Fondée par Yohann Severe à Caen, et présente dans 14 villes en France, Gamelles Pleines est une Fédération qui lutte contre l’exclusion sociale des personnes en situation de précarité en les aidant à garder, nourrir et soigner leur animal de compagnie. Financée à 95 % par des fonds privés, Gamelles Pleines a déjà aidé quelque 2400 animaux et 1720 maîtres. La Fondation A. et P. Sommer suit avec attention les actions de cette structure depuis 2013, soutenant plusieurs C.H.R.S et C.A.A.R.U.D où les équipes de Yohann Severe interviennent. « Gamelles Pleines, c’est un peu « le SAV du chien », tant sur le plan de l’accès aux soins vétérinaires, que de la nutrition et du bien-être de l’animal, affirme Yohann Severe, pour qui le travail social est une immense chaine de solidarité. Même s’il s’agit plutôt de frappe chirurgicale que d’aide de masse, la motivation que nous essayons de transmettre à ces publics les aide à avancer. »
Résultat : tous les ans, une centaine de personnes parvient à se réinsérer totalement et la relation de confiance que l’association tisse avec elles permet de faire passer de précieux messages. Comme de les dissuader par exemple d’adopter d’autres animaux. « Dans la rue, un chien, c’est une béquille, deux, une difficulté, mais trois, c’est le déambulateur ! rappelle Yohann Severe. Je me souviens d’une jeune femme qui était dans cette situation, à Caen. Le jour où elle s’est stabilisée en structure d’hébergement, elle a eu de sérieux problèmes. N’étant plus 24 h sur 24 h avec leur maîtresse, les chiens ont cherché un nouvel alpha. Nous l’avons aidée à découdre la meute et à choisir celui qui allait être placé dans une famille... jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. »
Le précieux concours des vétérinaires bénévoles
La synergie entre vétérinaires bénévoles, travailleurs sociaux et propriétaires de chiens est un tiercé forcément gagnant. Si la vaccination contre la leptospirose, maladie transmise par l’urine de rat, est bien acceptée, la stérilisation, elle, reste souvent perçue comme une mutilation. « Elle est pourtant la seule manière d’éviter la prolifération des animaux, rappelle Estelle Prietz, coordinatrice à Vétérinaires pour Tous. Mais chez ces publics où la notion de famille est importante, elle n’est pas facilement adoptée. Les chiots d’une portée sont généralement offerts à l’entourage. » Lorsqu’elle reçoit ces « couples » au Bus Balto, Ana Alkan est toujours frappée de voir à quel point les permanences vétérinaires permettent de libérer la parole de manière informelle. « C’est sans doute parce que nous passons par l’animal sans entretenir de rapport frontal avec son maître, analyse-t-elle. Je me souviens d’un monsieur totalement mutique qui était venu à trois reprises au C.H.R.S la Maison de Rodolphe (Lyon). Lorsque, à l’issue de notre dernier rendez-vous, il a accepté de boire un café avec nous, les travailleurs sociaux n’en revenaient pas ! »
Les rendez-vous vétérinaires sont en effet l’occasion de faire le point sur l’état de santé du maître car on relève une nette corrélation entre le comportement de l’un et celui de l’autre. « Un chien qui aboie sans cesse, devient agressif ou ne bouge plus sont autant de signes qui doivent alerter sur l’état de santé de son propriétaire, » affirme Imed Jendoubi (C.H.R.S Carteret, Lyon), qui a noué un partenariat avec l’Ecole vétérinaire de Marcy-L’Etoile (Rhône).D’ailleurs, le travail autour du chien se limite rarement aux simples consultations. « Quand on fait venir un éducateur canin, on propose à l’éducateur spécialisé d’assister aux séances pour qu’il puisse échanger différemment avec la personne qu’il suit, raconte Théo Noguer, de Solivet. Bien souvent, les consultations vétérinaires servent de prétextes pour aborder sa santé. Faire vacciner son chien, c’est bien, mais le maître, lui, est-il à jour de ses vaccins ? »
Vétérinaires pour tous (V.P.T)
Créé en 1994, Vétérinaires pour tous (V.P.T) est un réseau de médecine solidaire visant l’accès aux soins préventifs pour les animaux des personnes démunies. Après plusieurs années en sommeil, l’association a été réamorcée début 2021 à la faveur du Plan de relance du Gouvernement France Relance (feuille de route pour la refondation économique, sociale et écologique du pays) dans le cadre de la lutte contre l’abandon.
« L’importance du lien Homme-animal a toujours fait partie de notre quotidien, explique Estelle Prietz, la coordinatrice de l’association. De tout temps, les vétérinaires ont accompli des gestes solidaires, comme d’accepter de ne pas facturer un acte, par exemple. En proposant un cadre, V.P.T joue un vrai rôle social et facilite les démarches, d’autant que le nombre de dossiers augmente, hélas ! Le volet C du Plan de relance concerne, entre autres, l’accès aux soins vétérinaires pour les personnes les plus démunies ne disposant d’aucune ressource pour soigner et stériliser leur animal. Nous avons développé la possibilité de leur proposer des soins gratuits. En lien avec les écoles vétérinaires, nous organisons ainsi des consultations dans les centres d’hébergement ou les foyers sociaux qui préparent la venue des SDF, établissent les plannings et fixent les rendez-vous. Si nos moyens ne nous permettent pas de pratiquer des actes chirurgicaux, nous pouvons néanmoins procéder à un examen général, poser une puce électronique, vacciner, prescrire un anti-parasitaire ou un antibiotique et prodiguer des soins courants. »
« Les publics fragiles, disposant de faibles ressources (RSA, ASS, Allocation personne âgée, allocation adulte handicapé, étudiants boursiers, apprentis majeurs) et identifiés comme tel par les mairies et leurs centres d’action sociale, ne paient qu’un tiers du coût, les 2/3 restants étant pris en charge par le dispositif Vétérinaires Pour Tous et le vétérinaire adhérent concerné, poursuit Estelle Prietz. La qualité de soins est la même que pour tout autre propriétaire de chien. En cas de prise en charge urgente, accident ou maladie par exemple, le vétérinaire procédera aux soins urgents avant d’établir un devis. »
Au départ, le dispositif du Plan de relance prévoyait le financement d’unités mobiles de soins vétérinaires solidaires uniquement dans les quatre régions accueillant une école nationale vétérinaire — Ile-de-France (Paris), Occitanie (Toulouse), Pays de Loire (Nantes) et Auvergne-Rhône Alpes (Lyon). Le but : s’appuyer sur la participation et la mobilisation des étudiants, en lien avec les structures d’aide sociale et certaines associations. Il est à présent étendu à l’ensemble du territoire. Et depuis septembre 2022, les personnes sans ressource peuvent également se rendre dans les cliniques adhérentes où elles bénéficieront de soins gratuits.
« Il est essentiel que chacun joue son rôle, conclut Estelle Prietz. Si le dispositif V.P.T fonctionne, c’est uniquement grâce à l’argent débloqué par les collectivités territoriales, mais aussi les travailleurs sociaux qui accueillent les SDF dans les structures, les associations comme Gamelles Pleines qui ont une connaissance du public via leurs animaux et nous, vétérinaires, qui intervenons pour dispenser les soins et faire en sorte que l’animal et le maître se portent bien. Car la relation qui les unit est primordiale. Elle favorise un équilibre et permet de garder un lien avec la société. »