S’il reste encore beaucoup à faire pour que les binômes du macadam puissent être accueillis comme il se doit, sans être séparés, il faut souligner l’extraordinaire implication d’acteurs solidaires motivés dont l’engagement permet de leur proposer des dispositifs de réinsertion efficaces. Focus sur quelques initiatives inspirantes :
La maison de Rodolphe
Conscient que l’accueil et l’accompagnement des personnes sans-abri propriétaires d’animaux étaient insuffisamment considérés dans la chaîne de solidarité actuelle, le célèbre industriel Alain Mérieux a en effet décidé d’agir à travers deux projets distincts : la Maison de Rodolphe, qui propose des solutions d’hébergements transitoires ou temporaires aux maîtres à la rue avec chiens (deux maximum par personne), et le Bus Balto, projet innovant de camion de médecine vétérinaire solidaire qui n’est pas sans rappeler le Busabri, un autobus parisien imaginé par Les Enfants du Canal pour permettre aux personnes à la rue de venir se (re)poser en toute sécurité et que la Fondation A. et P. Sommer avait soutenu en 2009.
▸ Présenter la carte d’identification de l’animal à l’entrée dans l’ établissement (la loi exige que le chien soit identifié par une puce électronique s’il est âgé de plus de 4 mois).
▸ Respecter les obligations de réglementation liées aux chiens de catégories
▸ Nettoyer le chenil / la chambre
▸ S’occuper de son animal (le sortir, le nourrir, veiller à sa bonne santé)
▸ Le calmer s’il aboie
▸ Ramasser ses déjections à l’intérieur de la structure et sur le chemin qui y mène
▸ Le tenir en laisse à l’intérieur de la structure quand il croise d’autres usagers et lui mettre la muselière si besoin.
Créé en 2010 dans un quartier populaire du 8ème arrondissement de Lyon, La Maison de Rodolphe est un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (C.H.R.S.) Urgence et Insertion où les familles et hommes isolés en détresse accompagnés de chien(s) sont invités à se reconstruire. Si le centre a vu le jour en moins de six mois, un temps record, c’est grâce à l’impulsion de l’industriel Alain Mérieux. Son souhait était clair : que les « Passagers » avec animaux soient accueillis dans un nouveau mode d’hébergement fonctionnel, esthétique, modulable, soucieux de l’environnement et reproductible dans d’autres villes. L’architecte Jean-Loup Patriarche (Agence Patriarche & Co) a relevé le défi. Résultat : La Maison de Rodolphe est devenue un exemple d’architecture industrialisée en bois, avec des bâtiments adaptables, tant pour l’accueil que l’hébergement, les services d’accompagnement ou les lieux de vie. Composés de caissons tridimensionnels de 15 m2 qui viennent se glisser et se connecter aux réseaux pré-disposés, ces modules peuvent également être reliés les uns aux autres de manière à augmenter la surface d’habitation.
Gérée par le Foyer Notre-Dame des Sans Abri ((1)), La Maison de Rodolphe compte actuellement dix propriétaires de chiens sur l’ensemble des 96 personnes accueillies. Disposant d’une chambres de 10 m2, ceux-ci bénéficient gratuitement de la visite bi-mensuelle de vétérinaires et d’une ostéopathe une fois tous les trois mois, pour leurs chiens. Parmi les projets souhaités par Alain Mérieux figurent l’augmentation de la capacité d’accueil de ces binômes à l’horizon 2024/2025, ainsi que la réalisation d’un chenil et la mise en place de nouveaux partenariats.
Le bus Balto
Lors de la course au sérum de 1925 en Alaska, un anti-diphtérique avait dû être transporté d’Anchorage à Nome par chemins de fer, puis par traîneaux à chiens afin de combattre la grave épidémie qui sévissait alors sur le territoire. Balto (1919-1933), le chien de tête du dernier attelage entré dans la ville, laissa son nom à la postérité. De la même façon que ce husky sibérien fut le symbole du lien entre l’Homme et l’animal, le Bus Balto relie les publics isolés.
