De façon constante, le droit civil désigne la branche la plus éminente du droit privé qui régit et encadre les rapports entre un individu et autrui. Malgré les bouleversements connus, il est toujours considéré comme le droit commun, sorte de matrice incontournable, posant de multiples principes fondamentaux, celui sans lequel les autres branches du droit n’auraient pas la même substance. Trouvant son siège dans le deux fois centenaire Code civil, le droit civil se divise en deux branches : le droit civil patrimonial – droit des biens, des successions, des régimes matrimoniaux, des obligations– et le droit civil extrapatrimonial – essentiellement le droit des personnes et le droit de la famille. Seul ce dernier nous retiendra, car les personnes vulnérables y trouvent toute leur place.
A. Personnes
Le droit des personnes régissant la vie juridique des sujets de droit, deux extrémités doivent être retenues : le début et la fin de la personnalité juridique, vue comme déjà précisé comme l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations. Entre ces deux pôles, seront envisagés la personne dans son individualité, ses droits consacrés, ses incapacités éventuelles, où point le thème de la vulnérabilité (B. Teyssié, Droit des personnes, LexisNexis, 24e éd., 2022).
1. –DÉBUT ET FIN DE LA PERSONNALITÉ JURIDIQUE
a. Naissance
Déclaration officielle. – La naissance doit être déclarée par les parents ou, à défaut, par toute personne, dans les trois jours auprès de l’officier de l’état civil du lieu de naissance, elle est alors constatée par un acte officiel de l’état. La naissance marque, selon le Code civil, le point de départ de la personnalité juridique, sous réserve que l’enfant soit vivant et viable. Des précisions sont nécessaires : « vivant » renvoie au fait de respirer complètement, avec des fonctions essentielles intègres ; « viable » signifie avoir la capacité naturelle de vivre ; est non viable un enfant qui n’est pas né avec les organes nécessaires et suffisamment constitués pour lui permettre de vivre.
▸ un enfant naît vivant et viable : il dispose de ladite personnalité juridique ;
▸ un enfant est né vivant et viable, mais décède avant la déclaration de naissance : établissement par un officier d’état civil d’un acte de naissance puis d’un acte de décès sur production d’un certificat médical attestant que l’enfant est né vivant et viable : il y a eu personnalité juridique ;
▸ un enfant est né vivant mais non viable et décédé avant la déclaration de naissance, ou bien un enfant est mort-né à la naissance, soit né sans vie, ou bien un enfant est né et vivant mais succombe avant la déclaration et aucun certificat médical n’atteste que l’enfant possédait la double qualité « vivant » et « viable » : l’état civil dresse un acte d’« enfant sans vie », aucune personnalité juridique n’est réputée avoir été effective (attention, un tel acte n’empêche pas l’inscription de l’enfant sur le livret de famille, avec prénom et nom).
Rétroactivité de la personnalité juridique de l’enfant à naître à la date de la conception
Cette rétroactivité est légalement possible dès qu’il y va de son intérêt. Aussi, il devient possible à un embryon de pouvoir hériter d’une succession ou de recevoir une donation. L’exemple peut être celui d’un père qui décède pendant une grossesse. N’étant pas né, l’enfant ne saurait a priori prétendre à la succession de son père. Pourtant, la loi a consacré cette solution : l’enfant viendra tout de même à la succession, si, bien sûr, il naît vivant et viable. La loi a recouru à une fiction pour doter le fœtus de la qualité de sujet de droit.
Personnalité juridique vs vie humaine
La naissance engendre création de la personnalité juridique. Avant celle-ci, l’embryon, devenant ensuite fœtus, n’a pas la personnalité juridique, marquant la non-correspondance entre « naissance de la vie humaine » et « naissance de la personnalité juridique ». Pourtant, dès l’état d’embryon, la vie humaine est effective. En sa qualité de « personne potentielle », l’être en gestation est l’objet d’une protection légale, la conception produisant des effets.
Le principe du respect de l’être humain dès le commencement de sa vie trouve son siège et sa traduction dans les Code civil et de la santé publique (C. civ., art. 16 : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. » ; C. santé publ., art. L. 2211-1). Ainsi, les embryons visent des « choses » bénéficiant d’une protection juridique particulière en raison des principes d’humanité et de dignité qui leur sont applicables, emportant protection et statut :
- régime juridique de l’embryon in utero et du fœtus : protection et encadrement des atteintes légalement possibles, posant le thème de la réglementation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), et assurant conciliation et équilibre entre droit à la vie et droit de la femme à disposer librement de son corps (v. infra) ;
- régime juridique de l’embryon in vitro : conception et utilisation de tels embryons dans le cadre des objectifs d’une assistance médicale à la procréation.
Le cas légal susvisé de rétroactivité de la personnalité juridique à la date de la conception par une fiction juridique atteste de l’intérêt porté à l’embryon et à la « personne en devenir ».
b. Mort
Principe. – La loi civile ne donnant aucune définition de la mort, le critère retenu est celui de la mort cérébrale. Après examen, un médecin doit constater la mort, établissant un procès-verbal de décès (date et heure), qui atteste de la mort, et un certificat de décès destiné aÌ l’officier d’état civil qui est retranscrit sur les registres, un document obligatoire avant toute inhumation.
La mort est synonyme de dissolution de la personnalité juridique : disparition des droits et obligations pour la personne, dissolution des unions conjugales, transmission d’un patrimoine à des héritiers... La personne perd tout droit subjectif.
QUEL DROIT POUR UNE PERSONNE DE DÉCIDER DE QUELLE MANIÈRE ET À QUEL MOMENT SA VIE PEUT PRENDRE FIN ?
Tant la loi française (C. civ., art. 16 : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie ») que les instruments internationaux tels que la Convention européenne des droits de l’homme (art. 2 : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement ») indiquent que le droit à la vie n’entraîne pas de façon diamétralement opposée le droit pour quiconque de disposer de sa vie et d’organiser sa mort.
Pour autant, la Cour européenne a ouvert, avec moult précautions, la voie à l’existence d’un droit à l’autodétermination dans un arrêt Pretty de 2002, en posant en regard l’article 2 de la Convention, lié au droit à la vie, et l’article 8 de celle-ci relatif au respect de la vie privée : « La requérante en l’espèce est empêchée par la loi d’exercer son choix d’éviter ce qui, à ses yeux, constituera une fin de vie indigne et pénible. La Cour ne peut exclure que cela représente une atteinte au droit de l’intéressée au respect de sa vie privée, au sens de l’article 8 § 1 de la Convention. » Sans consacrer un droit absolu et ultime à l’autodétermination, la Cour a ensuite réitéré sa position, dans un arrêt Haas de 2011 (« le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de la vie privée au sens de l’article 8 de la Convention »), puis dans d’autres ultérieurement.
