La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 a été publiée au Journal officiel le 24 décembre 2022, accompagnée de la décision du Conseil constitutionnel(1), qui a censuré les quelques cavaliers sociaux (voir encadré page 20).
Dans son dossier de presse du 26 septembre 2022, le gouvernement communiquait sur les principaux axes de son projet :
• renforcement de la prévention (rendez-vous de prévention, lutte contre le tabagisme) ;
• amélioration de l’accès à la santé ;
• construction d’un nouveau service public de l’accueil du jeune enfant ;
• renforcement du soutien à l’autonomie ;
• lutter davantage contre les abus et la fraude sociale ;
• garantir la soutenabilité de la sécurité sociale après la crise sanitaire.
Il aura fallu cinq recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution pour que le texte puisse être considéré comme adopté à l’issue de la navette parlementaire. Dès la première lecture, la Première ministre Elisabeth Borne a utilisé ce mécanisme, sur les troisième et quatrième parties du projet de loi, puis sur l’ensemble.
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) de l’ensemble des régimes obligatoires est fixé, pour 2023, à 244,1 milliards d’euros, un montant identique au projet de loi initial, en baisse par rapport à 2022 (– 0,8 %). Le gouvernement l’explique en particulier par la diminution des mesures liées à la crise sanitaire, qui était encore d’un milliard d’euros en 2022. Hors financement des mesures « Covid », l’Ondam est en progression de + 3,7 %. Un ralentissement important après les deux hausses de 2021 (+ 6,3 %) et 2022 (+ 5,6 %).
La branche « autonomie » est dotée, pour 2023, de 37,4 milliards d’euros de dépenses. Le déficit de la branche continue de se creuser, bien que son périmètre n’a pas été modifié depuis sa création dans la LFSS pour 2021. 80 % de ces dépenses servent au financement des établissements médico-sociaux pour personnes âgées (41 %) et pour personnes handicapées (39 %). Elles sont globalement en hausse de 6 % par rapport à 2022, expliquée par les revalorisations salariales issues du Ségur de la santé et de son extension à certains personnels non médicaux des établissements et services (210 millions d’euros en 2023).
Par ailleurs, 200 millions d’euros supplémentaires sont abondés dans le champ des personnes âgées, dont 52 millions d’euros dédiés à l’augmentation du taux d’encadrement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Enfin, 124 millions d’euros sont ajoutés pour la création de places dans les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et le financement de leur réforme tarifaire.
Dans le champ des personnes en situation de handicap, 177 millions d’euros supplémentaires sont investis, dont 110 millions pour la création de nouvelles places et 70 millions pour le développement de l’offre pour le public atteint de troubles du spectre de l’autisme.
Article 63 – Doublement des astreintes applicables aux ESMS
Le montant de l’astreinte journalière des établissements sociaux ou médico-sociaux (ESMS) passe de 500 € à 1 000 €. Prévue par l’article L. 313-14 du code de l’action sociale et des familles (CASF), cette somme peut être prononcée en cas de non-respect des injonctions imposées par le rapport d’une autorité de contrôle (agence régionale de santé ou département), à la suite de l’inspection de l’établissement. Une disposition qui vise à inciter davantage les gestionnaires à répondre aux demandes des autorités de tutelle.
Article 64 – Sanctions financières applicables aux ESMS quintuplées
La LFSS pour 2023 augmente considérablement les sanctions financières applicables aux ESMS, en portant leur plafond à 5 % au maximum du chiffre d’affaires contre 1 % aujourd’hui.
