Bien que plusieurs textes de loi l’aient placé au cœur de la procédure, le droit de l’enfant à être assisté par un avocat ne peut être considéré ex nihilo. Il s’ancre dans la Convention internationale des droits de l’enfant, dans laquelle tous les droits sont présentés comme égaux, interdépendants, indissociables. Cette possibilité fait partie du droit à la défense. L’envisager isolément revient à dénier d’autres droits, comme celui d’être représenté par la personne de son choix, de se représenter soi-même ou de demander au juge un rendez-vous seul à seul.
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En tant que professionnelle, je suis toujours surprise des situations où l’enfant exprime clairement ce qu’il veut, qu’il ait ou non l’âge dit « de discernement », et que l’on n’en tienne pas compte. Je ne peux oublier ce petit de 4 ans qui, un jour, nous a dit : « Si vous pouvez faire que mes parents soient morts ? » On ne porte pas suffisamment la parole des enfants. Or le retard pris en ne les écoutant pas peut entraîner des préjudices graves, comme celui d’entraver le développement sous prétexte de respecter les droits du parent.
L’intervention de l’avocat
Il existe donc des situations où la présence d’un avocat est impérative. A condition que celui-ci ait un entretien avec l’enfant avant l’audience, sans quoi cela ne constitue pas un accompagnement. Relayer la parole d’un jeune pour un professionnel n’est pas facile lorsque cela ne correspond pas à la position du juge, quand il y a conflit d’intérêts avec les parents ou la structure d’accueil. Dans ces cas, que l’avocat soutienne la parole de l’enfant par une argumentation juridique qui va manquer aux professionnels, ou fasse un recours contre une décision non conforme à son intérêt, mais que les services peinent à remettre en cause parce qu’ils considèrent cette attitude comme une déloyauté, est indispensable. Mais quand il n’y a pas de désaccord sur le projet, pourquoi ajouter une personne qui redira la même chose ?
Informer l’enfant de ses droits
Si la situation ne l’exige pas, l’enfant ne peut être contraint. Cela doit être discuté avec lui. Pour être choisie librement, l’assistance d’un avocat doit aller de pair avec un autre droit fondamental : être informé de ses droits et avoir une réflexion préalable. On ne peut pas se saisir de sa liberté de choix et la faire respecter sans la connaître. Malheureusement, beaucoup de professionnels ne sont pas formés à la culture des droits infantiles, si bien qu’ils ne sont pas en mesure de délivrer cette information. Une démarche qui fait pourtant partie de l’accompagnement éducatif, et qui constitue l’une de leurs responsabilités.
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Une fois informé, le choix de l’enfant sera peut-être de prendre un avocat, mais peut-être pas. En tant qu’ancienne enfant placée, si on m’avait imposé un avocat, j’aurais rué dans les brancards. Certains jeunes trouvent qu’ils ont déjà beaucoup d’interlocuteurs obligés, et qu’on les contraint en permanence à se raconter : ajouter un professionnel peut se révéler contre-productif en développant des résistances. Certains enfants choisiront de se faire épauler par un professionnel de proximité qui les connaît bien et en qui ils ont confiance. Et d’autres, comme cette enfant de 10 ans, préfèreront "parler par [leur] bouche".
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