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TRIBUNE : Les forces et faiblesses de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté

Par Florent Guéguen, Directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité. Avec 8,8 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté (en progression d’1 million depuis la crise de 2008), l’annonce le 13 septembre par le Président de la République de la stratégie quinquennale de lutte contre la pauvreté des enfants et des familles, reportée de juillet à septembre, était très attendue par les associations et les personnes qui subissent les effets de la crise économique et des inégalités au quotidien.

Le choix assumé d’un ciblage prioritaire des mesures sur la pauvreté des familles et des enfants, dans une logique d’investissement social, de prévention et de lutte contre les déterminismes sociaux semble répondre à plusieurs évolutions observées : la transmission de la pauvreté de génération en génération avec 3 millions d’enfants pauvres, la fragilisation des familles monoparentales (taux de pauvreté à 34,9 %) et des jeunes (dont le taux de chômage est deux fois supérieur à la moyenne nationale) ou encore l’augmentation depuis plusieurs années du nombre de familles à la rue ou dans les hébergements précaires.

Ce plan apparait également comme une première inflexion sociale après plusieurs mesures prises en début de quinquennat très largement défavorables aux personnes en difficulté (réduction des APL, des contrats aidés, baisse des crédits du logement social….). Dotée de 2 milliards d’€ par an jusqu’en 2022, dont la moitié sont consacrée à la revalorisation de la prime d’activité, ces crédits doivent être mis en perspective avec les coupes budgétaires annoncées au budget 2019 sur le logement (-1,1 milliards dont les  APL), sur les aides sociales (les allocations familiales, les pensions et l’APL n’évolueront qu’à hauteur de + 0,3 % alors qu’elles étaient indexées à l’inflation estimée à 1,7 % en 2019), sur la politique de l’emploi et les contrats aidés (qui passera à 100 000 PEC en 2019 pour 200 000 en 2018). Ainsi les mesures nouvelles de la stratégie pauvreté présentées en septembre étaient-elles largement financées par redéploiement au sein des politiques de solidarité, au détriment notamment des politiques de l’emploi et du logement dont les crédits diminuent en 2019. L’annonce par le Président de la République le 10 décembre dernier, à la suite du mouvement social « des gilets jaunes », d’une revalorisation de la prime d’activité (+ 100 € pour une personne au SMIC, soit + 20 € par rapport à ce qui était initialement prévue dans la stratégie pauvreté) et le relèvement de son plafond modifie l’analyse budgétaire du plan et améliore nettement la situation des ménages modestes qui sont en emploi. Mais pour les autres, chômeurs de longue durée, allocataires du RSA la situation financière et le « reste à vivre » risquent de se dégrader en 2019.

Notre analyse de la stratégie détaillera les avancées, souvent portées par les associations dans les groupes de travail, sur la prévention de la pauvreté dès l’enfance, l’insertion professionnelle, le soutien aux travailleurs modestes ou encore les progrès en matière d’accès aux soins. Elle pointera aussi les carences identifiées dans le plan (sur le RSA, l’hébergement, le logement, la grande exclusion, l’accompagnement des migrants) qui justifie selon nous une étape supplémentaire de mesures dans le courant du quinquennat.

1 - La réforme des prestations et les inquiétudes sur l’évolution du pouvoir d’achat des personnes les plus précaires

Depuis la publication des travaux de la commission Sirugue en 2016, il y a consensus sur la nécessité d’une réforme des minima sociaux pour réduire le non recours aux prestations, lutter contre la stigmatisation des allocataires, simplifier les démarches et automatiser les versements. La stratégie prévoit dans ce cadre de [1]« moderniser la délivrance des prestations sociales en favorisant les échanges d’informations entre acteurs, en rendant automatique les démarches et en favorisant un paiement au juste droit, en généralisant le datamining pour le repérage des bénéficiaires potentiels ». Elle prévoit également de « renforcer l’accès aux droits et aux services sociaux par la généralisation des accueils sociaux inconditionnels, l’expérimentation de territoires zéro non recours et le coffre-fort numérique ».

