A. Objectif à valeur constitutionnelle
L’article 72-2 dispose, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales ».
Les inégalités de répartition des bases fiscales comme des charges auxquelles font face les collectivités sont importantes. Ces inégalités sont souvent le fait de l’histoire et de phénomènes indépendants des choix effectués par les collectivités territoriales. La finalité de la péréquation est donc d’atténuer les disparités de ressources et de charges entre les collectivités territoriales par une redistribution des ressources en fonction d’indicateurs physiques et financiers.
B. Péréquation verticale
Elle est mise en œuvre par les dotations de l’État aux collectivités territoriales. La péréquation verticale consiste pour l’État à répartir équitablement les dotations qu’il verse aux collectivités territoriales. Elle passe par une hausse de la part de la dotation globale de fonctionnement (DGF) consacrée à la péréquation, une hausse de la dotation de solidarité urbaine et de la cohésion sociale ainsi que de la dotation de solidarité rurale (CGCT, art. L. 2333-15 et S., L. 23334-20 et S.).
C. Péréquation horizontale
Ce mécanisme consiste à prélever une fraction des ressources fiscales de certaines collectivités pour la reverser à des collectivités moins favorisées.
D. Différents fonds
Plusieurs fonds ont été mis en place, supprimés et remplacés au gré des réformes fiscales. Parmi les évolutions récentes :
la Loi de Finances pour 2020 a créé le fonds national de péréquation des DMTO, fruit de la fusion de trois fonds de péréquation : le fonds national de péréquation des DMTO, le fonds de solidarité des départements (FSD), et le fonds de soutien interdépartemental (FSID).
▸ la Loi de Finances pour 2022 a créé un fonds de solidarité régional en remplacement du fonds national de péréquation des ressources régionales (FPRR), afin de tenir compte de l’impact du remplacement de leur cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE) par une fraction de TVA depuis 2021, et de l’intégration dans cette fraction de TVA des montants perçus en 2020 au titre du FPRR et du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).
▸ la Loi de Finances pour 2023 a supprimé le fonds national de péréquation de la CVAE perçue par les départements, lequel est compensée via l’affectation d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à un fonds national d’attractivité économique des territoires (L. n° 2022-.1726, 30 déc. 2022, art. 55 ; D. n° 2023-364, 13 mai 2023).
Dotations de l’État et emprunt
Ne sont pas considérées comme des ressources propres les dotations ou subventions de l’État, les ressources déléguées par l’État, les ressources liées à une compétence expérimentale, les emprunts.
Rappelons que la notion de ressources propres entre en considération pour l’appréciation de l’autonomie financière (voir supra).
Dotation globale de fonctionnement
▸ elle comporte 12 dotations (4 pour les communes, 2 pour les EPCI, 4 pour les départements et 2 pour les régions) qui se déclinent elles-mêmes en plusieurs parts ou fractions. Pour chaque catégorie de collectivité, on peut la diviser en deux parts :
- la part forfaitaire qui correspond à un tronc commun perçu par toutes les collectivités bénéficiaires,
- la part péréquation dont les composantes sont reversées aux collectivités les plus défavorisées.
Nombreuses informations dont un guide pratique de la Direction Générale des collectivités locales : « La dotation globale de fonctionnement » (mars 2023), sur le site : voir site https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/presentation-de-la-dotation-globale-de-fonctionnement-dgf, de
Dotation globale d’équipement.
Il s’agit principalement de la dotation d’équipement aux territoires ruraux : voir site https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/dotation-dequipement-des-territoires-ruraux-detr
Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA)
L’attribution de ces ressources visent à compenser la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par les collectivités territoriales et leurs groupements sur leurs dépenses d’investissement ainsi que sur leurs dépenses (CGCT, art. L. 1615-1 et S.)
Emprunt
Un dispositif encadre les conditions d’emprunt des collectivités territoriales afin d’éviter les souscriptions à risques (CGCT, art. L. 1611-3-1). Les collectivités territoriales, leurs groupements et les services départementaux et territoriaux d’incendie et de secours peuvent souscrire des emprunts auprès des établissements de crédit ou des sociétés de financement dans les limites et sous les réserves suivantes :
▸ L’emprunt est libellé en euros ou en devises étrangères. Dans ce dernier cas, afin d’assurer une couverture intégrale du risque de change, un contrat d’échange de devises contre euros doit être conclu lors de la souscription de l’emprunt pour le montant total et la durée totale de l’emprunt ;
▸ Le taux d’intérêt peut être fixe ou variable. Un décret en Conseil d’État détermine les indices et les écarts d’indices autorisés pour les clauses d’indexation des taux d’intérêt variables ;
▸ La formule d’indexation des taux variables doit répondre à des critères de simplicité ou de prévisibilité des charges financières pour l’emprunteur.
En outre, un fonds de soutien destiné à apporter une aide aux collectivités ayant contracté des emprunts structurés à risques a été créé. Sa gestion a été transférée à la DGFPI, depuis 2017 : voir site https://www.collectivites-locales.gouv.fr/finances-locales/fonds-de-soutien-aux-emprunts-risque
À lire :
« La sortie des emprunts à risque des collectivités locales : un exercice mené à bien mais un coût élevé pour les finances publiques », Cour des comptes, dans Rapport public annuel, févr. 2018.
