridiquement et administrativement et sa généralisation. Afin que toucher un pécule à la majorité soit garanti pour l’ensemble des enfants à un moment confiés à l’ASE. Il doit profiter à tous, et notamment aux pupilles de l’Etat.

Le fait que la somme soit capitalisée sur un compte bloqué est une bonne chose. Le CNPE s’est mobilisé pour la poursuite de l’accompagnement des jeunes adultes, après leur majorité. Mais cela n’empêche pas selon moi de ritualiser le passage aux 18 ans à travers par exemple le versement d’une somme d’argent. Une fois que ce droit est garanti pour tous, il faudra encore construire une façon de définir la nature de l’échange d’informations, de sécuriser cet échange entre la CAF et le département, et de vérifier que les différents outils pour le faire sont connus et compris.

 

 

 

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