La France n’est pas restée en marge de la progression de la notion de « respect de la vie privée » en la matière. Elle a légiféré à son tour dans le sens d’une prise en compte de l’intérêt de la personne dans sa dignité, précision faite que le droit français ne vise que des personnes malades et en fin de vie et que les apports des lois « bioéthique » se fixent dans un périmètre comprenant peu ou prou l’arrêt des traitements de la personne en fin de vie, qui plus est dans l’impossibilité d’exprimer sa volonté.
Ainsi, sans légalement ouvrir la porte à l’euthanasie et autre suicide assisté, les lois nos 2005-370 du 22 avril 2005 et 2016-87 du 2 février 2016 – intégrées dans le Code de la santé publique – ont accordé à la personne malade et en fin de vie une liberté, certes toute relative et encadrée très strictement, de « choisir » les conditions de sa mort : caractère obligatoire des requêtes anticipées, s’imposant alors au médecin, exprimées par la personne en fin de vie, pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement, et d’une durée illimitée ; droit de ne pas subir d’obstination déraisonnable en matière de traitements, avec la primauté de la volonté du patient, droit à une sédation profonde et continue pour les patients atteints d’une affection grave et incurable, sous réserve d’une décision collégiale du corps médical ; mise en place de traitements analgésiques et sédatifs pour répondre à la souffrance réfractaire du malade en phase avancée ou terminale, même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie, avec information du patient ; en cas d’impossibilité d’exprimer une quelconque volonté, mise sur pied d’une procédure collégiale afin de décider l’arrêt des traitements et d’engager la sédation profonde.
L’ensemble de la question offre un redoutable exemple d’un droit qui n’est pas gravé dans le marbre ad vitam æternam mais susceptible d’évolutions. Une Convention citoyenne sur la fin de vie, réunie entre décembre 2022 et mars 2023, chargée par l’exécutif d’interroger le cadre actuel de l’accompagnement de la fin de vie et son adaptation aux différentes situations individuelles, s’est prononcée majoritairement le 2 avril 2023 pour une aide active à mourir sous certaines conditions. Consacrant par là une nouvelle autonomie de la personne malade, seule apte qu’elle serait de décider ce qui fait dignité ou non, cet avis est consultatif.
Protection et statut du cadavre. – À l’instar de l’embryon, le cadavre ne saurait être considéré comme une chose devenue un simple bien mobilier. La loi civile lui confère une protection particulière. Globalement, toute atteinte aÌ l’intégrité du cadavre constitue une infraction pénale (C. pén., art. 225-17 : atteinte à l’intégrité du cadavre, violation ou profanation de sépultures) et une faute civile (C. civ., art. 16-1-1 : « Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées [...] doivent être traités avec respect, dignité et décence » ; art. 16-1 : il ne peut être procédé à aucune identification de la personne décédée par empreintes génétiques sauf accord exprès manifesté de son vivant ; L. 29 juill. 1881 sur la liberté de la presse, art. 34 : diffamations ou injures dirigées contre la mémoire des morts...).
c. Doutes quant à la réalité de la pérennité de la personnalité juridique
Deux dispositifs anciens mais toujours en vigueur coexistent dans le Code civil.
Absence (C. civ., art. 112 à 132). – L’absence désigne la situation d’une personne qui « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles ». En d’autres termes, une personne ne s’est pas manifestée auprès de ses proches pendant une période prolongée, posant très sérieusement la question de savoir si elle est encore en vie ou non. La loi civile s’évertue alors de régler les questions patrimoniales et familiales en plusieurs temps.
En premier lieu, le juge des tutelles peut, à la demande du conjoint, des proches... ou du ministère public, constater qu’il y a « présomption d’absence », plaçant cette personne, à l’image du majeur protégé, sous mesure de protection, notamment dans la gestion de ses biens. Pour l’exercice de celle-ci, le juge peut désigner un ou plusieurs parents ou alliés, ou toutes autres personnes pour représenter la personne présumée absente dans l’exercice de ses droits.
Le jugement de présomption d’absence fixe le point de départ du délai de dix ans au terme duquel la présomption d’absence sera convertie en « déclaration d’absence », un acte qui présumera l’absent comme mort, perdant la personnalité juridique, tous les effets d’un décès l’emportant. Lors de cette période de présomption d’absence, l’intéressé est présumé vivant : conservation de son patrimoine au sens juridique du terme, de sa capacité à hériter, il reste marié ou pacsé.
Si un présumé absent reparaît ou donne de ses nouvelles lors de cette période, il est, sur sa demande, mis fin par le juge aux mesures prises pour sa représentation et l’administration de ses biens. S’il apparaît qu’il est décédé, la présomption d’absence est anéantie. Tous les actes accomplis par le représentant postérieurement à la date du décès sont frappés de nullité, sauf exceptions.
Si l’absent reparaît ou si son existence est prouvée postérieurement au jugement déclaratif d’absence, l’absent peut reprendre le contrôle de son patrimoine en demandant l’annulation du jugement. L’annulation ne remet pas en cause les actes accomplis durant la période d’absence, et surtout le mariage de l’absent reste dissous.
Disparition (C. civ., art. 88 à 92). – Le disparu vise la personne dont on ignore ce qu’elle a pu advenir et dont la mort est hautement présumée, le code énonçant des « circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé » ou « celle dont le décès est certain, mais dont le corps n’a pu être retrouvé ». Les hypothèses sont celles des disparitions consécutives à des catastrophes naturelles, des accidents d’avion, des opérations de guerre...
Contrairement à l’absence, un « jugement déclaratif de décès », entraînant les conséquences de la mort, peut être rendu rapidement.
La date du décès est déterminée en tenant compte des présomptions tirées des circonstances de la cause et, à défaut, au jour de la disparition. Le jugement déclaratif est transcrit sur les registres des actes de l’état civil au titre d’acte de décès. Si le disparu reparaît après la date du jugement, il peut demander au ministère public de poursuivre l’annulation du jugement. Il peut ensuite être restauré dans ses droits, la personnalité juridique persistant, à l’exception du mariage qui demeure dissous.