La revalorisation significative de la prime d’activité et le soutien des personnes en emploi

Pour « encourager la reprise d’activité », la stratégie prévoit « une augmentation ciblée de la prime d’activité qui bénéficiera à 3,2 millions de ménages et qui permettra un gain pouvant aller jusqu’à 80 € par mois au niveau du SMIC ». Suite aux annonces du Président de la république le 10 décembre dernier, l’augmentation de la prime d’activité est portée à 100 € par mois pour les personnes en emploi au niveau du SMIC avec un élargissement du nombre de bénéficiaires dès lors qu’ils sollicitent l’aide auprès de la CAF. Le plafond de revenus de 1560 € par mois pour une personne seule sans enfant est porté à 1800 € de revenus nets. Au total, 5 millions de foyers en activité pourraient ainsi bénéficier de cette revalorisation selon le site du Ministère des solidarités et de la santé. Conforme à la priorité gouvernementale donnée aux personnes en emploi, la revalorisation de la prime d’activité qui soutient le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres et modestes est une mesure positive soutenue par les associations. La portée de cette mesure est cependant atténuée par le fonctionnement de cette prime qui n’intervient qu’à partir d’une activité professionnelle à minima de 0,5 SMIC et qui porte les montants de revalorisation les plus élevés au niveau du SMIC, au détriment des travailleurs à temps très partiels, qui sont également les plus pauvres.

Mais les associations de lutte contre l’exclusion regrettent surtout l’absence de « coup de pouce » sur le RSA dont le montant stagne depuis 2017 (au-delà de l’indexation sur l’inflation) alors qu’il est très difficile de vivre dignement avec 550 euros par mois pour une personne seule. Rappelons que le précédent plan pauvreté publié en 2013 avait acté, à la demande des associations, une revalorisation de 10 % du RSA (en plus de l’inflation) sur 4 ans. Le choix de ce gouvernement de ne soutenir que le pouvoir d’achat des personnes qui sont en emploi est de ce point de vue très contestable : les 1,8 millions de ménages allocataires du RSA sont directement exposés à l’augmentation du coût des dépenses incompressibles (énergie, transport, logement….) et subissent directement l’effet du coup de rabot sur les APL ainsi que leur désindexation de l’inflation. Ainsi le pouvoir d’achat de cette partie de la population la plus pauvres va se dégrader en 2019 si de nouvelles mesures ne sont pas prise en court d’année et à l’issue du grand débat national.

L’annonce d’un Revenu Universel d’Activité aux contours indéfinis

La stratégie annonce également « le lancement d’un chantier de refonte des minimas sociaux dans la perspective de la mise en place d’un revenu universel d’activité. » Selon le plan gouvernemental, « le nouveau système sera plus simple et plus lisible pour les ménages, ce qui favorisera la lutte contre le non recours et permettra à chacun d’accéder à ses droits.il sera plus équitable (…) puisqu’il n’y aura plus de concurrence entre différentes prestations qui aujourd’hui relèvent de règles différentes. Il sera enfin incitatif à l’activité puisque chaque euro gagné par son travail se traduira par une augmentation du revenu disponible ».

La création par une loi en 2020 d’un « revenu universel d’activité » répond à la nécessité d’une fusion des minima sociaux dont le fonctionnement est devenu trop complexe, parfois inégalitaire et source d’un non recours aux aides sociales inacceptable. Reste que la mesure est floue quant à son périmètre, montants et base ressources utilisées pour l’unification. De nombreuses questions restent en suspens face à la complexité d’unifier des prestations de montants différents et qui n’ouvrent pas les mêmes droits (retraite par exemple). L’annonce par le Président de la république de l’intégration des APL dans le Revenu Universel d’activité a déjà fait réagir beaucoup d’associations qui craignent un recentrage des aides logement sur les publics les plus pauvres au détriment des ménages dont les ressources sont légèrement supérieures, avec le risque de nouveaux coups de rabot sur ces prestations qui aident aujourd’hui 6,5 millions de ménages à accéder ou se maintenir dans leur logement. Des arbitrages difficiles devront être rendus sur l’individualisation ou la « familialisation » des aides, l’intégration ou pas des prestations familiales dans la base ressources des allocataires ou encore sur les mécanismes de récupération via la solidarité familiale. Un Rapporteur à la réforme du revenu universel d’activité (Fabrice Lenglart) nommé le 23 janvier dernier devra analyser l’impact des scenarios de refonte des prestations à travers une concertation avec les associations qui devrait démarrer début avril et s’étaler sur 9 mois, pour une remise des propositions au 1er ministre à la fin de l’année 2019.