Article 68 – Réforme du financement des Ssiad complétée
Les premières étapes de mise en œuvre de la réforme du financement des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) ont fait apparaître quelques lacunes du cadre législatif. La LFSS pour 2023 vise à les corriger en apportant plusieurs dispositions de sécurisation juridique. En particulier, cet article insère un nouvel article L. 314-2-2 au CASF qui pose le cadre du recueil de données nécessaires au calcul de la dotation de financement. Ainsi, les services « autonomie à domicile » seront dans l’obligation de transmettre des informations relatives aux caractéristiques de leurs structures ainsi que des personnes accompagnées. De leur côté, les services des conseils départementaux devront transmettre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les données relatives à la perte d’autonomie des personnes âgées accompagnées par les services autorisés. L’idée : permettre à la CNSA, d’une part, de s’assurer de la cohérence des données, de repérer des situations anormales et, d’autre part, de contrôler les données déclarées par les services.
Le passage aux nouvelles règles de tarification commencera à compter de l’exercice 2023, moyennant des mesures transitoires sur une période de 5 ans.
Article 71 – Instauration d’une règle d’indexation du tarif plancher des Saad
L’an dernier, la LFSS pour 2022 avait instauré un tarif horaire plancher pour les services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), fixé à 22 €(1). Ce tarif s’applique aux services solvabilisés par l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH). Il concerne également les services qui reçoivent des bénéficiaires de l’aide sociale, habilités ou non.
La LFSS pour 2023 prévoit de mettre en place, à partir de 2024, un dispositif de revalorisation régulière et automatique de ce tarif, en l’alignant avec la règle d’indexation de la majoration tierce personne. Le montant du tarif plancher est passé à 23 € depuis le 1er janvier 2023(2).
Article 78 – Clarification du financement de l’habitat inclusif
Deux dispositifs de financement de l’habitat inclusif coexistent actuellement : l’aide à la vie partagée (AVP), financée par les départements, avec une participation de la CNSA, et le forfait habitat inclusif (FHI), financé par la CNSA via les agences régionales de santé. Dans un but de simplification, la LFSS pour 2023 acte l’extinction progressive du FHI d’ici à 2025. La participation de la CNSA sera d’au moins 65 % jusqu’à la fin 2024 puis d’au moins 50 % à partir du 1er janvier 2025. Pour les conventions signées avant le 1er janvier 2023, le concours de la CNSA reste de 80 %. Le taux de participation en vigueur au moment de la signature de la convention s’applique pendant toute la durée de cette convention.
Article 80 – Augmentation du montant de l’aide de la CNSA aux départements
L’aide, qui passe de 200 à 261 millions d’euros, permet à la CNSA de financer à moitié le coût de l’avenant 43 à la convention collective de l’aide à domicile, lequel revalorise les salaires dans la branche. La hausse de cette aide s’explique par une revalorisation de la dotation horaire lors du comité des finances du 27 octobre 2022 (40 millions d’euros) et par l’extension du cofinancement au complément de traitement indiciaire pour les services d’aide à domicile de la fonction publique territoriale (21 millions d’euros).
Article 107 – Nouveau report de la réforme du financement des soins médicaux et de réadaptation
En raison de l’impréparation des structures, et en particulier des établissements privés, la LFSS pour 2023 reporte à nouveau l’entrée en vigueur de la réforme du financement des soins médicaux et de réadaptation (SMR), ainsi repoussée au 1er juillet 2023. Députés et sénateurs ont « déploré » ce nouveau report de la réforme, qui vise à permettre une allocation plus efficiente des moyens entre établissements, par la prise en compte des besoins particuliers des populations.
Article 5 – Ajustements sur la généralisation de l’avance des aides aux services à la personne
Lancée par la LFSS pour 2020, une expérimentation a permis d’assurer le versement contemporain des aides aux particuliers personnes âgées en situation de handicap qui emploient des aides à domicile. Le crédit d’impôt sur le revenu portant sur les dépenses à charge du particulier employeur utilisateur de chèques emplois services universels lui est depuis versé pendant l’année en cours, permettant ainsi de mettre fin aux avances de trésorerie.
Après la généralisation du dispositif en 2022, le législateur avait prévu de le généraliser progressivement et de l’étendre, notamment, à l’APA et à la PCH à partir de 2023, puis aux activités de garde d’enfant en 2024.