2. –PERSONNES DANS LEUR INDIVIDUALITÉ : L’ÉTAT DES PERSONNES
L’état des personnes est défini par la loi civile comme l’ensemble des éléments identifiant la personne dans son individualité – nom, sexe, âge, domicile... – et dans ses rapports avec les tiers, tant en ce qui concerne la famille – unions conjugales... – que l’État – nationalité.
Il ne sera question que des personnes physiques, les personnes morales n’ayant pas d’état à proprement parler, mais plutôt un statut.
État civil. – L’état civil désigne sous une première acception les éléments de l’état des personnes qui vont suivre, et dans une seconde le service public dont la mission consiste à dresser et répertorier dans des registres spéciaux et officiels certaines mentions liées à l’état des personnes. Les services d’état civil sont placés sous l’autorité du maire, qui est officier d’état civil, qui peut cependant, en pratique, déléguer ses pouvoirs à des adjoints, des conseillers ou des fonctionnaires municipaux. L’officier d’état civil dresse des actes de naissance, de décès, de reconnaissance d’enfants, de mariage... Il délivre en outre des copies ou extraits desdits actes de l’état civil, délivre les livrets de famille... Ces actes sont dits « authentiques » car rédigés par des personnes revêtues de l’autorité publique, et disposent d’une force probante très forte.
Âge. – Toute personne a par définition un âge. Cette caractéristique est essentielle dans la vie juridique puisque tel âge correspondra à la capacité d’exercice de certains droits subjectifs et à la naissance d’obligations nouvelles. Par exemple, l’âge de 18 ans signe le passage de la minorité à la majorité, entraînant l’exercice du droit de vote et de l’ensemble des droits civiques, la capacité d’engager un patrimoine et sa responsabilité civile... (C. civ., art. 414 : « La majorité est fixée à 18 ans accomplis ; à cet âge, chacun est capable d’exercer les droits dont il a la jouissance »), ce même âge de 18 ans étant visé quant à l’interdiction d’exercer avant celui-ci une activité professionnelle dans certaines conditions dites « dangereuses » (ex. : exposition à certains agents biologiques et chimiques dangereux...). On citera, entre autres, la période courant de l’âge de 3 ans à 16 ans marquant l’obligation de l’instruction scolaire ; l’âge de 16 ans et la possibilité d’être assuré socialement à titre personnel.
Sexe. – Dès la naissance, la nature exacte du sexe est inscrite sur les registres de l’état civil. À ce propos, il importe de relever au moins deux questions où la considération du sexe a entraîné l’intervention de la loi.
En premier lieu, en matière d’« égalité des sexes ». L’égalité femmes-hommes n’est pas allée de soi pendant longtemps. L’article 6 de la Déclaration de 1789 énonça certes tout d’abord que la loi « doit être la même pour tous », mais ce ne fut pas suffisant. Il fallut attendre le préambule de 1946 et son troisième alinéa pour que l’égalité des droits entre les sexes fasse l’objet d’une consécration légale et constitutionnelle : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », alors que les grands textes internationaux abondent dans le même sens. Les « domaines » visés recouvrent les droits civils (droit au respect de la vie privée, familiale, à l’éducation, liberté d’expression, d’aller et venir...), civiques et politiques (droit de vote, de se présenter aux élections politiques et d’être élu...). Mais les faits sont têtus et la loi n’a de cesse d’intervenir pour éradiquer les discriminations persistantes, notamment dans le domaine du travail, où malgré un important corpus législatif pour l’égalité professionnelle, la situation des femmes sur le marché du travail, en termes de rémunération et de responsabilités, reste plus fragile que celle des hommes.
En second lieu, en matière de « changement de sexe ». La prise en compte du changement de sexe convoque le thème contemporain du transsexualisme, qui désigne un trouble de l’identité sexuelle, formalisé par une opposition entre le sexe anatomique, chromosomique et hormonal et le sexe psychologique et psycho-social. Ce trouble de l’identité peut entraîner ou non la décision d’un suivi médical et d’une opération débouchant sur une transformation physique et hormonale. La question du changement juridique de sexe s’est alors posée. À titre de réponse légale, après de longs débats d’ordre politique et juridique, la loi n° 2026-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a entériné la facilitation du changement d’état civil des personnes transsexuelles. Elle permet et encadre ainsi les formes permettant la rectification de la mention du sexe dans les documents officiels d’état civil, que la personne en faisant la demande ait ou non subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation (C. civ., art. 61-5 à 61-8).
Nom. – Il s’agit d’un autre élément d’identification notable de la personne ; il a pour effet de désigner la personne dans la vie sociale et juridique. Il s’agit également d’une institution de police civile, qui permet à l’État de distinguer les individus, et d’un droit subjectif à part entière. Le nom est enfin l’objet d’une protection, tel un propriétaire, contre toute appropriation par autrui et usurpation. Quiconque ne peut porter un nom qui n’est pas le sien, y compris en cas de consentement.
L’attribution du nom a connu de nombreuses évolutions, à partir de l’importante loi n° 2002-304 du 4 mars 2002 relative au nom de famille. La matière est marquée par un libéralisme croissant qui a remis en cause des schémas anciens consistant en la prédominance de l’attribution du nom patronymique du père, au profit de la liberté de choix pour les parents. Il ne saurait être de liberté absolue, la filiation continuant à jouer un rôle.
Les règles peuvent être synthétiquement présentées comme suit :
Si la filiation est établie à l’égard des deux parents, le nom peut être, au choix, celui du père, de la mère, ou les deux noms accolés, séparés par un simple espace, dans l’ordre choisi par les parents, et dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
La voie à utiliser est celle de la déclaration conjointe, remise à l’officier de l’état civil avec la déclaration de naissance. Le choix du nom de famille par les parents ne peut être effectué qu’une seule fois. Si les parents décident de ne donner qu’un seul nom patronymique à leur enfant (soit celui du père, soit celui de la mère), il est possible d’y adjoindre ultérieurement, en tant que nom d’usage, le nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien. Il n’y a pas de modification sur l’état civil. La décision d’adjonction du nom d’usage appartient à la personne qui exerce l’autorité parentale sur le mineur.