La fédération a défendu lors de son congrès en 2017 et avec le collectif Alerte la fusion des  minimas sociaux avec un double objectif : personne de doit vivre avec moins de 850 € par mois et ce minimum social doit être ouvert aux jeunes dès leur majorité. Cette réforme ambitieuse et « coûteuse » ne peut être menée que de manière très progressive sur plusieurs années et en mobilisant des expérimentations. La proposition de 18 départements d’expérimenter un revenu de base peut contribuer à cette réflexion pour mesurer l’impact des mécanismes de fusion et de simplification sur le niveau de vie des personnes, le recours aux prestations et ses effets sur le retour à l’emploi. Associée à la concertation qui s’annonce sur le paramétrage de cette nouvelle prestation dans le cadre du collectif Alerte, la Fédération veillera, compte tenu des enjeux sociaux et budgétaires d’une telle réforme, à ce que celle-ci ne se traduise pas par une diminution des droits pour une partie des bénéficiaires. Nous demanderons également à ce que les personnes en difficulté et allocataires actuels soient étroitement associés à ces travaux pour mobiliser leur expérience et expertise.

La mise en œuvre de « territoires 0 non recours » qui était une proposition du collectif Alerte est également positive et impliquera un pilotage territorial fort de toutes administrations concernées en lien avec les associations qui vont au-devant des publics « invisibles ». La Fédération regrette toutefois l’absence de mesures fortes et immédiates pour l’accès aux droits. Elle demande ainsi le financement de la domiciliation, porte d’entrée pour tous les droits qui est de plus en plus fermée aux personnes sans logement faute de crédits pour les CCAS et les associations la mettant en œuvre et le lancement d’une campagne d’information et de sensibilisation sur les droits sociaux. Un vaste plan d’accompagnement de la transition numérique est enfin essentiel, tant la dématérialisation des démarches cause pour les personnes en situation de précarité un éloignement de leurs droits et un sentiment d’isolement terribles. Des initiatives associatives existent et doivent être déployées massivement.

2 - Un renforcement attendu de la prévention dès l’enfance pour rompre avec la reproduction des inégalités

L’annonce d’un ensemble de mesures estimées à 1,2 milliards sur 4 ans visant à lutter contre la « transmission » de la pauvreté de génération en génération à travers l’accueil prioritaire des enfants issus de familles défavorisées en crèches, leur scolarisation dès 3 ans, le soutien à la PMI et à la parentalité, la création de 300 centres sociaux dans les territoires prioritaires vise nettement à lutter contre la reproduction des inégalités selon une logique d’investissement social sur un temps long.

La stratégie prévoit en particulier « qu’en sus du développement de l’offre prévu par la récente convention d’objectifs et de gestion de la branche famille (au moins 30 000 nouvelles places en accueil collectif et 1000 relais d’assistantes maternelles), la stratégie engagera une évolution majeure de la politique petite enfance au service de la mixité sociale et d’un nouveau continuum éducatif de 0 à 6 ans. ». Parmi les principales mesures, figurent « la création d’un bonus mixité pour encourager la mixité sociale dans les crèches pour 90 000 places, l’instauration du tiers payant du complément mode de garde pour l’accueil individuel courant 2019 et un plan de formation de 600 000 professionnels de la petite enfance sur 3 ans reposant sur un référentiel pédagogique élaboré sous l’égide du Haut Conseil à la famille ».

La Fédération avait défendu ces orientations dans le cadre de sa plateforme de congrès en janvier 2017 et c’est donc pour nous une satisfaction de les voir apparaitre dans ce plan gouvernemental même si nous regrettons que le soutien nécessaire au développement de la santé scolaire qui permet de détecter les vulnérabilités de tous les enfants scolarisés soit absent de ces annonces.

Les inconnus du bonus mixité sociale dans les établissements d’accueil de jeunes enfants

Plusieurs fédérations et unions associatives ou mutualistes[2] ont cependant saisit en janvier la direction de la CNAF sur les conditions de mise en œuvre du « bonus mixité sociale » dans ainsi que sur l’évolution de la Prestation Sociale Unique (PSU) qui finance les lieux d’accueil. Ce bonus semble en effet cibler les structures dites spécialisées dont l’objet principal est déjà d’accueillir des familles en difficulté. En outre il a été annoncé dans la COG 2018-2022 que 2019 serait une année blanche sans revalorisation de la PSU, cette absence d’évolution devant être compensée par les bonus limités à une petite minorité d’établissements. Les doutes persistent donc sur la plus-value réelle du « bonus mixité sociale » sur le financement des établissements et son impact sur les publics accueillis dans les structures.

