La dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge des mineurs et jeunes majeurs fait partie des dossiers majeurs de la rentrée.
- L’instauration de normes d’encadrement
Les principales fédérations n'ont cessé de dénoncer depuis des mois l'absence de réglementation en la matière, et s'alarment de son impact sur la qualité de l'accueil des enfants confiés.
Ainsi, la Cnape, l’Anmecs et le GEPSo ont rédigé une proposition de loi sur l’instauration de taux et de normes d’encadrement. L’objectif est d’assurer aux enfants protégés « un environnement sûr et adapté » et de « redonner du sens et de l’attrait aux métiers de la protection de l’enfance ». Les trois associations ont lancé en parallèle une pétition en avril 2024, espérant que les parlementaires se saisissent de ce texte. La Cnape souligne dans ses 14 mesures d’urgence ce besoin de ratio minimum dans les pouponnières, les maisons d’enfants et les foyers, avec une majoration pour les « situations complexes » (enfants en situation de handicap par exemple).
Dans cette même optique, Isabelle Santiago, députée PS du Val-de-Marne et rapporteuse de la commission d’enquête parlementaire sur les manquements des politiques en protection de l'enfance (clôturée avec la dissolution le 9 juin dernier), a demandé au gouvernement d’instaurer un taux d’encadrement dans les pouponnières : un adulte pour trois enfants le jour et un adulte pour cinq enfants la nuit. C'est la visite d’une pouponnière dans le Puy-de-Dôme en mai 2024 qui a poussé l'élue à se saisir du problème.
Un taux d’encadrement est également demandé par la commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements.
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- Marginalisation des mineurs non accompagnés
En 2023, 19 370 mineurs non accompagnés (MNA) ont été confiés par décision judiciaire, contre 14 782 en 2022.
Plusieurs départements ont annoncé ces derniers mois suspendre la prise en charge de ces jeunes, arguant qu’ils n’en avaient pas les moyens. Nombre d'acteurs interrogés par la commission d’enquête déplorent le manque de régulation de l’Etat sur ces atteintes à la loi.
Le 14 mai 2024, 27 associations ont annoncé saisir le Conseil d’Etat pour atteintes aux droits des mineurs isolés. Face à cette fronde départementale, Emmanuel Macron a envisagé de passer la compétence de l’accueil des MNA du département à l’Etat, les excluant ainsi de la protection de l’enfance.
L’article 44 de la loi immigration, qui prévoit d’écarter de l’ASE les majeurs faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), a ajouté un pavé dans la mare. Unicef a ainsi préconisé, dans ses 12 recommandations « contre la dissolution des droits de l’enfants » publiées dans le contexte des législatives, de préserver les droits de l’enfant dans l’application de cette loi. Tout comme la Cnape, qui elle aussi a demandé de mettre « fin à toute possibilité de prise en charge dérogatoire des MNA, afin de garantir une inclusion inconditionnelle dans le dispositif de protection de l’enfance ».
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- Les défaillances concernant les jeunes majeurs
La commission d’enquête sur les dysfonctionnements en matière de protection de l'enfant pointe des défaillances concernant l’accompagnement « jeune majeur » des personnes sortant de l’ASE. Jusqu'à présent, les jeunes peuvent bénéficier des contrats jeune majeur jusqu’à 21 ans. Plusieurs acteurs exigent qu'ils se poursuivent au-delà.
Mais, même jusqu'à cet âge, cet accompagnement reste complexe à obtenir pour les sortant de l'ASE. D’après le collectif Cause majeur !, sur les 84 000 jeunes concernés, seuls 30 000 sont accompagnés. La Cnape, dans ses 14 mesures d’urgence, réclame la mise en place d’un « droit opposable à l’accompagnement vers l’âge adulte » pour garantir leur insertion.
Enfin, les professionnels du secteur fustigent une application des textes à géométrie variable selon les territoires. La Cnape énumère plusieurs demandes des acteurs auditionnés par la commission : harmonisation entre département, budget de 2 milliards d’euros pour « assurer un accompagnement complet ». Un arrêté du 7 juin 2024 fixe le montant du financement de l'Etat – 49,75 millions d’euros – pour le maintien de la prise en charge des jeunes majeurs par l'aide sociale à l'enfance par département. La fédération demande aussi à généraliser à tous les jeunes accompagnés par l’ASE, dès leurs 18 ans, le pécule déjà attribué à certains d’entre eux aujourd’hui. Une proposition de loi visant à garantir la sécurité alimentaire des 18 à 25 ans, déposée au Sénat le 8 mars 2024, propose de leur remettre chaque mois un chèque alimentation lorsque leurs ressources sont « inférieures à un plafond fixé par décret en Conseil d’Etat ». Une seule lecture à la Chambre haute a eu lieu pour le moment.
- La santé des enfants protégés
Alors que la santé des enfants protégés est dégradée par rapport à la population générale (voir le 16e rapport de l’ONPE au gouvernement et au Parlement, remis à la secrétaire d’Etat chargée de la protection de l’enfance en juillet 2022), la commission d’enquête en a fait une de ses priorités. Pour preuve : un groupe de travail thématique y est consacré.
Solution avancée : la généralisation des expérimentations « santé protégée » et de Pegase (Protocole de santé standardisé appliqué aux enfants bénéficiant avant l'âge de 5 ans d'une mesure de protection de l'enfance). La première a été annoncée lors du comité interministériel à l’enfance (CIE) du 20 novembre 2023, tandis que Pegase est autorisé par un arrêté du 30 juillet 2024.
La commission d’enquête fait remonter aussi le besoin de formation spécifique en pédiatrie sociale pour les infirmières en pratique avancée, les psychologues, les professionnels de santé en général ainsi que pour les éducateurs.
- Les enfants protégés en situation de handicap
D’après la Cnape, un quart des enfants protégés sont en situation de handicap. L'organisation réclame « le maillage de l’ensemble du territoire national de solutions d’accueil alliant le soin et l’éducatif dédiées aux enfants en situation de handicap et protégés ». Le sujet d’une coopération entre l’Etat et les départements pour accompagner ces enfants a été abordé en mai lors d’une rencontre du Cnaemo, de l’Anmecs et du GEPSo avec le cabinet du ministère de l’enfance, de la jeunesse et des familles.
- Mineurs et justice
Gabriel Attal voulait réformer dès la rentrée l’excuse de minorité, qui atténue les responsabilités des mineurs par rapport aux majeurs en cas de crimes ou de délits commis. La Cnape rappelle dans ses 14 mesures qu’il s’agit pourtant d’un principe fondateur de la justice pénale des mineurs et s’inquiète de cette « dérive sécuritaire de la justice pénale des mineurs ». Elle appelle à privilégier les mesures éducatives prévues dans la loi, ce qu’Unicef demande également. Lyes Louffok, ancien enfant confié et cofondateur du comité de vigilance des enfants placés, propose dans le cadre de la commission d’enquête sur la protection de l’enfance que chaque enfant placé sous la protection de l’ASE ait à ses côtés un avocat. Plus largement, les associations (Cnape, Unicef, Anmecs) réclament que les droits des enfants soient respectés.
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