Créé par Alain Mérieux en lien avec l’Ecole nationale vétérinaire de Lyon (VetAgro Sup), à Marcy-l’Etoile (Rhône) et avec le soutien de l’Entreprise des Possibles ((2)), le Bus Balto a été inauguré le 23 mars 2022 sur le site du campus de l’Ecole. Premier véhicule ambulant destiné à prodiguer des soins vétérinaires (vaccination, vermifugation, prises de sang...) en France, il s’adresse aux animaux des personnes sans abri et organise des maraudes en lien avec d’autres associations comme Gamelles Pleines. Faciliter l’accès à des soins de qualité et restaurer un lien social, tels sont les deux objectifs de ce dispositif dont la conception a été supervisée par un spécialiste de l’ambulance, avec l’implication d’Ana Alkan, fondatrice du projet, et le Pr Jeanne-Marie Bonnet, directrice générale adjointe de Vet Agro Sup en charge du campus vétérinaire :
« L’initiative Balto puise ses racines dans le Dispensaire Vétérinaire Etudiant de Lyon (DVEL), une association créée en 2008 et gérée par les étudiants vétérinaires lyonnais grâce à laquelle nous nous rendions déjà dans les structures sociales (C.H.R.S, accueils de jour, etc) hébergeant des SDF pour assurer des permanences, précise le Pr Bonnet. Il nous a semblé primordial de proposer un autre dispositif, dans la proximité immédiate des centres d’hébergements. Avec le Bus Balto, nous sommes liés par une convention de partenariat, à l’instar de celle qui nous lie à la Maison de Rodolphe où nous intervenons une fois par mois. C’est le concept « One Health » (« une seule santé ») : la prise en charge de l’animal, véritable médiateur, est une prise en charge humaine. Précisons que si nos étudiants ont ainsi l’autorisation de se rendre plusieurs fois par semaine dans les foyers avec ce bus itinérant, c’est uniquement parce que nous agissons dans le cadre d’un exercice d’enseignement. »
L’esi clos feuquières (Paris XVème)
A Paris, où les maîtres/animaux trouvent peu ou pas de réponse pérenne, l’ESI Clos Feuquières leur ouvre ses portes 7/7, 365 jours par an. « Sur les 100 à 150 personnes accueillies quotidiennement, nous voyons passer entre 5 et 6 maîtres/animaux — les orientations s’effectuant via les maraudes du Samu Social, de l’association Aurores, de la Croix Rouge ou des Enfants du Canal, précise Sophie Louis, responsable de l’ESI Clos Feuquières (Paris XVème). Ici, la mise à disposition des trois chenils est tout aussi importante que la possibilité de prendre une douche ou un petit-déjeuner. Quand nous avons monté le projet en 2021 avec mon directeur, cela nous a semblé une évidence, compte tenu de notre intérêt commun pour les animaux. Une fois que le maître a pénétré dans la structure, et qu’il a mis son chien au chenil, c’est à lui de le gérer. Si l’animal fait ses besoins sur le sol — fait exceptionnel —, il doit nettoyer. Le chien nous sert souvent de technique d’approche pour discuter avec le maître. Des séances de médiation animale apporteraient un vrai plus. Le jardin en friche suspendu, qui occupe actuellement le toit de notre centre, serait le lieu idéal pour les organiser. Le projet est à l’étude... »
▸ L’accueil proposé doit être conforme à la réglementation sanitaire du département dont dépend la structure. Celle-ci doit prévenir les risques inhérents aux nuisances olfactives et sonores.
(1)
Créé à Lyon en 1950 par Gabriel Rosset, le Foyer Notre-Dame des Sans Abri est une association reconnue d’utilité publique qui intervient dans la Métropole de Lyon et le département du Rhône. En 2021, 7 920 personnes ont été aidées dans les 39 structures du Foyer.
(2)
Créé début 2009 par Alain Mérieux, L’Entreprise des Possibles est un collectif d’entreprises issues de la métropole lyonnaise. Objectif : mobiliser des ressources humaines, financières et immobilières afin d’amplifier l’action des associations en faveur des sans-abri lyonnais et leur venir en aide avec des solutions concrètes.