L’article 5 de la LFSS pour 2023 apporte, par conséquent, divers ajustements techniques aux dispositions qui encadrent la généralisation de l’avance des aides fiscales et sociales aux services à la personne. En particulier, il prolonge l’expérimentation de l’avance de l’APA et de la PCH et y intègre les aides aux activités de garde d’enfant. La date de généralisation du versement immédiat des aides sociales et fiscales aux particuliers employeurs et clients de mandataires pour les activités de garde d’enfant à domicile pour un enfant âgé de 6 ans et plus est avancée au 1er janvier 2023.
Article 69 – Report des heures de l’APA
Afin de donner plus de souplesse aux bénéficiaires de l’APA, un amendement du député Thibault Bazin (LR ; Meurthe-et-Moselle) prévoyait de généraliser la forfaitisation de l’APA. Objectif : permettre aux bénéficiaires de moduler leur consommation du plan d’aide d’un mois sur l’autre.
Le gouvernement a préféré une autre méthode. En effet, la forfaitisation aurait risqué « de rigidifier la participation des bénéficiaires sans tenir compte de leur consommation effective et pourrait ainsi créer une rupture dans la corrélation entre consommation et participation ».
Ainsi, la version définitive de cet article prévoit que le contrôle de l’effectivité des heures d’aide à domicile qui relèvent du plan d’aide ne pourra porter sur une période de référence inférieure à 6 mois. Une réécriture qui permettra aux bénéficiaires de l’APA, à partir du 1er janvier 2024, de reporter les heures non utilisées mais sans forfaitiser le montant de leur participation. Les modalités précises seront fixées par décret.
Article 75 – Temps dédié au lien social
La LFSS pour 2023 va permettre aux équipes médico-sociales chargées d’élaborer le plan d’aide, de proposer aux bénéficiaires de l’APA un temps dédié à l’accompagnement et au lien social jusqu’à 2 heures par semaine. Cette mesure poursuit deux objectifs :
• la prévention, grâce au repérage des fragilités et en luttant contre l’isolement ;
• l’amélioration des conditions de travail des personnels, en augmentant leur temps de travail et en limitant son fractionnement. Ces heures pourront en effet être intégrées dans les plannings à n’importe quelle heure de la journée.
La mise en œuvre de ce temps dédié au lien social sera précisée par décret.
Le texte précise en outre les modalités de compensation de ces dépenses, supportées par les conseils départementaux. Une compensation qui sera assurée par la CNSA. Le coût de la mesure est estimé à 73 millions d’euros en 2024, 149 millions d’euros en 2025 et 203 millions d’euros en 2026.
Article 79 – Elaboration d’un système d’information commun pour les MDPH
L’harmonisation des systèmes d’information (SI) des maisons départementales pour personnes handicapées (MDPH) est prévue depuis la loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, dite loi « ASV ». La LFSS pour 2023 va encore plus loin puisqu’elle pose les premiers jalons nécessaires à la mise en place d’un système unique pour les MDPH, sur le modèle du SI-APA issu de la LFSS pour 2022. La CNSA se voit ainsi confier la conception et la mise en œuvre de ce nouveau systèmes d’information, qui devra permettre de contribuer à l’amélioration de la qualité de service et de faciliter le pilotage national et local.
Article 81 – Création d’un parcours polyhandicap
En application de l’engagement n° 9 adopté lors de la Conférence nationale du handicap du 11 février 2020, la LFSS crée un parcours de rééducation et de réadaptation pour les enfants en situation de polyhandicap ou de paralysie cérébrale au sein du code de la santé publique.
Le parcours sera organisé par des structures désignées par arrêté du directeur général de l’ARS parmi :
• les établissements de santé publics ou privés ;
• les établissements ou services d’enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation ;
• les centres d’action médico-sociale précoce ou les foyers de jeunes travailleurs qui sont amenés à suivre ces enfants.