Le défi de prévenir les sorties sèches de l’ASE

Avec 3000 jeunes sortant chaque année de l’ASE sans solution d’insertion, sans logement stable, ni ressources ni accompagnement l’’objectif d’aucune sortie « sèche de l’ASE est un engagement fort de la stratégie. Selon l’INSEE, 23 % des personnes privées de logement sont d’anciens enfants placés alors qu’il ne représente que 2 à 3 % de la population générale. La Fédération constate en effet que trop de jeunes issus de l’ASE souvent sans ressources ni accompagnement  sollicitent les dispositifs d’hébergement et de logement. Parfois orienté directement vers le 115 ce public particulièrement vulnérable se retrouve confronté à l’absence d’anticipation de la sortie, à la diminution du nombre de contrats jeunes majeurs prescrits par les départements et à l’extrême saturation des dispositifs d’hébergement et basculent dans la grande pauvreté. Pour rompre avec les risques de marginalisation de ces jeunes, la stratégie prévoit en effet « dès 16 ans un accompagnement et une évaluation de l’autonomie pour chaque jeune confié à l’ASE » et surtout « à partir de 18 ans un contrat systématique entre le jeune, le département et l’Etat pour garantir un accompagnement vers l’autonomie (santé, logement, ressources, insertion socio-professionnelle…) ». Dans le cadre d’un groupe de travail piloté par la direction générale à la cohésion sociale, la Fédération a développé ses propositions d’évolution de la prise en charge des jeunes en vue de renforcer leur accès à l’autonomie. Parmi ces priorités, figurent l’accompagnement des jeunes dans l’accès et le maintien dans le logement, l’apprentissage de la gestion d’un budget, l’aide aux démarches administratives pour l’obtention d’un titre de séjour, la généralisation des bilans de santé à la sortie de l’ASE ou de la PJJ avec un point de vigilance particulier sur les pathologies somatiques ou de souffrances psychiques. Nous proposons également « un service de suite » en appui aux jeunes qui quittent l’institution confié à un spécialiste de l’insertion ou au travailleur social réfèrent du jeune. Enfin tenir l’engagement d’aucune « sortie sèche de l’ASE » supposera le développement de structures d’hébergements ou de logements mixtes – 16 à 25 ans permettant de créer avec les intervenants sociaux un lien continu et sans interruption au moment du passage à la majorité. Malgré la bonne volonté affichée, il n’est pas certain que la dotation de 50 millions d’€ sur 4 ans annoncée dans la stratégie suffira pour attendre l’objectif, dans le cadre d’une contractualisation renforcée entre l’Etat, les départements et les associations. Enfin l’objectif d’aucune sortie « sèche » de l’ASE fait l’objet d’une proposition de loi déposée le 13 juin dernier par Brigitte Bourguignon Présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie. Parmi les propositions, figure l’obligation d’accompagnement par les départements des jeunes majeurs sortis de l’ASE  jusqu’à 21 ans, avec une possibilité d’extension jusqu’à 25 ans et une compensation financière de l’Etat. Souhaitons que le gouvernement réponde à cette urgence.

3 - Des engagements insuffisants pour réduire le nombre de familles à la rue ou en situation de grande exclusion   

Des crédits supplémentaires en 2019 sont annoncés dans la stratégie à hauteur de 125 millions d’€ sur 4 ans pour l’hébergement et l’accompagnement des familles en grande exclusion, dont 20 millions dès 2019 qui seraient dédiés à l’accompagnement social à l’hôtel, au financement de CHRS en difficulté, au renforcement de l’accompagnement social dans le logement, à la résorption des bidonvilles et au financement de projets innovants dans l’hébergement. Des maraudes mixtes incluant des personnels de l’ASE sont également prévues pour lutter contre la mendicité des enfants.

