Si l’origine sociale est la caractéristique influant le plus sur les destinées, qu’en est-il pour les enfants placés, éloignés de leurs parents ? En quoi leur parcours scolaire et leur insertion professionnelle diffèrent de l’ensemble des jeunes du même âge, voire des jeunes d’origine modeste ? C’est ce qu’éclaire France stratégie dans une note intitulée « Retisser les fils du destin : parcours des jeunes placés » et publiée le 10 septembre.
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Redoublements
Ainsi, les jeunes de l’aide sociale à l'enfance (ASE) nés en France – l’étude exclut les mineurs étrangers ayant effectué tout ou partie de leur scolarité dans d’autres systèmes éducatifs – se caractérisent par des taux de redoublement particulièrement élevés, de l’école primaire à la fin du collège. Résultat, seuls 43 % d’entre eux sont arrivés « à l’heure » en troisième, soulignent les auteurs. Une proportion nettement inférieure à celle de l’ensemble des jeunes (71,5 %), des jeunes issus de familles modestes (61,5 %) et très modestes (52,5 %).
Déscolarisation
Un enfant placé sur 4 a été déscolarisé au moins une fois pendant deux mois ou plus au cours de sa scolarité. Ils sont aussi beaucoup plus nombreux à avoir fréquenté une classe de l’enseignement spécialisé (28 % contre 4 % en population générale). A 17 ans, quasiment 20 % des jeunes placés nés en France ont des difficultés pour lire ou écrire le français.
Voie professionnelle
Conséquence des difficultés scolaires, les trajectoires de ces jeunes se distinguent par « une orientation précoce dans la voie professionnelle courte et par un faible accès à l’enseignement supérieur ». Un aiguillage massif qui résulte aussi du contexte institutionnel, contraignant les jeunes à être autonomes financièrement dès l’âge de 18 ans.
Ces parcours scolaires « très heurtés » s’expliquent par trois facteurs principaux :
- les situations de maltraitance, qui créent des difficultés psychiques, cognitives, émotionnelles et comportementales, et perturbent les apprentissages ;
- l’origine sociale souvent très défavorisée des familles biologiques qui pèse sur la scolarité avant le placement ;
- les situations de handicap beaucoup plus fréquentes que dans la population générale du même âge.
Si le placement restaure partiellement les chances de réussite scolaire et professionnelle, il n'améliore que peu les probabilités d’accéder à l’enseignement supérieur et d’obtenir un diplôme favorable à une ascension sociale.
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Ces facteurs peuvent néanmoins être compensés par le placement. Mais des nuances s’expriment selon l’âge au début du placement, la durée de ce dernier et surtout ses modalités.
- La famille d’accueil permet la plupart du temps d’accéder à un milieu social plus favorisé qui peut contribuer à améliorer la réussite scolaire des jeunes. Lorsqu’ils sont placés très tôt, « celle-ci peut devenir le cadre socialisateur principal et se substituer à la famille de naissance ».
- En établissement, les professionnels ont de manière générale des attentes « peu ambitieuses » à l’égard des enfants placés. Alors que la famille d’accueil a pour référence scolaire ses propres enfants, eux se réfèrent aux enfants de la structure. Tirées vers le haut dans le premier cas, les attentes concernant les enfants placés tendent au contraire à être nivelées par le bas dans le second cas, constate France stratégie.
Malgré ces obstacles, « le milieu scolaire n’offre pas toujours le soutien nécessaire », soulignent les auteurs. Les enseignants s’estiment insuffisamment formés et informés sur la protection de l’enfance. Et déplorent presque unanimement le manque de contact avec les services de l’ASE.
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Recommandations
France stratégie, estimant que le prolongement de l’accompagnement jusqu’à 21 ans (loi « Taquet ») devrait favoriser les chances d’ascension sociale de ces jeunes, formule trois propositions :
- faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement ;
- améliorer la coopération entre l’Education nationale et les services de l’ASE ;
- mettre en place un suivi statistique pérenne des jeunes placés, pour mieux apprécier les effets des politiques menées.