Un décret pris après avis du Conseil d’Etat devra fixer les modalités de prescription, les conditions d’intervention des professionnels, le nombre de séances prises en charge et les modalités de rémunération des actes de psychomotricité et d’ergothérapie.
L’objectif de dépenses de la branche « maladie, maternité, invalidité et décès » – qui couvre le champ de l’ensemble des régimes obligatoires de base, comme prévu par la loi organique du 14 mars 2022 –, est fixé à 238,3 milliards d’euros. Son périmètre a été largement modifié en 2021 avec la création de la branche « autonomie », qui a récupéré les dépenses de prestations dont la branche « maladie » assurait le financement.
L’enveloppe consacrée à cet objectif apparaît en baisse par rapport à la prévision 2022 rectifiée (241,9 milliards d’euros). Une baisse seulement apparente qui résulte de l’hypothèse baissière des dépenses liées à la crise sanitaire par rapport à l’an passé.
Article 17 – Régime simplifié de déclaration pour certains médecins régulateurs et assouplissement de la responsabilité
Créé par la LFSS pour 2019, le régime simplifié des professions médicales (RSPM) permet aux médecins et aux étudiants en médecine qui exercent une activité médicale à titre de remplacement d’opter pour un dispositif simplifié de déclaration et de paiement des contributions sociales.
La LFSS pour 2023 étend le bénéfice de ce régime simplifié aux médecins pratiquant une activité de régulation dans le cadre d’un service d’accès aux soins (SAS) et de la permanence des soins ambulatoires, et qui n’exercent pas d’autre activité en médecine libérale.
En outre, pour des raisons d’attractivité du métier, le texte aligne le régime de responsabilité des médecins régulateurs du SAS sur celui des médecins régulateurs du Samu.
Article 33 – Elargissement des professionnels habilités à prescrire et à administrer des vaccins
Reprenant une recommandation de la Haute Autorité de santé, l’article 33 élargit le nombre de professionnels de santé habilités à prescrire les vaccins du calendrier vaccinal. La liste des vaccins concernés et des personnes susceptibles d’en bénéficier sera fixée par arrêté du ministère de la Santé.
Sont concernés : les sages-femmes, infirmiers, pharmaciens et personnels des pharmacies à usage intérieur, laboratoires de biologie médicale, étudiants en troisième cycle des études de médecine ou de pharmacie. L’étude d’impact estime que cet élargissement fera économiser une douzaine de millions d’euros par an à l’assurance maladie.
Article 35 – Rénovation des règles qui encadrent la conclusion d’accords et de conventions entre l’assurance maladie et les professionnels de santé libéraux
La LFSS pour 2023 simplifie, met à jour et harmonise les règles qui encadrent la conclusion d’accords et de conventions entre l’assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, afin de renforcer l’accès aux soins. Une mesure qui impacte aussi bien les dispositions en matière de conclusion des conventions que celles relatives au contenu des conventions.
Article 36 – Expérimentation de la signature des certificats de décès par les infirmiers
La LFSS prévoit une expérimentation, pendant 1 an et dans la limite de six régions, de l’autorisation des infirmiers à signer les certificats de décès. Sa mise en œuvre sera encadrée par décret et la liste des territoires participants par arrêté.
En principe, les certificats de décès ne peuvent être établis que par un médecin, en activité ou retraité, par un étudiant de troisième cycle d’études de médecine en France ou par un praticien à diplôme étranger hors Union européenne autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine. Cependant les infirmiers et infirmières ne seront pas dans l’obligation de constater eux-mêmes les décès.
Article 46 – Facturation de l’activité des infirmiers en pratique avancée exerçant en établissement
Le législateur permet la facturation des actes et consultations externes des infirmiers en pratique avancée (IPA) salariés des établissements de santé du secteur privé lucratif, qui est aujourd’hui impossible.