Des crédits qui ne suivent pas l’augmentation des personnes à la rue

Si ces mesures vont dans le bon sens, l’effort semble nettement insuffisant pour répondre à la situation critique des familles à la rue (40 000 personnes en famille hébergées à l’hôtel, des centaines de familles sans solution dans chacune des grandes métropoles) alors qu’une personne sur deux appelant le 115 est aujourd’hui en famille. La crise de l’hébergement des familles sans domicile fixe a connu son point culminant l’été 2018 avec la mise en œuvre par l’Etat de critères restrictifs d’accès des familles à l’hébergement hôtelier sur plusieurs départements (Hauts de seine, Toulouse, Rennes…..) en contradiction avec le principe légal d’accueil inconditionnel des personnes en situation de détresse sociale. La Fédération regrette également la faible articulation entre la stratégie de lutte contre la pauvreté et le plan quinquennal logement d’abord : il y avait sans doute une occasion de rehausser les objectifs de productions / captation de logements et d’hébergements accessibles aux ménages et familles les plus précaires, avec un accompagnement social adapté, permettant de se donner des objectifs mesurables de réduction du sans- abrisme. Le relogement des familles en difficulté dépend souvent de l’accompagnement social proposé dans le parc social et dans l’intermédiation locative. En l’état, la stratégie pauvreté ne permet pas de dégager de nouvelles marges de manœuvres significatives dans ce domaine.

Si la stratégie pauvreté n’engage pas de rupture quant aux solutions proposées aux personnes et familles sans domicile fixe, elle intègre des avancées permettant d’améliorer qualitativement les dispositifs existants ou d’éviter une trop forte dégradation de la situation.

Ainsi 10 millions d’€ sont affectés aux Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui subissent un plan d’économie de 57  millions d’euros sur la période 2018 -2021. Cet effort permettra d’atténuer les réductions de crédits prévus en loi de finances 2019 (-12 millions d’€) sans que on connaisse à ce stade les critères d’affectation de l’enveloppe entre les établissements concernés. 5 millions d’euros seront également dédiées au renforcement de l’accompagnement social des familles à l’hôtel pour soutenir leur sortie vers le logement, conformément au souhait gouvernemental d’un nouveau plan de réduction des nuitées hôtelières et 1 millions d’€ sont également affectés au traitement social des bidonvilles. Notons également parmi les avancées, l’intégration dans la stratégie pauvreté du programme national « Respirations » d’accès à la culture, à la science et aux vacances des enfants et familles dans l’hébergement porté par les associations « Les petits débrouillards », « Culture du cœur » et la Fédération des acteurs de la solidarité. Le soutien de l’Etat à ce programme permettra de développer dès 2019 les séjours de vacances des familles en difficulté, l’éveil et la citoyenneté avec des tiers-lieux (fabriques, Fab lab)  dans les centres d’hébergement ou à proximité, la formation des travailleurs sociaux à la médiation culturelle et les interventions ludiques et pédagogiques auprès des enfants et des adolescents hébergés à l’hôtel.

Vigilance associative autour de la création des maraudes mixtes de lutte contre la mendicité des enfants

La stratégie prévoit la mise en place « de maraudes spécialisées dans la protection de l’enfance pour aller vers les familles avec enfants et faire cesser la mendicité des enfants ». Financées à hauteur de 2 millions d’€, l’activité de ces équipes sera encadrée par un référentiel élaboré par la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS). Si la Fédération partage la nécessité d’une plus grande effectivité des droits des enfants et adolescents les plus fragiles, elle demande à ce que ce dispositif soit strictement encadré afin d’éviter un dévoiement de la mesure à d’autres fins que la protection (intervention coercitive pour « régulation de l’espace publique ») et la stigmatisation de certaines familles sans domicile fixe. Un collectif inter- associatif [3] a adressé dans ce sens en janvier ses propositions à la délégation interministérielle à la lutte contre la pauvreté avec notamment la demande d’une intervention de ces équipes auprès des enfants moins visibles qui pourraient bénéficier d’un accompagnement renforcé (notamment les enfants vivant dans des habitats précaires, bidonvilles et squats) et la nécessité de privilégier une approche centrée sur « l’aller vers », l’accompagnement et la lutte contre les causes qui fabriquent cette grande exclusion (absence de logement stable, de ressources, non recours aux droits….).