Si aucun choix n’est opéré par les parents, soit en cas d’absence de déclaration conjointe, deux possibilités s’ouvrent : si les parents sont mariés, l’enfant prend le nom de son père ; hors mariage, l’enfant porte soit le nom de celui qui l’a reconnu en premier, soit le nom de son père lorsqu’il a été reconnu en même temps par ses deux parents. En cas de désaccord, suivant une procédure spécifique, l’officier de l’état civil donne à l’enfant un double nom, composé des deux noms des parents accolés par ordre alphabétique.
Il est à noter que les parents peuvent changer le nom de famille de leur enfant mineur si le père a reconnu l’enfant après la déclaration de naissance, sous conditions.
Enfin, au sujet d’un couple de femmes ayant eu recours à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, le nom de famille que portera l’enfant, dont la filiation est établie par reconnaissance conjointe anticipée, pourra être, au choix, soit celui de l’une des femmes du couple, soit leurs deux noms accolés, dans l’ordre choisi par elles, et dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles, via une déclaration conjointe de choix du nom de famille.
HYPOTHÈSES DE CHANGEMENT DU NOM À LA MAJORITÉ
Changer de nom de famille en choisissant de porter le nom de sa mère, de son père ou les deux
En vertu d’une loi du 2 mars 2022, il est possible pour un majeur de changer son nom de famille, soit celui existant depuis la naissance, en optant pour le nom de sa mère ou de son père ou les deux, par simple déclaration à l’état civil. Cette voie n’est ouverte qu’une fois dans sa vie, aucune justification n’étant à apporter.
Changer de nom de famille purement et simplement
Il existe plus classiquement une procédure strictement encadrée de changement de nom patronymique tendant à adopter un autre nom que celui des parents. Il s’agit d’une procédure de changement de nom par décret. Un motif légitime doit être présenté : nom difficile à porter, ridicule ou péjoratif, porteur d’une mauvaise réputation, éviter l’extinction d’un nom de famille en usage depuis longtemps dans ladite famille... Un agrément du ministère de la Justice est indispensable, celui-ci pouvant accueillir la demande ou la rejeter en cas d’insuffisance du motif légitime.
Hormis cette voie, une procédure de francisation du nom est prévue par la loi à l’occasion d’une demande de nationalité française ou une fois la naturalisation obtenue. Destinée à faciliter l’intégration des demandeurs, elle vise tant le nom patronymique que le prénom
En tout état de cause, les solutions ici présentées valent pour un premier enfant, le nom des futurs enfants du couple étant déterminé en fonction du nom choisi pour le premier.
À noter. Il doit être fait mention du prénom, accessoire majeur du nom. Les parents choisissent le ou les prénoms de l’enfant, retranscrits eux aussi sur les actes d’état civil. À défaut de choix – non-choix par les parents, accouchement sous X avec absence de choix, enfant trouvé –, l’officier d’état civil effectue le choix. Les parents choisissent librement le ou les prénoms de l’enfant, aucune liste obligatoire n’existant. Toutefois, un contrôle est opéré par l’état civil : prénom vu comme contraire à l’intérêt de l’enfant – grossier ou ridicule –, prénom choisi comme prénom d’une personne célèbre...
Le déclarant à la naissance de l’enfant doit préciser l’orthographe du ou des prénoms choisis, indiquer s’il y a un prénom composé parmi les prénoms choisis – mention d’un tiret, d’un simple espace... L’alphabet utilisé est celui permettant l’écriture du français.
Situation de famille
Une personne s’individualise également par la place qu’elle occupe dans un cercle familial et au travers des rapports qu’elle y entretient. Elle est nécessairement située dans un rapport de filiation, soit fils de ou fille de, elle peut elle-même être parent, mariée, pacsée, en union livre, et de ce fait peut-être divorcée, séparée, célibataire... (v. infra sur la « famille » et la « filiation »).
Domicile
Participant à l’identification de la personne (« Le nom les désigne, le domicile les situe », selon un aphorisme de la doctrine juridique), « le domicile de tout Français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement » (C. civ., art. 102), le « centre de ses affaires ». Le domicile n’est pas juridiquement le lieu de résidence, qui est une situation de fait, pouvant être temporaire : déplacement professionnel, séjour de vacances... En pratique, toutefois, résidence et domicile coïncident le plus souvent. Le lieu du « principal établissement » peut alors revêtir plusieurs réalités : résidence habituelle de la personne, siège des intérêts familiaux, siège des intérêts pécuniaires, lieu d’exercice de l’activité principale...
DOMICILE ET SANS-ABRISME
Au sujet des personnes sans domicile ou fixe, le domicile en tant que lieu où chacun a son principal établissement est une question très relative. Les éléments caractérisant le choix d’un domicile : élément matériel, lieu dans l’espace, et élément intentionnel, choix non équivoque d’élire tel domicile, ne sont pas sans poser des difficultés. Pour remédier aux besoins de ces personnes, la loi a mis en œuvre le mécanisme de la domiciliation. Celle-ci permet d’obtenir un justificatif de domicile, de recevoir du courrier, de faire valoir certains droits et prestations (délivrance d’une carte d’identité, inscription sur les listes électorales, perception d’aides sociales...). Pour en bénéficier, la personne doit effectuer la demande auprès du centre communal d’action sociale compétent, présenter un lien avec la commune pour laquelle la domiciliation est sollicitée (séjour dans la commune, liens familiaux avec une personne qui vit dans celle-ci...) ; la domiciliation est accordée pour une durée d’un an renouvelable.
Le choix et le changement de domicile sont des libertés fondamentales.
Quant aux personnes morales, le domicile est, en principe, le siège social, fixé par les statuts, pour une société, ou, pour une association, le siège social, le domicile d’un des membres, une mairie...
Mais des cas obligatoires de domiciliation en certains lieux sont légalement prévus : domicile juridique de l’enfant nécessairement et de droit commun chez ses parents ou chez son tuteur – si le père et la mère ont des domiciles différents, il est domicilié chez celui avec lequel il réside –, de l’avocat à son cabinet, du notaire à son étude... On fera remarquer que, avant la loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 sur le divorce, la femme unie par les liens du mariage avait le domicile légal de son mari, alors que depuis cette réforme, le mari et la femme peuvent avoir des domiciles distincts, sans pour autant qu’il soit porté atteinte aux règles relatives à la communauté de vie.