Cette disposition vise à développer de façon plus large les IPA dans tous les établissements de santé. Le Sénat, qui était favorable à cette disposition, estime cependant que les IPA doivent trouver « une juste place dans des équipes de soins coordonnées et un rôle lisible et pertinent dans le parcours de soins du patient, dans la répartition des tâches et compétences entre professionnels de santé ». Pour cela, les sénateurs ont de nouveau appelé à une discussion sur « une loi relative à la santé et à l’organisation de l’offre de soins, permettant une réflexion globale sur la place de chaque profession de santé ».
Article 57 – Prolongation de l’expérimentation du cannabis thérapeutique
Prévue par la LFSS pour 2020, l’expérimentation du cannabis thérapeutique avait plusieurs objectifs : estimer la faisabilité du circuit de mise à disposition à toutes les étapes de prise en charge et assurer le recueil des premières données françaises sur l’efficacité de l’utilisation de cette substance. Au 31 mars 2022, 1 450 patients ont pu bénéficier de l’expérimentation, et 69 % d’entre eux étaient toujours sous traitement.
Cette expérimentation devait prendre fin en mars 2023, mais de nombreuses questions restaient en suspens, comme le cadre et la définition des standards de production et de fabrication, le statut des médicaments, les indications thérapeutiques pertinentes, les modalités de définition de leur prix et de leur remboursement. Ainsi, l’article 57 prévoit de prolonger l’expérimentation pour 1 année supplémentaire.
Article 58 – Refonte de la tarification des produits et prestations dans le cadre de la LPPR
L’article 58 de la LFSS pour 2023, très dense, vise principalement à améliorer la transparence des coûts relatifs aux dispositifs remboursés par la sécurité sociale, dans le cadre de la liste des produits et prestations remboursables (LPPR). Il procède à la dissociation du produit et de la prestation dans le processus de tarification et prévoit que les marges de distribution, qui représentent la rémunération des distributeurs, seront fixées par voie réglementaire, ce qui se fait déjà pour le médicament. Une disposition qui devrait, selon le gouvernement, faire économiser 50 à 100 millions d’euros par an à l’assurance maladie. De plus, la régulation des inscriptions sur la LPPR est renforcée par, notamment, l’amélioration des contrôles des dispositifs inscrits sur ligne générique et l’amélioration du recueil de données nécessaires aux évaluations post-inscription.
Article 29 – Rendez-vous de prévention à certains âges clés
La LFSS pour 2023 vise la création de quatre consultations à des âges clés de la vie adulte, dont deux nouvelles :
• de 20 à 25 ans, la consultation « santé sexuelle », qui existait déjà est conservée. Le texte crée un cadre juridique pour une consultation de prévention des cancers et des addictions, qui aura également pour but de favoriser une alimentation saine et une activité physique régulière et suffisante ;
• de 40 à 45 ans, le texte crée un cadre pour un rendez-vous intègrant une évaluation préalable des facteurs de risques métaboliques et, le cas échéant, une consultation de prévention des maladies chroniques ;
• de 60 à 65 ans, un autre cadre pour pérenniser les rendez-vous de prévention « jeunes retraités » afin de prévenir la perte d’autonomie. Ce genre de rendez-vous est déjà déployé par les caisses d’assurance maladie et retraite.
Comme le souligne la commission des affaires sociales du Sénat, cet article ne crée pas « trois occurrences de prévention avec un médecin tout au long de la vie », mais seulement une consultation généraliste à 20-25 ans, et un « rendez-vous » à 40-45 ans, qui peut donner lieu à une consultation.
Article 30 – Elargissement des dépistages sans ordonnance et de la prise en charge à 100 % pour davantage d’IST
Cet article modifie le code de la sécurité sociale pour prévoir :
• le remboursement des examens de dépistage « des autres infections sexuellement transmissibles (IST) », en plus du VIH (CSS, art. L. 162-13-2) ;
• la prise en charge à 100 %, pour les assurés de moins de 26 ans, des frais liés au dépistage sérologique du VIH et des autres IST.
