Pour exercer leurs compétences, les départements disposent d’une liberté pour mettre en place, organiser leurs services, les articuler entre eux, avec d’autres structures, autorités et instances. La dénomination même des services peut être différente d’un département à l’autre. À cela s’ajoute une dimension politique, qui se reflète dans les choix d’organisation, d’engagements des moyens humains et financiers.
Cette liberté est toutefois encadrée par les textes : certaines obligations légales s’imposent au département, qui doit donc en tenir compte pour déterminer l’organisation des services. Ainsi :
- le département a à sa charge les prestations d’aide sociale (CASF, art. L. 121-1) et il participe, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles (CASF, art. L. 121-2) ;
- le département est tenu d’organiser, de faire fonctionner un service départemental d’action sociale (CASF, art. L. 123-2), un service d’aide sociale à l’enfance (CASF, art. L. 221-1 et S.) et un service de protection maternelle et infantile (CSP, art. L. 2112-1).
En plus de ces trois services (Action sociale, ASE, PMI), le département se voit également confier par la loi d’autres compétences (comme la prévention spécialisée ou le logement inclusif ou bien encore des mesures d’accompagnement social personnalisé). Cet ensemble nécessite des articulations entre niveau local/État ainsi qu’entre autorités administratives judiciaires et ce, tout en prenant en considération l’ancrage territorial (voir Chapitre 2).
De manière générale, les départements s’organisent avec des « Pôles » ou « Directions générales », composés eux - mêmes de plusieurs directions. Les responsabilités, obligations et charges qui leur incombent et relevant du champ social, action sociale et médico - sociale sont en principe rattachés au « Pôle solidarités » ou « Direction générale des solidarités ».
A l’intérieur de ce Pôle (ou Direction), plusieurs directions peuvent être identifiés, étant précisé que les organigrammes qui varient (dans les dénominations) sont mis en ligne sur le site des départements.
À titre indicatif : un Pôle solidarité (ou Direction des solidarités) peut être composé :
- d’une Direction santé,
- d’une Direction enfance et famille comprenant des services résultant d’obligations légales, comme ASE, PMI ; c’est dans ce cadre que des équipes pluridisciplinaires sont notamment constituées pour procéder à des évaluations de situation préoccupante, sans être pour autant décisionnaires au regard des financements ; certains départements dédient également un service à l’adoption ;
- d’une Direction Insertion
- d’une Direction Autonomie comprenant un service prestation (personnes âgées, handicapées), un service établissements, services.
Est en outre obligatoirement mise en place, par chaque département, la Maison départementale pour les personnes handicapées, créée sous la forme d’un Groupement d’Intérêt Public (voir Parcours d’une personne en situation de handicap).
Et, par ailleurs, pour assumer pleinement sa mission de coordination et d’animation de l’action sociale, le département doit mettre en place un maillage territorial. Il peut prendre la forme, selon le département, « territoires d’action sociale départementale », d’ « Unités territoriales d’action sociale » ou de « Maisons départementales de la solidarité », en prévoyant un accueil de proximité et physique.
Le choix de l’échelle du territoire est important : il peut être guidé tout à la fois par une recherche de proximité (du point de vue de l’usager ou des acteurs concernés), une volonté de rationalisation (du point de vue de la collectivité territoriale). Et il est tout aussi important de prendre en compte le point de vue des professionnels (assistant social de secteur, équipe de PMI, etc...), qui exercent dans ce lieu et ce, afin de préserver un temps d’échange entre eux. Deux principaux écueils sont, de ce point de vue, à éviter :
- lorsque l’échelle du territoire est très réduite le professionnel aura plus de déplacement, de lieu en lieu, ce temps étant un temps en moins pour échanger sur place ;
- plus l’échelle du territoire est réduite, moins les compétences rassemblées sur le lieu sont variées.
ILLUSTRATIONS PAR PARCOURS
Au croisement des politiques publiques (action sociale, éducation, santé, justice...) et des trajectoires personnelles, la notion de parcours est de plus en plus convoquée pour prévenir, prendre en compte les risques de rupture et protéger. En tout état de cause, elle appelle à une nécessaire coordination dans un cadre territorial et partenarial, qui peut s’avérer complexe à décrypter pour l’usager ou le travailleur social puisqu’elle engage une multitude d’acteurs, de services, ayant des organisations et des pratiques différentes. Lesquels ne sont pas nécessairement enclins à travailler ensemble. À cela s’ajoute une dimension politique dans les collectivités territoriales.