Plusieurs caractéristiques s’attachent au domicile : comme toute personne dispose d’un patrimoine, quiconque doit avoir un domicile, rejoignant le principe de nécessité, qui le rend indispensable pour exercer ses droits civils et politiques et assurer une sécurité juridique ; le domicile est unique, tandis que les résidences peuvent être multiples ; le domicile est juridiquement inviolable, par souci de sauvegarder le droit à la vie privée et à l’intimité (ex. : la loi pénale réprime le délit de violation du domicile).
Nationalité. – La nationalité est un lien juridique et politique unissant une personne à un État ; elle institue tant des devoirs que des droits vis-à-vis de cet État.
Elle est une des conditions de la citoyenneté et du droit à la jouissance des libertés politiques (droit de vote, éligibilité). Chacun a une nationalité, hormis les apatrides qui sont des personnes n’en disposant pas, aucun État ne les considérant comme leurs ressortissants. La nationalité française est le fait de la filiation (au moins un des deux parents est français, droit du sang), de la naissance en France (droit du sol), et peut s’acquérir par l’adoption plénière, le mariage, la naturalisation. La double nationalité est possible. Enfin, la nationalité peut être annulée, retirée, ou se perdre par déchéance.
Protection de l’état des personnes : des actions judiciaires
L’état des personnes est susceptible de faire l’objet de contestations, de violations, voire de fraudes. En réaction, le législateur a prévu des actions en justice afin de faire valoir les droits de justiciables s’estimant lésés en la matière. Étant nombreuses, nous nous focaliserons sur deux actions en défense de deux éléments de l’état des personnes.
En matière de « nom », tout d’abord. Deux actions principales sont envisageables. La première est l’action en usurpation de nom, visant la personne qui utilise un nom auquel elle ne peut prétendre, dans toute sa vie civile. L’action, qui ne nécessite pas la démonstration d’une faute ni préjudice, vise à interdire cette utilisation frauduleuse ayant pour effet de créer une confusion. La seconde est l’action contre l’utilisation abusive du nom, concernant une personne usant d’un nom dans le but d’en retirer des avantages, notamment commerciaux ; le demandeur doit cette fois prouver une faute, invoquer un préjudice et un lien de causalité entre ces deux éléments, selon les règles de la responsabilité civile. Pour conclure, il est possible de citer au plan pénal le délit d’usurpation de l’identité d’un tiers de l’article 226-4-1 du Code pénal.
LES CARACTÈRES GÉNÉRAUX DE L’ÉTAT DES PERSONNES
Indivisibilité. – Il n’est qu’un état par personne. Et chacun ne peut prétendre au sein de chaque élément – nom, filiation... – à deux états différents : on ne peut revendiquer deux noms, on ne peut être homme et femme, on ne saurait avoir la qualité de divorcé et de personne mariée vis-à-vis d’une même personne, être marié et pacsé en même temps, deux domiciles ne peuvent être contraires.
Indisponibilité. – Une personne n’est pas autorisée à disposer comme elle l’entend des éléments de son état. Elle ne peut le vendre, le céder, transiger, le modifier à sa guise unilatéralement. Cependant, comme déjà évoqué précédemment, des aménagements et mutations sont possibles, soigneusement encadrés, en matière de changement de sexe, possible, avec rectification des actes d’état civil, et de changement de nom, notamment à la majorité, ou en cas de procédure de francisation.
Imprescriptibilité. – Les divers caractères d’une personne ne peuvent ni s’acquérir ni se perdre sous l’effet de l’écoulement du temps du fait du non-usage.
En matière de « domicile », ensuite. La violation du domicile ouvre droit à plusieurs actions, dont celle activant l’article 226-4 du Code pénal réprimant l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui sans consentement.
3. –LES DROITS DE LA PERSONNE
La personne se voir reconnaître des droits vis-à-vis de la collectivité – droits politiques ou droits de l’homme – et des personnes tierces – droits civils, et parmi eux les droits de la personnalité.
a. Droits politiques ou droits de l’homme
Éléments de définition et textes normatifs
Ces droits sont cardinaux et n’ont eu de cesse de se renforcer. Ce sont des droits fondamentaux octroyés à la personne dès sa naissance, qui s’imposent à tous et à l’État.
Sur le plan interne, les textes normatifs auxquels on a donné une portée suprême sont la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, fondatrice, qui a inspiré par la suite le préambule de la Constitution de 1946, puis la Constitution du 4 octobre 1958, tous deux contenant l’énonciation de nombreux droits fondamentaux et les protections attachées auxdits droits.
Sur le plan international, la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, élaborée sous l’égide des Nations unies, les divers pactes relatifs aux droits civils et politiques, aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966, ont contribué à promouvoir cet ensemble de droits, actes auxquels il est légitime d’adjoindre, entre autres, la Convention des Nations unies pour la répression de la traite des êtres humains et l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1960, la Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989 et la Convention relative aux droits des personnes handicapées de 2006.
Au niveau européen, dans le cadre du Conseil de l’Europe dont est partie la France, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentale de 1950 constitue certainement l’outil majeure dans l’expression des droits mais également dans la sanction du non-respect de ceux-ci.
Contenu des droits de l’homme
Coexistent dans cette catégorie des droits inaliénables et des droits pouvant faire l’objet d’aménagements étroitement reconnus contrôlés.
Les premiers concernent de façon centrale le « droit à la vie » (réprobation de l’homicide, de la violence illégitime, de la peine de mort...) et à la dignité (exclusion des traitements inhumains et dégradants, de l’esclavage, de la servitude, refus de l’arbitraire de l’État, des emprisonnements sommaires...).
Les seconds sont en lien avec le « droit à la liberté en général », les libertés de pensée, d’expression, de conscience, de religion, d’aller et venir, d’association et de réunion, la sûreté, le droit au respect de la vie privée et familiale... L’ensemble de ces droits – ou libertés publiques – peuvent toujours être réglementés, connaître des restrictions, nécessairement proportionnées et équilibrées, au nom de l’ordre public, ledit ordre public étant également garant de l’exercice des droits de chacun dans une société, sous le contrôle du juge (v. au sujet de l’exercice des droits et libertés fondamentaux dans l’espace public, de leurs inévitables restrictions au nom de l’ordre public, La rue : y vivre, l’occuper, ASH, Numéro juridique et social, déc. 2022). En outre, sont proscrites dans la même philosophie toutes les discriminations fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’origine, la race, la couleur, la religion, les idées politiques, philosophiques et religieuses.