Enfin la question de de l’hébergement et de l’accompagnement des familles et personnes migrantes qui constitue pourtant une part non négligeable des ménages en situation de grande exclusion n’est pas traitée en tant que tel dans la stratégie. Les associations regrettent notamment l’absence d’engagement clair sur l’accès à un titre de séjour pour les familles hébergées depuis plusieurs années, dont le statut administratif précaire bloque la sortie vers le logement, l’emploi et l’autonomie.

4 - l’accès aux soins : des avancées positives mais insuffisantes

Garantir à chacun l’accès à une complémentaire santé

« Afin de simplifier radicalement l’accès aux droits de santé pour les personnes les plus vulnérables, l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), sera intégrée à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-c) avec une participation financière inférieure à 1€ par jour. » Cette mesure, demandée depuis de nombreuses années par les associations est une excellente nouvelle pour lutter contre le non recours qui s’élève aujourd’hui à 30% pour la CMU-C et à 66% pour l’ACS selon le Fonds CMU-C.

Afin de lutter effectivement contre le non recours, elle se devra d’être accompagnée de différentes propositions portées par les associations. L’accès à cette complémentaire santé doit d’une part être automatisé (notamment pour les bénéficiaires du RSA et ce, dès la première demande [et non pas uniquement pour son renouvellement comme cela est prévu par la stratégie pauvreté]) et l’information délivrée aux personnes améliorée. Les guichets d’accueil permettant un accueil physique doivent subsister et ne pas être remplacé par des plateformes en ligne, les agents doivent pouvoir disposer de temps pour accueillir et accompagner les ayant droits, le numéro d’appel de la sécurité sociale (le 3646) doit être gratuit pour tous les opérateurs. Enfin, les intervenants sociaux, qui accompagnent quotidiennement les personnes dans l’ouverture et le renouvellement de leurs droits, doivent pouvoir être formés tout au long de leur carrière aux changements de réglementation.

Avoir accès à une complémentaire santé doit pouvoir concerner toutes les personnes résidant en France d’où notre proposition de fusionner l’Aide médicale d’Etat et la Protection universelle maladie et de permettre l’accès à la CMU-C à l’ensemble de ces personnes. Ces propositions ne seront effectives que si elles s’accompagnent de la volonté réelle de lutter contre les refus de soins en délivrant des cartes vitales à tous les résidents en France (les bénéficiaires de l’AME en sont actuellement exclus tous les comme les demandeurs d’asile) et en créant une commission indépendante d’évaluation des refus de soins confiée au Défenseur des droits.

Hébergement et accès aux soins

La stratégie prévoit de renforcer certains services de soins et d’hébergement dédiés aux plus précaires : 1450 places supplémentaires d’ici 2022 pour les lits d’accueil médicalisé (LAM) et lits halte soin santé (LHSS) ; 1200 places supplémentaires pour les appartements de coordination thérapeutique (ACT), soit une augmentation de 25% de l’ONDAM médico-social spécifique. l’Etat reconnaît, par cette mesure, toute la plus-value des dispositifs alliant hébergement et soins afin de lutter contre la pauvreté et éviter que la maladie ne continue à exclure. Cette augmentation est ainsi très positive ; elle reste toutefois insuffisante par rapport aux besoins exprimés et à la situation des personnes restant à l’hôpital faute de places d’hébergement, ou à la rue sans suivi sanitaire.

Nous devons aussi améliorer la coordination entre ces structures et les acteurs de la veille sociale, des dispositifs « personnes âgées/ personnes handicapées », pour faciliter les admissions et orientations des personnes à la sortie des LHSS, LAM et ACT.

Enfin, permettre à ces personnes un accès au logement dans le cadre du logement d’abord sera un objectif central de nos prochains travaux : dans la lignée de ce que font les « ACT un chez soi d’abord » et le programme TAPAJ, reconnus et soutenus par la stratégie pauvreté, il nous faudra militer pour le financement d’équipes pluridisciplinaires, pré requis indispensable pour permettre à toutes les personnes d’avoir accès et se maintenir dans leur logement.

La lutte contre les déserts médicaux est aussi présente dans la stratégie avec la création de 100 centres et maisons de santé dans les territoires prioritaires. Cette mesure facilitera l’accès aux soins de toutes et tous si, et seulement si, ces centres sont répartis sur l’ensemble du territoire (et notamment les plus ruraux) et qu’elle s’accompagne d’efforts pour permettre un accès égalitaire à la médecine de ville (ce qui passera notamment par la lutte contre les refus de soins et les dépassements d’honoraires – cf plus haut).

