Recevoir la newsletter

Enfants témoins de féminicides : « Il faut des soins immédiats », selon Ernestine Ronai

Article réservé aux abonnés

Ernestine Ronai, directrice de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine Saint-Denis.

Crédit photo DR
Le secrétaire d’Etat à l’enfance, Adrien Taquet, a annoncé le 17 mars la généralisation d’un nouveau protocole de prise en charge des enfants présents lors d’un féminicide. Expérimenté depuis 2016 en Seine-Saint Denis, le dispositif prévoit un suivi de huit jours maximum à l’hôpital par les services pédiatrie. Ernestine Ronai, responsable de l'Observatoire départemental des violences envers les femmes de Seine Saint-Denis, à l’initiative de ce parcours de soin, revient sur les bénéfices d’un tel accompagnement.

Pourquoi un protocole a-t-il été mis en place pour les enfants témoins d'un féminicide ?

Trois situations nous ont amenés à penser ce dispositif et nous ont montré l’importance de ne pas se précipiter pour placer les enfants au sein de la famille biologique. Dans la première, les parents étaient séparés. Le père a tué la mère devant les enfants dans un pavillon, à l’occasion du droit de visite et d’hébergement. Dans la précipitation, le procureur a confié les enfants à la famille paternelle, en l’occurrence à la tante présente dans le même pavillon. Nous avons ensuite eu un retour de l’école nous indiquant que les enfants le vivaient très difficilement.

Dans la deuxième situation, les enfants n’étaient pas présents au domicile lorsque leur mère a été tuée, mais avec leurs grands-parents paternels, à qui ils ont donc été confiés. Encore une fois, l’école nous a expliqués que les enfants se portaient très mal, car ils ne savaient pas ce qu’étaient devenus leur mère et leur père. Dans le dernier cas, j’avais rencontré lors d’une veillée silencieuse la tante maternelle d’enfants témoins d’un féminicide, ainsi que son mari. Je me suis aperçue que cet homme était violent avec elle et les enfants. J’ai prévenu le juge qui a néanmoins placé les enfants chez cette tante. Comme ils se sont mis à aller très mal, ils ont finalement été confiés à l’ASE [aide sociale à l’enfance, NDLR ]. Tout cela a mis en lumière la nécessité de réaliser une évaluation en amont.

Que prévoit le dispositif ?

L’important est d’avoir ce sas, cette prise en charge immédiate à l'hôpital pendant une durée maximale de 8 jours, permettant aux enfants de récupérer. Il est nécessaire que des mots soient posés sur ce qu’il se passe et que les premiers soins soient donnés, y compris les soins somatiques. Cela fait passer le message aux enfants que ce qu’il leur est arrivé est très grave et qu’on va les aider. Les enfants sont hospitalisés en pédiatrie, et non en pédopsychiatrie, ce qui est beaucoup plus rassurant pour eux. Ils ont ensuite des soins en pédopsychiatrie. Il y a également une prise en charge de l’entourage. Une évaluation est réalisée par le service d’insertion spécialisé ou l’ASE. Cela permet d’établir où il est préférable de placer l’enfant.

Par ailleurs, l’originalité de ce que nous réalisons en Seine-Saint Denis, c’est que les enfants sont suivis 24 h sur 24 par une accompagnante de l’association La Sauvegarde. Ils ne se retrouvent ainsi jamais seuls pendant les 8 jours d’hospitalisation, même lorsque l’aide-soignante et l’infirmière ne sont pas présentes.

Quels résultats observez-vous sur ces enfants souffrant d’un « double traumatisme » ?

Actuellement, 36 enfants, ayant entre 6 mois et 16 ans lors de leur prise en charge, ont bénéficié de ce dispositif. De façon générale, nous savons que lorsqu’il y a un acte extrêmement traumatisant, plus vite nous intervenons, plus vite les personnes s’en sortent. Pour les enfants, c’est la même chose, il faut des soins immédiats. Au moment du féminicide, ils peuvent être complètement inhibés, extrêmement agités, ne plus vouloir manger, notamment les nourrissons et avoir des problèmes de sommeil.

Une famille n’est pas forcément en capacité de supporter cela. Les grands-parents maternels sont très impactés par la mort de leur fille qui a été tuée. Sont-ils capables de rassurer ces enfants qui vont très mal ? Les grands-parents paternels ne sont eux pas aptes à parler de ce qui s’est produit. C’est un métier de soigner le psycho trauma. Un des aspects vraiment positifs est que les soins donnés s’inscrivent ensuite dans la durée, au-delà de la semaine d’hospitalisation. Des liens thérapeutiques se créent avec les enfants, ainsi qu’avec la famille d’accueil ou la famille biologique.

Ce parcours de soins présente-t-il d’autres avantages ?

Lors des scènes de crime, souvent dramatiques, les policiers ou les substituts du procureur sont impactés sur place. Il est très important que chacun sache ce qu’il a à faire. C’est l’intérêt d’un protocole. Le policier sait qu’il va devoir constituer un trousseau pour l’enfant [une liste d'affaires à prendre pour son séjour à l'hôpital, NDLR], descendre avec lui pour que quelqu’un du service d’insertion spécialisée de l’ASE vienne le chercher et l’amène à l’hôpital. Le substitut du procureur sait qu’il doit prendre une ordonnance de placement provisoire, qu’il est nécessaire de prévenir l’hôpital. Il s’agit d’une chaîne où tout le monde est au courant de la manière dont il doit procéder. Même si les professionnels sont confrontés à une situation terrible, cela aide beaucoup.

Jusqu’à présent, comment s’opère l'aide aux enfants témoins de telles violences ?

Les enfants sont confiés à la personne que les policiers sont capables de trouver sur le coup. Ce qui est intéressant avec le protocole est qu’il s’agit d’une ordonnance de placement provisoire prise au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance pour une hospitalisation. Ce n’est pas au choix, c’est une obligation.

Protection de l'enfance

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur