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Détention : « La justice restaurative permet de se réintégrer socialement »

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Robert Cario

Robert Cario, professeur de criminologie et président fondateur de l'Instit français pour la justice restaurative (IFJR)

Crédit photo DR
Pionnier de la justice restaurative en France, le criminologue Robert Cario prône un plus grand développement dans la chaîne pénale de cette pratique qui met face à face auteurs d’infractions et victimes.

Actualités sociales hebdomadaires - En quoi la justice restaurative consiste-t-elle ?

Robert Cario : Il s’agit d’un espace de dialogue offert aux personnes ayant été impliquées dans un acte criminel, qu’elles soient auteures ou victimes, ainsi qu’à leurs proches et leurs communautés d’appartenance, afin d’échanger sur les répercussions de cet acte. Il ne faut pas confondre répercussions et conséquences. Ces dernières couvrent la sanction pénale de l’auteur et l’indemnisation de la victime. Alors que les répercussions s’appliquent à titre personnel, familial, scolaire professionnel, etc. Lorsque les répercussions n’ont pas été prises en compte, les personnes ont du mal à réintégrer notre société. La justice restaurative offre un espace de parole aux intéressés qui vont pouvoir, sans jugement, en toute sécurité et en présence d’animateurs formés à cette pratique (des travailleurs sociaux de l’administration pénitentiaire, de l’aide aux victimes, de la protection judiciaire de la jeunesse), échanger autour des répercussions qui perdurent.

Sous quelles formes ces échanges ont-ils lieu ?

La forme la plus répandue est la « médiation restaurative », qui donne l’opportunité à l’auteur d’une infraction et à sa victime de se rencontrer. Il existe aussi les rencontres entre détenus et victimes qui se développent en milieu pénitentiaire fermé et les entrevues entre condamnés et victimes en milieu ouvert. Dans ces deux derniers cas, les auteurs de l’infraction et les victimes ne sont pas liés par la même affaire mais ont vécu des actes de nature proche. La justice restaurative n’est pas un programme thérapeutique, il n’est pas question de pardon réciproque : il s’agit de comprendre comment on va vivre après l’infraction. On ne se situe pas dans le champ pénal, le seul objectif est de mettre en place un dialogue.

Quels sont les bénéfices des programmes pour les participants ?

Les rencontres et échanges leur permettent de faire valoir leur ressenti, leurs émotions, dans un espace de parole sécurisé. Généralement, deux questions taraudent autant les victimes que les auteurs, ainsi que leurs proches : « Pourquoi moi ? Comment vais-je continuer à vivre avec ça ? » Il s’agit d’« empowerment », en somme, pour les aider à reprendre du pouvoir sur leur vie. Auteurs d’infraction et victimes comprennent mieux le ressenti de l’autre, ce qui leur permet de regagner peu à peu confiance dans les autres et par là même de se réintégrer socialement. Mais des prérequis sont indispensables à la mise en place d’un tel programme : la reconnaissance des faits par l’auteur, le consentement de chacun à participer à la mesure, l’information complète de tous les participants sur la pratique et son déroulement en présence d’un professionnel spécialement formé et la confidentialité de tous les échanges. Quand ces conditions sont remplies, l’autorité judiciaire ou l’administration pénitentiaire ne peuvent pas empêcher que la mesure se tienne.

La justice restaurative est-elle répandue en France ?

La pratique est ancestrale : avant même que la justice existe, les anciens avaient une manière différente de réguler les répercussions d’actes pour que les émotions et le ressenti de chacun puissent être exprimés. On a réinventé ces mesures au milieu des années 1970 dans les pays anglo-saxons et, en France, la première expérimentation a eu lieu en 2010 à la maison centrale de Poissy, dans les Yvelines. Elle a débouché sur la loi « Taubira » de 2014 qui encadre la pratique de la justice restaurative. Depuis, des textes sont venus la compléter et environ 300 programmes ont été mis en place à ce jour en France, en métropole et en outre-mer. L’ancrage de cette pratique suppose l’introduction d’une nouvelle culture au sein de la justice pénale, ce qui n’est pas simple, mais cela avance de manière significative. Ce modèle fait néanmoins face à un manque de ressources humaines et donc de moyens financiers, alors même qu’on dépense des sommes folles pour incarcérer les personnes, avec des résultats relativement insignifiants. Cette pénurie empêche de former plus de travailleurs sociaux à ces dispositifs. Le second frein réside dans la frilosité, voire l’inquiétude de certains professionnels de la chaîne pénale, qui sont eux-mêmes chargés de régler un conflit criminel et sont convaincus que c’est suffisant.

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