La santé des enfants

Le gouvernement souhaite renforcer les missions des PMI sur l’accès à la santé et l’appui de la médecine de ville aux missions de la santé scolaire, dans le cadre du parcours de santé des enfants de 0 à 6 ans. Cet objectif, pour lequel nous attendons des propositions concrètes, est positif car l’augmentation du nombre de personnes à la rue concerne de nombreuses familles, enfants et mères sortantes de maternité qui n’ont ni logement ni solution d’hébergement et dont l’état sanitaire s’aggrave chaque jour. Face à ces enjeux de santé publique, la Fédération propose donc de renforcer les moyens financiers des PMI et de développer les PMI mobiles, notamment pour les familles à l’hôtel et les personnes en zone rurale. Le renforcement de la médecine scolaire devra quant à elle passer par une augmentation du nombre de médecins, infirmiers et psychologues dans les établissements scolaires pour prévenir la dégradation de la situation sanitaire des enfants.

Les mesures annoncées par la stratégie pauvreté ne devront pas oublier les enfants étrangers bénéficiaires de l’AME (dont il n’est jamais question dans les propositions), encore exclus des bilans de santé et des mesures de prévention accessibles aux personnes rattachées à l’Assurance maladie.

5 - l’insertion des jeunes  et  les actions de retour à l’emploi

La Stratégie prévoit « une obligation de formation jusqu’à 18 ans reposant à la fois sur le jeune décrocheur et sur les pouvoirs publics, notamment les missions locales. Plus de 100 millions d’€ seront consacrés à des solutions d’accompagnement vers l’emploi de tous les jeunes en complément d’une extension de la Garantie Jeunes. L’enveloppe des parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie (PACEA) est abondée à hauteur de 48 millions d’€. »

L’obligation de proposer une formation aux 16-18 ans décrocheurs, sans emploi ni qualification est positive quand chaque année, 90 000 jeunes du système scolaire sans qualification. La mesure nécessitera cependant  sur un effort conséquent de création de structures d’accueil et d’accompagnement (de type école de la 2ème chance, école de production, apprentissage, Epide….) et une mobilisation des crédits du  Plan Investissement Compétence (PIC) prévue par appel à projet lancés au premier trimestre 2019. Le renforcement de la garantie jeunes se limite à 100 000 places par an ce qui semble très insuffisant au regard des besoins. Au final, si la stratégie renforce significativement les moyens dédiés à la formation et à l’accompagnement des jeunes, elle reste éloignée de la demande des associations de l’ouverture d’un droit universel à la formation –accompagnement assorties de ressources (au niveau du RSA) pour tous les jeunes en difficulté.

La priorité donnée au retour à l’emploi accrédite l’idée défendue par beaucoup d’associations que personne n’est inemployable et qu’il faut mobiliser toutes les énergies pour lever les freins à l’emploi. La stratégie prévoit dans ce sens « la création d’une garantie d’activité combinant un accompagnement social renforcé et l’insertion dans l’emploi pour 300 000 allocataires du RSA par an ainsi que l’objectif de 100 000 salariés supplémentaires accueillis dans l’IAE. »

Le renforcement de l’accompagnement des allocataires du RSA, la création d’un service public de l’insertion- aux contours encore flous- vont dans ce sens avec une concertation qui démarrera en mars 2019. Vigilance cependant sur le renforcement annoncé des obligations des allocataires dans le cadre de la signature d’un contrat d’engagement réciproque avec les départements face à la volonté de quelques-uns d’engager des procédures de bénévolats ou d’activités obligatoires sanctionnés par la suspension du versement de l’allocation.

