1,5 %. C’est le taux d’isolement des patients recensé par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) lors d’une visite au sein du pôle de psychiatrie de l’hôpital de Chinon (Indre-et-Loire). Un taux exceptionnellement bas en comparaison de la moyenne nationale qui dépasse les 22 %. L’instance indépendante souligne l’absence de mesures de contention au sein de l’institution et des conditions d’accueil « particulièrement respectueuses » de la dignité et de la liberté des patients.
Pourtant, en dépit de ce constat élogieux, la direction de l’hôpital s’apprête à réaliser des coupes budgétaires qui vont directement impacter l’organisation du service et la qualité des soins qui en découle. En cause, l’endettement de l’hôpital qui avoisine les 8 millions d’euros. Un gouffre budgétaire qui nécessite de faire des économies.
Une situation que déplore Dominique Simonnot, contrôleur général des lieux de privation de liberté. Dans une lettre ouverte à l’attention du ministre des Solidarités et de la Santé, elle invite Olivier Véran à « faire de ce pôle un service de référence appelé à jouer un rôle moteur dans la diffusion des bonnes pratiques en matière de prise en charge psychiatrique, à destination de l’ensemble des services hospitaliers français ».
Suppression de 26,7 % des postes d’infirmiers
Le pôle de psychiatrie de l’hôpital de Chinon fait figure de référence à l’échelle nationale. Cette qualité de soin est le fruit « d’une volonté médicale et paramédicale de bannir la contention et l’isolement pour ne les utiliser qu’en cas de derniers recours », indique Félix, infirmier dans le service depuis 2012. Pour le professionnel, ces pratiques sont possibles « grâce au nombre » de l’effectif, qui permet aux soignants « d’individualiser » les soins. « On peut faire du “un pour un” pour accompagner les crises des patients », explique Félix.
L'organisation qui permet « d’intégrer le patient au sein même de sa prise en charge et de son parcours de soin » va être mise à mal par la réforme de la maquette des ressources humaines élaborée par la direction. Actuellement, chacune des deux unités de soins psychiatriques est composée de 16 postes d’infirmiers et de 3 postes d’agents de service hospitalier (ASH). Les coupes budgétaires envisagent de supprimer cinq postes d’infirmiers par unité et deux postes d’ASH. Ce sont donc 26,7 % des postes d’infirmiers qui sont voués à disparaître.
« On nous dit qu’il faut faire des économies et, évidemment, elles se font au détriment des patients » résume Félix, visiblement résigné. La direction envisage de compenser en remplaçant des postes d’infirmiers par des aides-soignants. Un choix que fustige Dominique Simonnot auprès de nos confrères de France bleu Tourraine : « C’est problématique car ce ne sont pas les mêmes fonctions. Un infirmier est plus formé aux techniques de désescalade. »
Félix abonde dans le même sens : « C’est une volonté historique de l’hôpital de Chinon de ne pas intégrer d’aides-soignants aux équipes. Ce n’est pas du dénigrement, mais on souhaite mettre en avant la formation d’infirmier et les spécificités de la prise en charge des patients en psychothérapie. » C’est toute une culture institutionnelle, garante de la qualité des soins, qui va être bouleversée par cette réorganisation.
Une situation «démoralisante»
Face à l’absence de dialogue avec la direction et le ministère de la Santé, les personnels soignants de l’hôpital de Chinon ont manifesté le 7 avril dernier. Félix souligne que cette mobilisation était commune à l’ensemble des services de l’hôpital, tous étant concernés par les coupes budgétaires. « Le maître mot, c’est la solidarité, et pas seulement avec le service de psychiatrie mais envers l’ensemble de l’hôpital public », poursuit-il.
De son côté, Olivier Véran a répondu hier au courrier adressé par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il expose « les très grandes difficultés de l’établissement » et explique l’intégration d’aides-soignants par « les difficultés actuelles de recrutements d’infirmiers ».
Au sein du pôle de psychiatrie de l’hôpital de Chinon, qui accueille environ 600 patients souffrant de troubles psychiatriques par an, la situation est « démoralisante », confie Félix. Il résume : « Des contrôleurs viennent anonymement constater la qualité du travail, en sont étonnés, le soulignent dans leur rapport et, dans la foulée, ils apprennent qu’il va y avoir des coupes budgétaires dans le service… »