Portée et contrôle du respect de ces droits
La portée de ces droits peut cependant être relative. Ainsi, certains grands textes internationaux, s’adressant à l’ensemble des États, telle la Déclaration de 1948, proclament davantage des droits qu’ils ne garantissent leur application puisqu’ils ne contraignent pas leurs signataires à une obligation de résultat.
Une telle portée, et partant leur effectivité, ne peut être garantie que si les textes endossent une reconnaissance juridique (ex. : via une ratification) et une intégration dans l’ordre interne des États, et surtout font l’objet d’une sanction par un organe de type juridictionnel, apte à rendre des décisions contraignantes pour ces mêmes États. Tel est le système consacré par le Conseil de l’Europe et la Convention européenne des droits de l’homme, dont les dispositions (ex. : droit à la vie, à la liberté et à la sécurité d’une personne, au respect de la vie privée et familiale...) font autorité dans la mesure où une juridiction, la Cour européenne de Strasbourg, s’assure du bon respect de celles-ci.
Au plan hexagonal, le respect des textes de 1789, 1946 et 1958, de valeur constitutionnelle, est contrôlé par le Conseil constitutionnel, compétent pour censurer des textes de lois contraires à ceux-ci.
b. Droits de la personnalité
Les droits de la personnalité sont définis comme des droits dus à toute personne depuis sa naissance et la protégeant dans son intégrité physique et morale. Quel que soit le droit en cause, une personne, si elle estime avoir été lésée, peut saisir un juge pour obtenir des dommages-intérêts, en réparation du préjudice allégué, le juge pénal pouvant en outre être compétent en cas d’infractions pénales constituées, telles que l’injure ou la diffamation.
Droit à l’intégrité physique : deux aspects majeurs sont retenus
D’une part, le « respect du corps humain ». Le corps, l’enveloppe charnelle, n’est pas une chose comme les autres, et d’ailleurs même après le décès, le cadavre, passé au statut de chose, est l’objet d’une considération par le droit. Un corpus de lois protège le corps humain, au titre de l’« inviolabilité du corps » : « La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » (C. civ., art. 16) ; « chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable » (art. 16-1) ; « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui » (art. 16-3) ; « nul ne peut porter atteinte à l’intégrité de l’espèce humaine » (art. 16-4).
Il l’est de plus au titre de l’« indisponibilité du corps humain ». Une personne ne peut aliéner son corps ni celui d’autrui (vente d’organes, de produits du sang...), ni le louer (prohibition du phénomène des mères porteuses [gestation pour autrui], répression du recours aux services d’une personne qui se prostitue, du proxénétisme...), car hors commerce. Certes, des actes susceptibles de porter atteinte au corps sont autorisés, mais ils demeurent soumis à de très strictes conditions et répondent à certaines justifications (stérilisation à visée contraceptive, IVG... le consentement étant à l’évidence légalement requis) ou pour des raisons d’ordre public (fouilles corporelles policières...).
D’autre part, le « respect de la vie humaine ». Considéré comme un élément fondamental du paradigme civilisationnel – qui rejoint l’antique et immuable « Tu ne tueras point » –, le principe est inscrit dans moult textes internes et internationaux. On ne saurait même mettre fin à la vie d’autrui. En France, la peine de mort a été abolie, alors que tant les homicides que l’euthanasie sont proscrits par la loi. Longtemps pénalisée jusqu’en 1975, on a peu à peu considéré que l’IVG, certes encadré, mais libéralisé au fil des réformes – avec l’aval du Conseil constitutionnel –, n’était pas contraire à ce principe. Le législateur parvient en fait à établir un équilibre entre le droit à la vie et le droit pour la femme d’avoir la maîtrise de son corps. À ce jour, la question demeure cependant d’une actualité brûlante, et d’aucuns émettent le souhait de constitutionnaliser ce droit, considéré comme pouvant toujours être remis en cause, du moins amoindri – en regard avec le repli outre-Atlantique sur la question –, une voie qui permettrait de le rendre intouchable puisque sanctuarisé.
Droit à l’intégrité morale : trois thèmes sont privilégiés
Le « respect de la vie privée », tout d’abord : « Chacun a droit au respect de sa vie privée » (C. civ., art. 9). Tous les éléments de la vie privée : intimité, vie familiale, identité et domicile, relations amoureuses et préférences sexuelles, correspondances, y compris électroniques, état de santé – par le biais du secret professionnel et médical –, situation financière, convictions politiques et religieuses... sont protégeables par la loi. Et le même article de préciser au sujet de ce droit « d’être laissé tranquille » dans sa vie privée : « Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
L’entrée dans la civilisation du 2.0 a accru les risques d’atteintes à ce droit. Ainsi, si les écoutes téléphoniques sont réglementées – judiciaires et administratives –, les risques liés aux fichiers informatiques et au numérique en général sont nombreux, et plus généralement les risques sur les libertés. La loi intervient et tente d’intégrer la nouvelle donne technologique. Citons deux créations notables : la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en 1978, et, au niveau européen, le règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
Mais ce droit heurte parfois les nécessités liées à l’ordre public, comme les interventions et l’immixtion dans la vie privée du fait des autorités policières et judiciaires, de leurs droits en matière de preuve : enquêtes, perquisitions, saisies, fouilles, contrôles d’identité, droit de communication.
Le « droit à l’image », ensuite. Toute personne a un droit sur son image. Autrui ne saurait capter ou reproduire par photographie ou tout autre moyen audiovisuel ou sonore, l’image et la voix de quiconque sans son autorisation. Le but de l’utilisation de l’image importe peu, notamment des fins commerciales. Ce droit à l’image connaît une forte protection si la captation a lieu dans un lieu privé. Dans l’espace public, cette protection demeure, le consentement donné demeurant un aspect clé, mais elle est plus relative en cas d’événements publics, telles les manifestations sportives, politiques.
Le « droit à l’honneur », enfin. Chacun a droit à la considération de son honneur et de sa réputation. La loi pénale prévoit notamment les infractions d’injure et de diffamation (raciste, sexiste...), qui portent atteinte à cette considération.