Note :
l’Observatoire national du développement et de l’action sociale a publié une enquête effectuée auprès de 49 départements portant sur les dépenses de 2022 (Dépenses sociales et médico-sociales des départements 2022 », juin 2023)., la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a, quant à elle, comptabilisé dans une enquête nationale, toutes les dépenses d’aide sociale départementales effectivement engagées en 2021. Ces dépenses nettes auront augmenté de 1,1 % pour culminer à 40,9 milliards d’euros – tandis que la méthodologie de l’Odas parvenait à une estimation de 40,4 Md€. Cette « légère hausse » de 2021 aura été « portée par les dépenses d’aide sociale aux personnes handicapées et d’aide sociale à l’enfance, quand celles liées aux RSA, revenu de solidarité Outre-Mer (RSO) et aux aides sociales aux personnes âgées » auront été « quasiment stables », commente la Drees.
Toujours selon la Cour des comptes, les mécanismes historiques de financement de ces aides sont « inadaptés à leurs dynamiques » : en effet, « l’augmentation des dépenses a été nettement plus rapide que celles des ressources historiquement destinées à financer ces dispositifs.
La dynamique des AIS est liée à leur montée en charge, en lien avec l’évolution de paramètres démographiques (APA, PCH), ou selon la Cour des comptes résulte d’un « effet de persistance important, avec le maintien dans le dispositif sur des périodes longues d’une part significative de bénéficiaires » (cas du RSA).
LE POINT DE VUE DE LA COUR DES COMPTES SUR LES AIDES INDIVIDUELLES DE SOLIDARITÉ : VERS UNE RÉFORME ?
Dans son rapport (précité, mars 2023) la Cour des comptes rappelle que le financement de la décentralisation du RMI puis du RSA repose historiquement sur l’affectation d’une fraction de taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPCE) et que des mécanismes de « péréquation » ont été intégrés. Mais, il souligne (p. 300 et s) que les dépenses sociales des départements ont progressé de manière continue et soutenue, notamment du fait de la dynamique des allocations individuelles de solidarité (AIS) qui en représentent plus de la moitié. L’augmentation des dépenses a été nettement plus rapide que celle des ressources historiquement destinées à financer ces dispositifs.
La Cour avance la nécessité d’une réforme (RSA, PCH, APA) et d’autant plus que la Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est amenée à se tarir avec la transition énergétique (p. 306) ; par ailleurs la question épineuse de la baisse des Droits de Mutation à Titre Onéreux se pose.
En ligne de mire des recommandations formulées par la Cour des comptes : les aides individuelles de solidarité.
DES MÉCANISMES DE FINANCEMENT INADAPTÉS À LA « DYNAMIQUE DES DÉPENSES »
Entrent dans ce champ les allocations versées sous forme de prestations monétaires. Les principales sont la prestation de compensation (PCH), l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), et le revenu de solidarité active. L’AAH a quant à elle la particularité d’être financée sur le budget de l’État mais sa mise en œuvre repose sur les moyens des départements (MDPH).
Selon le rapport de la Cour des comptes, les dépenses sociales des départements effectuées au titre de l’action sociale et de l’aide sociale s’élèvent à 47 Md€ (en 2020). Les AIS mobilisent 19,5 Md€ et représentent 47 % de ce montant
Concernant les trois AIS, les chiffres avancés par la Cour des comptes sont les suivants :
En 2020 le taux de couverture de la dépense transférée est tombé à 52,5 %, année caractérisée par une augmentation importante de la dépense du fait de la crise sanitaire. Cette année-là, la différence entre la dépense de RSA et les recettes spécifiquement mises en place pour la financer a atteint 5,3 Md€.
Note :
Le taux de couverture d’un dispositif peut être défini comme le rapport entre le montant des dépenses qu’il génère et celui des recettes initialement affectées à son financement. L’existence d’un tel écart n’est pas contraire au principe de la compensation des compétences transférées au coût historique, mais n’en soulève pas moins un enjeu dans la durée si les autres ressources des collectivités territoriales concernées ne présentent pas la même dynamique.
Le financement de l’APA et de la PCH est quant à lui assuré par des contributions de la CNSA depuis sa création en 2004. Le taux de financement de l’APA par ces ressources s’est dégradé jusqu’en 2010, passant de 41 % à moins de 30 %, avant de remonter progressivement de
2011 à 2015 à 32,3 % et de progresser fortement en 2016 sous l’effet de la mise en place d’un fonds complémentaire dit APA2. En 2020, il a atteint 40,4 %, revenant à son niveau initial.
La PCH est depuis l’origine financée par un concours de la CNSA réparti entre les départements en fonction de critères de charges et de ressources. Le taux de couverture de cette prestation est passé de 99 % en 2008 à 31,2 % en 2016. En tenant compte de la baisse de l’ACTP, qui vient diminuer la charge de la PCH pour les départements, le taux de couverture était en 2020 de 35,1 % soit un écart de 1,2 Md€ couvert par leurs autres ressources182.
En 2020, le taux de couverture historique des AIS atteignait donc 52 % et l’écart non financé par les transferts historiques représentait 9,4 Md€, alors que le total des dépenses de fonctionnement des départements est de 57 Md€ et leur épargne brute de 7,85 Md€.