Les « autres IST » concernées par ces dispositions seront déterminées par arrêté ministériel. D’après la direction générale de la santé, les infections à Chlamydia trachomatis et à gonocoque sont prioritairement envisagées. La réflexion se poursuit pour l’intégration de la syphilis et de l’hépatite B à cette liste.
Article 31 : Expérimentation d’un dépistage néonatal de la drépanocytose
L’article 31 crée, pour une durée de 3 ans, la possibilité pour l’Etat d’autoriser la réalisation d’un dépistage néonatal de la drépanocytose. Un décret devra déterminer les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation sur les territoires, dans la limite de trois régions.
La drépanocytose, maladie génétique, concerne 30 000 personnes en France.
Article 32 : Extension de la délivrance gratuite de la contraception d’urgence en pharmacie sans prescription médicale
Le texte prévoit la délivrance gratuite, sans prescription médicale, de la contraception d’urgence à toutes les femmes sans condition d’âge, dès le 1er janvier 2023.
Jusque-là, la prise en charge différait selon l’âge : 65 % pour les majeurs de plus de 26 ans sur prescription médicale, 100 % pour les majeures de moins de 26 ans sur prescription médicale et délivrance gratuite sans prescription pour les mineures.
En 2019, 540 000 boîtes de contraception d’urgence remboursables ont été vendues aux majeures, et seulement 10 % ont été remboursées. L’extension occasionnerait une économie de 8,9 millions d’euros en consultations évitées et, dans le même temps, un coût supplémentaire d’environ 25 millions d’euros pour le remboursement.
Article 105 : Extension du bénéfice automatique de la C2S
La LFSS pour 2023 étend l’attribution automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S) gratuite aux enfants de moins de 25 ans à la charge des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), avec un renouvellement automatique de leur droit à l’issue de la période de 1 an de bénéfice. De plus, le texte prévoit que les éventuels conjoints, concubins ou partenaires des bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), dès lors qu’ils n’exercent pas d’activité professionnelle, bénéficient de la même présomption que les allocataires de l’ Aspa d’ouverture de la C2S avec participation.
L’objectif de dépenses de la branche « famille » est fixé, pour 2023, à 55,3 milliards d’euros. Avec la branche « accidents du travail-maladies professionnelles », c’est la seule branche de la sécurité sociale à être excédentaire (solde de + 1,3 milliard d’euros). Un excédent fortement réduit par rapport à 2022, liée à une forte hausse des dépenses (+ 6,3 %).
En effet, l’article 20 de la LFSS pour 2023 prévoit de transférer à la branche « famille » la prise en charge de 60 % du congé maternité, soit 2 milliards d’euros. Une nouvelle répartition justifiée par le fait que la période post-natale représente environ 60 % de la durée totale du congé de maternité et qu’après la naissance, le législateur estime plus logique le fait de considérer que les indemnités journalières relèvent davantage de la politique familiale que de la branche « maladie-maternité ».
De plus, la branche doit supporter la revalorisation de 50 % du montant de l’allocation de soutien familial (ASF), intervenue dès novembre. Coût estimé : 850 millions d’euros.
Article 82 – Expérimentation d’un parcours d’accompagnement des proches aidants
La LFSS pour 2023 prévoit la création d’une expérimentation d’un parcours d’accompagnement au bénéfice des proches aidants et des aidants familiaux, dans trois régions. Ce parcours sera financé par le fonds d’intervention régionale et ses modalités de mise en œuvre seront précisées par décret.
Article 86 : Triple réforme du CMG
La LFSS pour 2023 réforme plusieurs points du complément de libre choix du mode de garde (CMG).