4. –LES INCAPACITÉS
a. Problématique de la personnalité juridique amputée
Toute personne disposant de la personnalité juridique, d’un état propre et réceptacle de droits subjectifs reconnus ou à bâtir, peut théoriquement, dans le respect des lois, être acteur de sa vie juridique : pouvoir s’engager dans des liens d’une union conjugale, fonder une famille, nouer des contrats, faire fructifier un patrimoine... Or certaines personnes cumulant toutes ces qualités peuvent ne pas avoir accès, temporairement ou définitivement, à une vie juridique pleine et entière. Plusieurs types d’actes de la vie quotidienne peuvent leur être déniés purement et simplement ou sous réserve d’une assistance ou représentation par un tiers, au nom d’une « incapacité » légalement prévue qui les frappe. Elles ne disposent que d’une personnalité juridique partielle, amputée, qui ne peut (re)devenir entière qu’à certaines conditions.
b. Personnalité juridique et capacité juridique
Il s’avère que le droit des personnes envisage les individus à deux niveaux. La personnalité juridique est première pour être un acteur juridique, comme étudié, mais un autre élément fondamental doit l’accompagner : la capacité juridique. Cette capacité se dédouble : d’une part, la capacité de jouissance, c’est-à-dire l’aptitude pour une personne à être titulaire de droits et la capacité d’exercice, visant l’aptitude à exercer effectivement les droits dont la personne est titulaire.
La personne totalement capable voit s’additionner ces deux capacités, au contraire de la personne frappée d’incapacité qui, elle, peut disposer de la capacité de jouissance, mais être privée de la capacité d’exercice, inapte qu’elle est alors à mettre en œuvre seule les droits dont elle est titulaire. Et même parfois, une personne ne dispose ni de la première, ni de la seconde, tel le mineur vis-à-vis du droit de vote, du droit de faire un testament, droits inaccessibles avant 18 ans ; par définition, l’exercice ne peut exister sans la jouissance.
L’explication de cette capacité amoindrie réside dans un souci de protection de certaines catégories d’individus, réputés vulnérables et exposés, souffrant d’un manque de discernement et de maturité, du fait de l’âge et/ou d’une déficience ou altération mentale. La loi assure alors cette protection en limitant leur capacité juridique et en prévoyant l’intervention de tiers pour pallier leur incapacité, les représenter dans leurs intérêts et veiller sur leur intégrité physique et morale (C. civ., art. 415 : « [La protection] a pour finalité l’intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l’autonomie de celle-ci » [pour les majeurs]).
c. Personnes frappées d’incapacité juridique
Deux catégories de personnes sont traditionnellement frappées d’incapacité, de façon différente et possiblement à des degrés divers :
- les mineurs : personnes de moins de 18 ans, touchées par une incapacité d’exercice assez large, ne pouvant exercer seules leurs droits et devant être représentées par leurs représentants légaux (parents ou tuteurs). Leur incapacité d’exercice s’atténue puisque son champ d’autonomie s’élargit à l’approche de l’âge légal de la majorité (possibilité d’émancipation à 16 ans...) ;
- les majeurs protégés : « Toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté peut bénéficier d’une mesure de protection juridique » (C. civ., art. 425), cette personne ayant en conséquence besoin d’être représentée de manière continue dans les actes de la vie courante.
B. Famille – Considérations générales
Le droit de la famille est partie intégrante du droit civil, trouvant son siège dans le Code civil. Il régit et organise les relations juridiques entre les différents membres d’une même famille et pose peu ou prou deux types de liens familiaux : les « liens d’alliance » (couples) et les « liens de parenté » (descendants mais aussi ascendants, avec la création de filiations diverses). Traditionnellement, la famille désignait un ensemble de personnes unies par un lien de sang descendant d’auteurs communs. De façon plus restrictive, elle pouvait se caractériser par les père et mère mariés et leurs enfants. Le concept de « famille » a néanmoins beaucoup évolué. Les mœurs et mentalités ayant connu des bouleversements depuis le XXe siècle, le mariage n’est plus la pierre angulaire de la famille. D’autres types d’unions concurrencent ce modèle séculaire : union libre ou concubinage, pacte civil de solidarité, sans compter la possibilité du mariage de personnes de même sexe. Par ailleurs, si l’on prend en considération le phénomène toujours plus prégnant des divorces, plus généralement les séparations, engendrant les recompositions familiales, et les avancées de la science permettant la procréation médicalement assistée, on réalise que le paysage familial s’est diversifié et éclaté, marqué par le pluralisme.
Aujourd’hui, la famille peut se décliner en plusieurs propositions, sachant qu’un couple sans enfant, marié ou non, de même sexe ou non, est l’embryon d’une famille, appelé ou non à croître :
1. LA « FAMILLE BIOLOGIQUE » :
▸ famille « par le sang » : époux et enfants, parents non mariés avec leurs enfants (Pacs, concubinage),
▸ famille « recomposée » : un homme et/ou une femme ayant déjà vécu antérieurement dans les liens du mariage ou non et ayant eu un ou des enfants de cette union s’unit avec une autre personne, y compris de même sexe, pour vivre ensemble avec un ou plusieurs desdits enfants, voire les enfants de l’autre personne,
▸ famille « monoparentale » : un ou plusieurs enfants vivent avec un de leurs parents, que ces enfants conservent ou non des liens légaux avec l’autre parent ;
2. LA « FAMILLE NON BIOLOGIQUE » :
▸ famille « adoptive » : composée du ou des adoptants (époux, pacsés, concubins, y compris par des couples composés de personnes de même sexe) et du ou des adoptés, possiblement avec ou non des enfants déjà au foyer,
▸ famille « nourricière » : famille adoptive de fait, qui accueille, éduque, nourrit l’enfant en dehors de toute adoption,
famille et « bioéthique » : il est ici fait appel aux pratiques médicales, cliniques et biologiques de procréation médicalement assistée ; la famille est alors constituée par un homme et une femme, mais dont l’un au moins rencontre une impossibilité physiologique pour procréer, mais également – depuis la loi bioéthique de 2021 – par un couple de femmes, voire une femme célibataire, et l’enfant issu de techniques d’insémination artificielle ou d’accueil d’embryons.
Le droit, lui, s’adapte, accompagne, promeut de nouvelles solutions.
C. Personnes unies par le mariage
1. –DÉFINITION ET NATURE JURIDIQUE
Le mariage (C. civ., art. 143 et s.) est une union solennelle entre deux personnes – un homme et une femme, et dorénavant deux personnes de même sexe – entérinée devant un officier d’état civil.
