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Haltes soins addictions : « On est en pleine régression » (Oppelia)

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Naira Meliava, directrice d'Oppelia.

Directrice générale d’Oppelia, Naïra Meliava réagit aux propos de la secrétaire d’Etat à la ville, Sabrina Agresti-Roubache. Lundi, cette dernière marquait son opposition aux « salles de shoot », revendiquant l’abandon le mois dernier du projet de Marseille.

« Les conduites addictives doivent être gérées en milieu hospitalier. Donnez une seringue à quelqu’un pour aller se droguer, ce n’est pas faire de la prévention. » Au micro de France Inter, ce lundi 26 février, la secrétaire d’Etat à la citoyenneté et à la cille Sabrina Agresti-Roubache a marqué une opposition nette à l’ouverture d’espaces de consommation pour les usagers de drogue. « J’ai réussi à stopper l’installation d’une salle de shoot à Marseille », revendiquait même l’ex-députée des Bouches-du-Rhône, en référence au projet annulé le mois dernier.

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Dispositif de santé publique inscrit dans la loi en 2016, les salles de consommation à moindre risque – rebaptisée en 2022 « haltes soins addictions » (HSA) –, ne se développent pas en France. Seules deux villes, Paris et Strasbourg, en ont été dotées en 2016. Depuis, les projets font l’objet d’attaques récurrentes qui inquiètent la directrice d’Oppelia, association spécialisée dans l’accompagnement des conduites addictives.

ASH : Comment réagissez-vous aux déclarations de la secrétaire d’Etat ce lundi ?

Naïra Meliava : Ces propos extrêmement stigmatisants sont assez insupportables et déplorables. Les HSA s’inscrivent dans une politique de réduction des risques. C’est une forme de prévention, contrairement à ce que dénonce la secrétaire d’Etat. Pour elle, la seule solution à l’addictologie passe par le sanitaire. En considérant l’addiction sous ce seul prisme, elle fait preuve d’une méconnaissance des dispositifs existants, portés aujourd’hui par la médecine de ville et hospitalière mais aussi par le médico-social. Rien que l'expression « salle de shoot » employée par la secrétaire d’Etat ne fait qu’alimenter une tension sociale.

Ces déclarations font suite à l’annulation d’un projet à Marseille. Les HSA vous paraissent-elles menacées ?

En tant qu’acteur de terrain, on constate que les ouvertures de haltes soins addictions sont freinées un peu partout. L’une d’entre elles devait ouvrir à Lille en 2021 et ne l’est toujours pas. A Lyon, Oppelia est opérateur d’un projet qui prévoit de répartir la HSA sur différents espaces de consommation. Ce qui nécessite de fait une association avec les différents maires d’arrondissement concernés. Or on rencontre les mêmes freins, tant avec la préfecture qu’avec les mairies.

Le ministère de la Santé est plutôt soutenant – même si les changements politiques laissent planer des incertitudes – mais celui de l’Intérieur a tendance à freiner le développement de ces structures. Et c’est une véritable préoccupation. On est aujourd’hui en pleine régression. On voit revenir des propos autour de la « guerre à la drogue », qui sont d’une inefficience totale. On se heurte à la difficulté de mettre en œuvre ce dispositif de santé dont le caractère expérimental a été reconduit jusqu’en 2025. Cette réticence de la France est étonnante alors qu’une étude de l’Inserm en démontre l’efficacité, que les autres pays européens, ou le Canada par exemple, s’en sont emparés. On accuse un retard très net en la matière.

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En quoi ces HSA sont-elles nécessaires ?

Elles permettent d’accompagner une population vers une consommation sécurisée. Ces publics sont souvent confrontés à des troubles psychiatriques et à une précarité sévère. Ils passent sous les radars de l’accès aux soins. Et ces HSA permettent de les toucher à travers une consommation supervisée, pour travailler ensuite sur d’autres dimensions et coordonner leur parcours. L’accès à la réduction des risques dans le contexte du VIH a été un levier extraordinaire. C’est une politique de santé qui tient la route. Aujourd’hui, dans nos Carrud [centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues], nous constatons que des usagers consomment dans les toilettes, même si c’est interdit. Ce qui pose des questions en termes d’indignité et de sécurité. Mais on préfère voir cet usage dans les toilettes plutôt que sur le pas de la porte ou quelques rues plus loin.

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Contrairement aux pratiques de consommation dans l’espace urbain, elles garantissent une sécurité urbaine. Marseille ou Lyon n’ont pas de grande scène ouverte comme le square Forceval à Paris [démantelé fin 2022, ndlr]. Mais les diagnostics menés montrent que les pratiques de consommation insécurisent les citoyens.

Comment favoriser l’acceptabilité de tels projets ?

En ouvrant différentes salles en simultané, pour éviter « l’effet pot de miel », et le regroupement d'une population dans un espace qui peut générer des nuisances. Tout l’enjeu est aussi d’associer les riverains à la construction du projet. Expliquer ce qu’est une salle de consommation. Ce qui est rarement fait. A Genève, des préfabriqués ont été aménagés en salles de consommation. On peut les retirer. Ce qui constitue, en termes d’acceptabilité, une bonne stratégie. En l’occurrence, ils ne sont jamais partis.

 

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