Les enjeux de la réforme de l’Insertion par l’Activité Economique

Le renforcement de l’IAE était également un signal très attendue par la Fédération même si cet effort est financé par le redéploiement des crédits des contrats aidés dont l’extinction semble malheureusement programmée au détriment des personnes concernées et des associations qui les emploient. Chaque année de déploiement de la stratégie verra ainsi le nombre de postes d’insertion augmenter de 5 000 équivalents temps plein. Ce sont ainsi, en cumulé, près de 100 000 personnes de plus qui auront eu un emploi d’insertion. A cet effort quantitatif sans précédent s’ajoute une nouvelle réforme de l’IAE pour 2019, autour de 7 thématiques comprenant « la simplification des processus et outils de pilotage, le renforcement des parcours et de l’accompagnement, le développement des territoires, l’évaluation des modèles économiques, la coopération et les passerelles avec les entreprises, la formation professionnelle et les entreprises apprenantes, l’innovation et les nouveaux modèles ». Avec les réseaux Coorace et Emmaüs France, la Fédération a publié une contribution à la réforme visant à remettre l’humain au cœur de l’outil d’insertion, en permettant à l’IAE de se recentrer sur les publics particulièrement éloignés de l’emploi et sortis des radars des services publics. L’aide modulable et ses critères ainsi que l’évaluation de l’action des SIAE doivent être retravaillées, au-delà des seules sorties positives afin de cibler les plus éloignés de l’emploi. Le taux d’absentéisme doit selon nous être intégré dans le calcul de l’aide au poste. Le rôle des Associations Intermédiaires (AI) à travers sa capacité d’accueil et d’orientation inconditionnel des personnes doit être conforté. Enfin la gouvernance locale de l’IAE doit être adaptée et plus interministérielle pour aider les projets les plus intensif en accompagnement social et sanitaire du fait des difficultés des publics a être financés. Nous devons également améliorer la qualité et la sécurisation des parcours d’insertion en réinterrogeant la durée dans le temps des parcours et des contrats. La réforme de l’IAE doit selon nous intégré les difficultés spécifiques des territoires, à travers notamment une aide supplémentaire en complément de l’aide au poste en fonction de la fragilité économique des territoires. Les réseaux pointent également la nécessité de renforcer le modèle économique des SIAE en ouvrant l’accès à des financements privés (mécénat) ou via la création d’une garantie publique d’emprunt par BPI France ou France Active. Le modèle économique des chantiers d’insertion, qui accompagne les publics les plus fragiles, devra être particulièrement protégé et leur cofinancement par les collectivités territoriales, trop souvent menacé aujourd’hui, être une priorité de l’Etat dans ses relations avec les départements et les régions.

La stratégie annonce aussi une enveloppe de 240 M€ issue du PIC pour améliorer la formation des salariés de l’IAE. L’Etat confirme également son soutien financier aux expérimentations « Territoires Zéro chômeurs », « TAPAJ », « Convergences », ainsi que « SEVE emploi », expérimentation portée par la Fédération visant à généraliser la formation des SIAE à la médiation active vers l’emploi. Ces expérimentations seront dotées de 70 M€ sur les 4 ans.

6 -La gouvernance territoriale de la stratégie 

Elle s’articule autour d’une contractualisation avec les départements sur les grands objectifs du plan et la création d’une conférence régionale organisée deux fois par an sous l’égide du préfet avec les collectivités locales, les associations et les personnes accompagnées avec 15 animateurs thématiques dans chaque région. Ces conférences ont démarré leurs travaux en fin d’année 2018. Un comité d’évaluation de la stratégie sera également constitué en associant les têtes de réseaux associatives. Cette gouvernance ambitionne d’impliquer fortement les territoires dans la mise en œuvre de la stratégie, et donc d’augmenter ces chances de réussite, par opposition avec le plan pauvreté précédent, souvent resté à un niveau national. La Fédération s’inscrira pleinement à l’échelon national et régional dans la mise en œuvre du plan et son évaluation- en lien avec ses adhérents et la participation des personnes accompagnées par le réseau- tout en continuant à décrypter les mesures et leur impact sur les personnes et familles en difficulté.


[1] Les parties en italique sont des extraits de la stratégie pauvreté et des documents de travail fournis par la délégation interministérielle.

[2] L’ACEPP, la Croix Rouge Française, la fédération des acteurs de la solidarité, la FEHAP, la FNAPE, la Mutualité Française, l’UNIOPSS.

[3] Constitué par le collectif Romeurope, la Fédération nationale des samusociaux, l’UNICEF, La voix des Roms, la Fédération des acteurs de la solidarité, la croix rouge française, Acina, le Secours Catholique-Caritas France, Médecins du Monde, Hors la rue, ATD quart monde – lien avec la note

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