Il aura fallu à peine deux mois pour qu’elle devienne du droit positif. Issue d’une proposition du sénateur François-Noël Buffet (LR ; Rhône) déposée le 11 février 2021, la loi qui crée une procédure de saisine du juge en cas de conditions de détention indignes a été publiée au Journal officiel le 9 avril.
L’année dernière a été remplie de jurisprudences sur ce sujet. Dès le 30 janvier 2020, dans son arrêt J.M.B. et autres contre France, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) juge que l’absence d’une voie de recours effective pour faire cesser des conditions de détention indignes constitue une violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Quand le Conseil constitutionnel tranche
Si le Conseil d’Etat avait ensuite décidé de renvoyer la balle au législateur, la Cour de cassation, elle, avait ouvert une autre voie en choisissant la libération immédiate des personnes détenues dans des conditions indignes. Le débat a finalement été tranché par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 2 octobre 2020, laquelle rendait l’intervention du législateur nécessaire.
La loi crée ainsi un nouvel article 803-8 au sein du code de procédure pénale. Celui-ci dispose que « toute personne détenue dans un établissement pénitentiaire qui considère que ses conditions de détention sont contraires à la dignité de la personne humaine peut saisir le juge ». Les personnes placées en détention provisoire doivent saisir le juge des libertés et de la détention, tandis que les personnes incarcérées en exécution d’une peine doivent saisir le juge de l’application des peines. Cette procédure s’ajoute aux cas de saisine du juge administratif (référé-suspension, référé-liberté, référé-mesures utiles).
Maximum deux mois
Pour être déclarée recevable par le juge, la requête doit présenter des allégations « circonstanciées, personnelles et actuelles ». Elles doivent ainsi « constituer un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas » sa dignité. Le juge doit prendre sa décision sur la recevabilité dans les dix jours qui suivent la réception de la requête.
Si la requête est jugée recevable, le magistrat dirige une enquête pour vérifier les allégations du détenu et recueille les observations de l’administration pénitentiaire. A l’issue de cette enquête éclair, qui doit durer entre trois jours ouvrables et dix jours maximum, et si le juge estime la requête fondée, c’est à l’administration pénitentiaire de mettre fin aux conditions indignes de détention.
Dans le cas où l’administration pénitentiaire n’a pas rempli son rôle dans le délai fixé par le juge, celui-ci a ensuite dix jours pour choisir entre trois options :
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ordonner le transfèrement de la personne dans un autre établissement ;
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ordonner la mise en liberté immédiate si la personne est en détention provisoire, assortie éventuellement d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence ;
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ordonner des mesures alternatives à l’incarcération, si la personne est en exécution d’une peine.
Un décret d’application est attendu. Il devra fixer tout ce qui relève du domaine réglementaire, dont les modalités de saisine du juge et la nature des vérifications que celui-ci peut ordonner dans son pouvoir d’enquête.