D’abord, il modifie le barème du CMG « emploi direct ». Ainsi, l’aide sera définie en fonction d’un barème, lequel prendra en compte de nouveaux paramètres :
• les ressources du ménage dans la limite d’un plancher et d’un plafond ;
• le nombre d’enfants à charge ;
• la charge d’un enfant ouvrant droit à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) prévue à l’article L. 541-1 du code de la sécurité sociale ;
• le mode d’accueil rémunéré, à savoir le recours à une assistante maternelle ou l’emploi d’une garde d’enfant à domicile ;
• le nombre d’heures d’accueil ou de garde ;
• les périodes d’accueil ou de garde ;
• le salaire net versé au salarié comme sous le régime existant de l’aide. A la rémunération s’ajouteraient également pour les assistantes maternelles les indemnités et fournitures destinées à l’entretien de l’enfant.
L’objectif est de rapprocher le barème du complément de libre choix du mode de garde de celui des crèches et de réduire les freins financiers à l’accueil individuel des enfants, pour des familles aux revenus modestes ou qui ont des besoins de garde importants. La formule sera définie par décret, mais d’après les travaux parlementaires, elle devrait être la suivante :
R correspond aux ressources annuelles du foyer, dans la limite d’un plancher et d’un plafond identiques à ceux du barème des établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) sous prestation de service unique (PSU).
Re correspond au niveau de ressources de référence, permettant d’égaliser les taux d’effort avec les EAJE financés par la PSU.
Le dernier terme permet de définir le coefficient de prise en charge du coût de la garde en visant un taux d’effort horaire identique, applicable quel que soit le niveau de revenu de la famille dans la limite du plancher et du plafond de ressources pour une configuration familiale donnée, pour un niveau de coût horaire de garde médian observé.
Dans la droite ligne de cette réforme du mode de calcul, le II de l’article 86 exclut la CMG du régime commun de revalorisation des montants des prestations familiales. Les modalités de revalorisation seront assises sur les nouveaux paramètres du barème : coût horaire médian du mode de garde et barème des participations familiales en crèche PSU.
Ensuite, l’article 86 étend le complément de libre choix du mode de garde aux enfants de 6 à 12 ans pour les familles monoparentales.
Enfin, il permet le partage de la prestation entre les parents en cas de garde alternée. Un décret devra préciser les modalités d’application de ce partage.
Toutes ces dispositions devraient s’appliquer au plus tard le 1er juillet 2025. Un dispositif transitoire de compensation en faveur des familles du CMG « emploi direct » qui seraient perdantes est prévu, sous forme d’un complément. Là aussi, les modalités de ce complément seront fixées par décret.
Article 87 – Inscription du renouvellement du CPP dans le CGFP
L’article 87 prévoit d’inscrire le renouvellement du congé de présence parentale (CPP) à l’article L. 632-2 du code général de la fonction publique (CGFP). Un ajustement technique nécessaire puisque les lois statutaires, qui prévoyaient ce renouvellement grâce aux dernières modifications législatives, ont été abrogées à la création du code.
Article 88 – Accès des agents publics au congé de proche aidant
L’article 88 de la LFSS pour 2023 assouplit les conditions d’éligibilité de l’allocation journalière du proche aidant pour les agents publics, dans la droite ligne de ce qui avait été opéré pour les salariés. Le critère de la « particulière gravité » de la perte d’autonomie pouvant justifier la prise d’un congé de proche aidant est supprimé, au profit de conditions qui seront définies par décret.
Principale nouveauté de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 par rapport aux précédentes années, un chapitre entier, comportant cinq articles, est consacré au renforcement des « actions de lutte contre les abus et les fraudes ».