« Un parcours est défini par trois paramètres (Lucie Hourcade, Aurélien Place dans Informations sociales n° 201, « Parcours de vie et intervention sociale », 2020) :
▸ Un événement de vie qui est le point d’entrée dans une situation (naissance, séparation, décès...) ;
▸ Des situations de vie qui ouvrent droit à une prise en charge et à des offres spécifiques (monoparentalité, handicap...) ;
▸ Des profils d’usagers qui impliquent des vecteurs d’information et des modes de contact adaptés (difficultés dans l’utilisation des services numériques, rapport à l’administration, personne en situation de handicap ».
Appliquée dans le domaine de l’action sociale et de l’aide sociale, la logique de parcours conduit à repérer des situations, événements, qui peuvent nécessiter un accompagnement et/ou une protection. A travers des situations, des interventions du département sont explicitées dans les développements qui suivent, pour comprendre les circuits, souligner les interactions, dans le parcours d’accompagnement, de prise en charge, de traitement et de suivi s’agissant :
- d’un enfant de moins de 3 ans ;
- d’un enfant, pris en charge par l’ASE : du signalement à la sortie du dispositif ;
- d’une procédure d’adoption suivant un délaissement parental ;
- d’une personne en situation de handicap ;
- d’une personne âgée en perte d’autonomie.
L’INTERVENTION DU DÉPARTEMENT DANS LE PARCOURS D’UN ENFANT DE MOINS DE 3 ANS
L’âge de trois ans peut être retenu au regard de plusieurs considérations :
▸ dans une optique liée au développement cognitif, psychologique : afin de prévoir des interventions précoces, le Rapport Cyrulnik a mis en exergue le concept de « 1000 premiers jours », correspondant à une période sensible pour le développement, contenant les prémices de la santé et du bien-être. Dans ce rapport, la période des « 1000 premiers jours » est comprise comme « s’entendant de quatrième mois de grossesse aux deux enfants de l’enfant ; parfois, lorsque les problématiques le justifient, l’expression est utilisée pour couvrir une période plus large s’étendant de la période pré-conceptionnelle jusqu’à l’âge de trois ans ».
Plus d’informations dans le numéro juridique et social ASH, « Parentalité(s). Prévention-Accompagnement-Contrôle-Protection », juill. 2022.
▸ dans l’optique juridique, en lien avec les responsabilités incombant au département dans les domaines de l’aide et de l’action sociale : mise en place de services, financement, responsabilité.
Les développements qui suivent visent à mettre en lumière les dispositifs juridiques plus spécifiques à cet âge et les articulations entre différents acteurs dans le domaine de l’action sociale-médico-sociale, protection de l’enfance.
A. Les missions du département
Le département a un rôle important, à travers l’obligation légale qui lui est faite de faire fonctionner un service de protection maternelle et infantile lequel a vu encore récemment renforcé son rôle d’acteur pivot en matière de santé publique. La dénomination est protection et de promotion de la santé maternelle et infantile ; en pratique, il est encore fait référence à la PMI) (CSP, art. L. 2111-1 et S., art. L. 2112-1 et S., art. D. 2111-2 ; L. n° 2022-140, 7 févr. 2022, art. 32 à 34, JO, 8 févr. ; D. n° 2022-716, 27 avr. 2022).
Ces missions sont importantes : elles précédent la scolarisation et permettent donc de repérer des situations, d’accompagner, à un moment où il n’y a pas de relais en vie scolaire (médecine scolaire). Les actions d’accompagnement psychologique et social dévolues à la PMI comprennent notamment des actions de « soutien à la parentalité, pour les femmes enceintes et les jeunes parents, particulièrement les plus démunis » (CSP., art. L. 2111-1, II 2°).
Selon les travaux parlementaires, « cette modification vise à inciter les services de PMI à offrir des accompagnements socio-psychologiques aux jeunes parents ainsi qu’à repérer les signes de fragilité familiale, de favoriser l’établissement d’un lien d’attachement durable chez l’enfant ou de conseiller les parents sur le développement physique, socio-émotionnel et cognitif de l’enfant » (Rapp. Sénat n° 74, 20 oct. 2021).
