Dans un rapport publié mardi 17 mai, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) évalue les Plans de mobilisation contre la haine et les discriminations antiLGBT. Parmi les 100 recommandations formulées pour que l’égalité devienne une « réalité concrète », plusieurs concernent la prise en charge des demandeurs d’asile. L’institution française rappelle en premier lieu qu’il n’existe pas de chiffres officiels sur les demandes d’asile liées à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre, car l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ne communique pas les motifs des demandes traitées.
« Toutefois, selon son ancien directeur, et l’association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et trans à l’immigration et au séjour (ARDHIS), un accroissement des demandes d’asile par des personnes LGBTI a pu être constaté ces dernières années », soulignent les auteurs du rapport rappelant qu’en 2020 les relations homosexuelles constituaient une infraction dans 67 pays et étaient passibles de la peine de mort dans au moins six d’entre eux.
Déclasser les dossiers en procédure accélérée
La CNCDH met en garde contre la « complexification croissante » du droit d’asile qui impacte également les personnes LGBTI. « Si certaines mesures sont à saluer, comme la prise en compte des persécutions fondées sur l’orientation sexuelle dans la définition du pays d’origine « sûr » par la loi du 10 septembre 2018, leur application ne permet pas d’assurer aux ressortissants une protection effective », avertit l’institution. Les demandes des ressortissants d’un pays de cette liste sont en effet automatiquement examinées en procédure d’asile accélérée, qui, en comparaison à une procédure normale, plus approfondie, offre moins de garanties.
Autre conséquence de la loi de septembre 2018 : ces ressortissants ne bénéficient plus du droit inconditionnel au maintien sur le territoire français si leur demande est rejetée par l’Ofpra. En d’autres termes, ils peuvent être éloignés de France, sans avoir obtenu un double regard sur leur demande.
La comission recommande donc à l’Ofpra de se saisir de sa faculté à déclasser un dossier de la procédure accélérée vers la procédure classique pour les demandes se fondant sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre comme motifs de persécutions. Elle souligne aussi l’importance de renoncer au concept de « pays sûrs », très critiqué par de nombreuses associations, et de former les rapporteurs et les juges de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) sur les questions LGBTI.
Relation de proximité
D’autre part, la CNCDH met en lumière le « rôle primordial des associations » dans l’accompagnement de ce public. Il est rappelé la relation de proximité qu’elles parviennent à établir avec les demandeurs d’asile : « ces derniers se sentent souvent plus libres de parler aux bénévoles d’une association qu’aux personnels travaillant dans des structures liées à l’administration ». C’est pourquoi le soutien à ces associations doit « être global afin que leur aide le soit également », soutient le rapport qui préconise également que l'accompagnement démarre le plus tôt possible.
Places d’hébergement
La saturation du dispositif national d’accueil (DNA) impacte, par ailleurs, tout particulièrement les demandeurs d’asile LGBTI, qui sont majoritairement des hommes et de ce fait non-prioritaires pour entrer dans le dispositif, estime la comission. Les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) privilégient effectivement les couples avec enfants ou les personnes considérées comme les plus vulnérables. « Selon les associations auditionnées par la CNCDH dans le cadre du présent rapport, certains demandeurs d’asile se rapprochent de leur communauté pour être hébergés, mais se retrouvent dans une situation similaire à celle vécue dans leur pays d’origine, à savoir, devoir taire leur orientation sexuelle par crainte d’être victimes de nouvelles violences et persécutions de la part des membres de leur communauté, est-il détaillé. D’autres doivent trouver des solutions par elles-mêmes et se retrouvent dans une grande précarité et insécurité. »
De ce fait, la commission se félicite de la création de places d’hébergement dédiées aux demandeurs d’asile et réfugiés LGBTI prévue par le Plan national d’actions de 2020. Un dispositif expérimental, lancé il y a trois ans et accueillant 30 demandeurs d’asile et réfugiés victimes de violences homophobes et transphobes, doit en effet être maintenu et évalué. Une augmentation du nombre de places dédiées aux personnes LGBTI dans le DNA est également prévue. Toutefois, la CNCDH souligne les réticences qu’a parfois le public à intégrer ce type de structures. « En raison des persécutions subies dans le pays d’origine et du tabou entourant les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre, toutes ne sont pas prêtes à être « étiquetées » comme LGBTI, ce qui peut être induit par ces hébergements. Il est essentiel de porter une attention particulière à l’évaluation de ces dispositifs et des retours qu’en font les bénéficiaires et les associations, afin de pouvoir les adapter aux risques et aux besoins. »