Particulièrement dense, l’article 98 comprend de nombreuses mesures en ce sens :
• autoriser les greffiers des tribunaux de commerce à transmettre aux organismes de protection sociale et à l’Etat des renseignements recueillis dans l’exercice de leurs missions et faisant présumer des fraudes ; de simplifier la procédure de sanction administrative prononcée par les directeurs des caisses pour les branches « famille » et « vieillesse » en cas de fraude ;
• ouvrir le droit de communication de renseignements détenus par des tiers aux agents chargés, au sein des organismes sociaux, du recouvrement des créances nées après le constat d’un travail dissimulé ;
• autoriser les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) à procéder à l’interconnexion des données obtenues par le droit de communication non nominatif avec les données de son système d’information ;
• doter les agents de contrôle des organismes sociaux de moyens d’investigation adaptés à l’économie numérique et notamment de pouvoirs de « cyberenquête » ;
• autoriser la direction générale des finances publiques à transmettre les données annuelles des opérateurs de plateformes sur les transactions réalisées par leurs utilisateurs à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
L’article 99 prévoit quant à lui une interdiction du versement des allocations et prestations soumises à condition de résidence sur des comptes bancaires domiciliés à l’étranger.
L’article 100, lui, concerne davantage les professionnels : il permet d’appliquer le déconventionnement d’urgence aux pharmaciens d’officine, distributeurs de produits et prestations de santé, taxis et transports sanitaires conventionnés.
L’article 101 encadre plus rigoureusement l’indemnisation des arrêts de travail prescrits dans le cadre d’une téléconsultation. Ainsi, seuls les arrêts délivrés par le médecin traitant du patient et les arrêts délivrés par un autre médecin en cabinet ou à domicile, et qui avait déjà été consulté par le patient dans l’année précédente, pourront donner lieu à des indemnités journalières. Une économie de 47,5 millions d’euros par an est attendue avec cette mesure.
Dans sa décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré cinq dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 conformes à la Constitution, sur lesquelles il était saisi. En particulier, il a validé les article 4, 106 et 115 de la loi, qui prévoyaient, respectivement, l’Ondam au titre de l’année 2022 et l’année 2023 ainsi que les objectifs de dépenses de la branche « autonomie ». Les députés auteurs de la saisine soutenaient qu’en raison de l’absence d’une prise en compte des effets de l’inflation constatée en 2022, ces objectifs se traduiraient en une baisse effective des moyens attribués à la santé. Faux, répond le Conseil, qui tire des travaux parlementaires le fait que ces objectifs ont justement été déterminés en tenant compte de l’impact de l’inflation.
Quant aux censures du Conseil constitutionnel, elles se limitent à 12 « cavaliers sociaux »(1). La Haute Instance a notamment censuré :
• l’article 89, qui prévoyait la suppression du caractère explicite de l’accord devant être donné par le service du contrôle médical sur la prolongation de la durée maximale de versement de l’allocation journalière de présence parentale ;
• l’article 90, qui imposait à l’employeur de garantir aux salariés le versement d’une somme au moins égale au montant des indemnités journalières de l’assurance maternité et du congé de paternité et d’accueil de l’enfant et prévoyait la possibilité, pour l’employeur, de pouvoir collecter ces indemnités à la place du salarié.
Par ailleurs, le Parlement impose au gouvernement la remise de divers rapports. Si ces remises de rapport, incluses dans une LFSS, n’ont pas pour objet « d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale », elles sont également censurées par le Conseil. Ce fut notamment le cas, cette année, pour l’article 74, qui prévoyait la remise d’un rapport du gouvernement au Parlement évaluant le coût, pour les comptes publics et sociaux, de l’instauration d’un bilan visuel obligatoire à l’entrée dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
(1) Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022, J.O. du 24-12-22 et décision n° 2022-845 DC du 20 décembre 2022.
(1) Arrêté du 30 décembre 2021, NOR : SSAA2138483A, J.O. du 31-12-21.
(2) Arrêté du 30 décembre 2021, NOR : APHA2233883A, J.O. du 31-12-21.
(1) Un « cavalier social » est une disposition incluse dans une loi de financement de la sécurité sociale mais qui n’a aucun effet ou un effet trop indirect sur les dépenses et les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes de sécurité sociale. Elle est par conséquent systématiquement déclarée contraire à la Constitution par les Sages, même si ceux-ci ne sont pas explicitement saisis par les parlementaires sur ces mesures.