Ces activités au sein de la PMI sont menées en liaison avec le service départemental d’action sociale et le service départemental de l’aide sociale à l’enfance. Il apparait donc clairement que d’autres services et acteurs interviennent.
Une fois énoncées la responsabilité et l’autorité du président du conseil départemental, force est de constater que les compétences sont liées, s’agissant de certains enfants dont la situation nécessite les interventions de l’État ou d’autres autorités, notamment judiciaires (cas d’ASE, voir aussi p ? L’intervention d’un département dans un parcours en protection de l’enfance).
Toujours dans le domaine de la toute petite enfance, la question de l’offre collective d’accueil des enfants mobilise d’autres collectivités territoriales, dont la commune ou d’autres organismes (comme les caisses d’allocations familiales), même si le président du conseil département a une compétence concernant l’autorisation, la surveillance des lieux d’accueil ou bien l’agrément des personnes assistantes maternelles (voir chapitre 2 ; CSP art. L. 2324-1 et S.).
B. Structures d’accompagnement, d’accueil, prise en charge particulières
Centre parental
Peuvent être pris en charge dans un centre parental, au titre de la protection de l’enfance, les enfants de moins de trois ans accompagnés de leurs deux parents quand ceux-ci ont besoin d’un soutien éducatif dans l’exercice de leur fonction parentale. Peuvent également être accueillis, dans les mêmes conditions, les deux futurs parents pour préparer la naissance de l’enfant (CASF, art. L. 222-5-3).
Les pouponnières
Les pouponnières ont pour objet de garder jour et nuit les enfants de moins de trois ans accomplis qui ne peuvent ni rester au sein de leur famille ni bénéficier d’un placement familial surveillé. Dans ce cadre, doit être considérée comme pouponnière toute réunion chez une même personne de plus de trois enfants de moins de trois ans étrangers à la famille (CSP, art. R. 2324-1).
Il existe des pouponnières sociales ayant pour objet de suppléer les parents en difficulté (par exemple à l’aide sociale à l’enfance) et des pouponnières sanitaires recevant des enfants dont l’état nécessite une prise en charge thérapeutique (par exemple : prématurés, enfants déficients, encéphalopathies...). Compte tenu de leur finalité, ces dernières font l’objet de dispositions spécifiques et ne sont pas soumises à certaines règles visant les établissements et les services d’accueil non permanent de jeunes enfants (C. santé publ., art. R. 2324-1 à R. 2324-9 et R. 2324-16). Les pouponnières à caractère social et les pouponnières à caractère sanitaire peuvent être réunies dans un même établissement à condition que celui-ci comprenne deux services distincts.
Les pouponnières à caractère social relèvent de la législation sur les établissements et services sociaux et médico-sociaux. Les frais sont pris en charge par la sécurité sociale pour les pouponnières sanitaires et par les parents et l’aide sociale à l’enfance pour les pouponnières sociales.
Rôle de l’État et du département : les femmes enceintes et mères isolées
Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental les femmes enceintes et les mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu’elles sont sans domicile. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les établissements ou services qui accueillent ces femmes organisent des dispositifs visant à préserver ou à restaurer des relations avec le père de l’enfant, lorsque celles-ci sont conformes à l’intérêt de celui-ci (CASF, art. L. 222-5). Il est explicitement mentionné dans ce code que le département doit disposer de structures d’accueil pour les femmes enceintes et les mères avec leurs enfants (CASF, art. L. 221-2).
Des recours contentieux ont été conduits, visant l’article L. 222-5 du CASF : l’ajout de « sans domicile » a été contesté devant le Conseil d’État, en vue d’une saisine du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité. En l’espèce, le département invoquait la création d’une charge nouvelle, qui, dans le cadre d’un transfert de compétences de l’État vers les départements, impliquerait une compensation financière sur le fondement de l’article 72 de la Constitution (voir Chapitre 3). Le Conseil d’État a refusé de transmettre la question, considérant qu’il s’agit d’une précision législative et non d’une création ou d’une extension de compétences (Conseil d’État, 1re - 6e SSR, 21 mars 2016, 395528).
Un autre arrêt du Conseil d’État illustre la responsabilité du département. Les enjeux de l’affaire qui lui a été soumise concernent la répartition des compétences entre État et département. En effet, sont, en principe, à la charge de l’État les mesures d’aide sociale relatives à l’hébergement des personnes qui connaissent de graves difficultés notamment économiques ou de logement, ainsi que l’hébergement d’urgence (CASF, art. L. 121-7, L. 345-1, L. 345-2, et L. 345-2-2) : centres d’hébergement et de réinsertion sociale publics ou privés, dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse et service intégré d’accueil et d’orientation, hébergement d’urgence.
En l’espèce, un président de Conseil départemental a demandé à ses services d’orienter systématiquement vers le service intégré d’accueil et d’orientation (115), toute demande d’hébergement d’urgence et d’évaluer la situation des femmes isolées, enceintes ou accompagnées d’enfants âgés de moins de trois ans « dans le seul cadre d’une information préoccupante ». Le Conseil d’État annule cette instruction en rappelant que « l’hébergement d’urgence des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans qui ont besoin d’un soutien matériel et psychologique, notamment parce qu’elles sont sans domicile, incombe au département dans le cadre de sa mission d’aide sociale à l’enfance ». Cette compétence ne peut être conditionnée à l’existence d’une problématique éducative ou d’une information préoccupante et s’étend à l’ensemble des mères isolées avec enfants de moins de trois ans sans domicile.
Selon le Conseil d’État, l’intervention de l’État ne revêt qu’un caractère supplétif dans l’hypothèse où le département n’aurait pas accompli les diligences nécessaires et la responsabilité du département peut être recherchée en cas de carence avérée et prolongée (CE, 26 avr. 2018, n° 407989).
Prise en charge par l’aide sociale à l’enfance : actualisation du projet pour l’enfant
Lorsqu’un enfant est pris en charge par l’aide sociale à l’enfance, un rapport de situation de l’enfant est élaboré : il pour objectif d’apprécier la situation de l’enfant au regard de ses besoins fondamentaux sur les plans physique, psychique, affectif, intellectuel et social et de s’assurer de son bon développement, de son bien-être. Il permet d’actualiser le projet pour l’enfant et de s’assurer notamment que ce projet répond bien aux besoins de l’enfant et à leur évolution. Le rapport permet aussi de s’assurer de l’adaptation à la situation de l’enfant de la prestation d’aide sociale à l’enfance ou du bon accomplissement des objectifs fixés par la décision judiciaire (voir Parcours d’un enfant pris en charge par l’ASE p ?).
Pour les enfants âgés de moins de deux ans, il est élaboré au moins tous les six mois (au lieu d’un an) (CASF, art. R. 223-18).
L’INTERVENTION D’UN DÉPARTEMENT DANS UN PARCOURS EN PROTECTION DE L’ENFANCE
ENTRÉE DANS LE DISPOSITIF APRÈS SIGNALEMENT, PRISE EN CHARGE ET SORTIE DE L’ASE
Le département a l’obligation légale de mettre en place un service d’aide sociale à l’enfance (CASF, art. L. 221-1 et S.). La décentralisation de l’ASE induit des relations entre le président du conseil départemental et l’autorité judiciaire, mais aussi une nécessaire articulation entre les politiques menées à l’échelon local et national.
La protection de l’enfance repose sur une dualité de compétences administratives et judiciaires. L’articulation des compétences entre les autorités administratives, chargées de la prévention des situations à « risques » au titre de l’aide sociale, et les autorités judiciaires, assurant la protection des enfants en danger nécessite une coordination.
Pour la continuité et cohérence d’ensemble du dispositif ASE, le président du conseil départemental a un rôle déterminant (CASF, art. L. 221-4). Il doit organiser, sans préjudice des prérogatives judiciaires, entre les services du département et les services chargés de l’exécution de la mesure, les modalités de coordination en amont en cours et en fin de mesure et ce, depuis le signalement, en tenant compte des formes de prises en charge et jusqu’à la fin de la mesure.
Le financement est à la charge du département (CASF, art. L. 228-3 à L. 228-5). A l’exception de dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d’entretien, d’éducation et de conduite de chaque mineur.
À noter :
La psychiatrie infanto juvénile et le service de santé scolaire, qui constituent aussi un levier important dans la protection, sont du ressort de l’Etat.
Le déroulement du parcours exposé ci-dessous a pour but d’indiquer les étapes dans les grandes lignes, d’identifier les acteurs qui interagissent après un signalement.