Il s’agit juridiquement d’un acte juridique, soit un contrat, qui suppose un accord de volonté des futurs époux produisant des effets de droit. Mais le mariage ne peut être assimilé à n’importe quel contrat puisque les époux n’en fixent pas le contenu, ils ne font que donner leur accord à un statut légal imposé impérativement par le législateur. La loi, sous l’effet d’un ordre public assez fort, auquel on ne peut déroger, prévoit conditions et effets, ainsi que les règles relatives à sa dissolution. Ce type de contrat ne doit pas être confondu avec le contrat de mariage, non obligatoire, qui recèle des objectifs spécifiques : signé des futurs époux avant la célébration, ce contrat leur offre le choix de définir leurs relations patrimoniales pendant le mariage (ex. : sort des biens, avantages conférés aux époux...).
Il est à observer que la liberté nuptiale, qui recouvre la liberté de se marier, de choisir son conjoint, ou de ne pas entrer dans ce type de liens, a été proclamée tant par le Conseil constitutionnel que par la Cour de cassation.
2. –CONDITIONS DE FORMATION DU MARIAGE
a. Âge, sexe, santé et consentement
Majorité de principe. – Tout candidat au mariage, de même sexe ou de sexe différent, doit être majeur, soit au moins 18 ans. À titre exceptionnel, un mineur peut être autorisé à se marier ; il doit obtenir l’accord d’au moins un de ses parents, et une dispense d’âge doit être accordée par le procureur de la République pour motifs graves et exceptionnels (ex. : motif de grossesse).
Sexe indifférent. – Depuis la loi sur le « mariage pour » tous du 17 mai 2013, la condition de différence de sexe n’existe plus. La réforme est historique et a emporté possibilité pour deux personnes de même sexe de se marier, au nom des principes d’égalité et de partage des libertés.
Santé indifférente. – L’état de santé n’a jamais conditionné le droit de se marier. Un seul élément, à titre uniquement informatif, a longtemps été requis : le certificat médical prénuptial. Supprimé par une loi de 2007, il avait pour objectif d’établir un bilan médical des futurs époux les informant sur la vie sexuelle, la contraception, la maternité et l’hygiène de vie.
Consentement libre et réel. – Le consentement au mariage doit exister, être libre et éclairé (C. civ., art. 146 : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement »). La présence d’une autorité compétente officielle pour la célébration, en plus de l’audition obligatoire en mairie à la suite du dépôt du dossier de mariage, et celle de témoins participent de cette exigence de vérification du consentement. Si aucune de ces qualités n’est présente, le mariage peut être annulé, sur demande soit d’un des époux, soit du parquet.
À noter. Une personne déjà mariée ne peut se marier une seconde fois tant que le premier lien matrimonial demeure ; il convient d’obtenir un jugement définitif de divorce. Et une personne pacsée peut s’engager dans les liens du mariage – avec l’autre partenaire pacsé ou une autre personne –, l’acte de mariage emportant dissolution du Pacs.
b. Formalisme, opposition et empêchements
Formes requises. – Le mariage est célébré dans une commune avec laquelle au moins l’un des deux futurs époux connaît un lien durable. Chacun doit fournir une série de documents (ex. : acte de naissance, identité...), comme chaque témoin doit décliner son identité. Un dossier doit être déposé à la mairie de la commune choisie pour la cérémonie.
Une publicité du mariage est assurée par la publication des bans, qui sont des avis affichés par l’officier d’état civil sur la porte de la mairie. Leur objet est destiné à informer tout tiers, et notamment à permettre à ce que toute personne puisse s’y opposer en démontrant d’éventuels empêchements.
La célébration doit être assurée par le maire ou un adjoint, en présence des futurs époux et des témoins, dans une salle ouverte au public. À cette occasion, chaque futur époux exprime formellement son engagement à respecter les obligations du mariage.
Opposition et empêchements à mariage. – L’ « opposition à mariage » signifie l’interdiction faite à l’officier d’état civil de célébrer le mariage, invocation faite de l’existence d’un empêchement prévu par la loi. On porte ainsi à la connaissance de l’officier d’état civil devant procéder au mariage, un élément susceptible d’empêcher ce mariage.
Un nombre limité de personnes peuvent former « opposition » au mariage : conjoint, ascendants, collatéraux des personnes en voie de s’unir, mais surtout procureur de la République. En pratique, c’est bien ce dernier qui forme le plus souvent opposition à mariage, pour empêcher l’union avant même qu’elle ait lieu, lorsqu’il considère que le mariage encourt la nullité. À défaut d’empêcher effectivement le mariage avant la célébration, la voie de la nullité sera ouverte (v. infra).
Les motifs d’une opposition au mariage visent les éléments qui entraînent normalement une nullité ou une illicéité de celui-ci ; ils convoquent les « empêchements à mariage ». Si ces « empêchements » à mariage sont censés faire obstacle à la célébration d’un mariage, ils peuvent ouvrir ultérieurement la voie de la nullité si la célébration a eu lieu. Deux types coexistent :
- les empêchements dirimants ou absolus : ils interdisent la célébration du mariage, ou, comme déjà souligné, ouvrent ultérieurement la voie de la nullité ; il est considéré qu’il y a une atteinte essentielle à la validité du mariage : condition de l’âge non respectée, bigamie, inceste (interdiction du mariage entre personnes ayant des liens de parenté ou d’alliance), consentement vicié (ex. : violence, erreur dans la personne ou sur les qualités essentielles de la personne), fraude à la loi (ex. : mariages « blancs » : complicité des époux dans la fraude pouvant consister à se marier dans un objectif exclusif d’obtention de documents officiels pour demeurer sur le territoire, et des mariages « gris » : un époux souhaitant bénéficier des droits ouverts par le mariage cache ses réels intention à son futur conjoint) ; absence de célébration publique, qui vise la clandestinité... ; interdictions de mariage dans les familles constituées par le recours à l’adoption (simple et plénière) ;
- les empêchements prohibitifs ou simples : ils rendent le mariage formellement illicite, mais ne débouchent pas obligatoirement sur la nullité (ex. : absence de publicité...), car on estime qu’ils n’entachent pas le mariage d’un vice suffisamment grave.
MARIAGE ET MAJEURS VULNÉRABLES
Si les majeurs vulnérables, du fait notamment d’une perte d’autonomie et/ou d’une altération des facultés mentales, peuvent être soumis à des mesures de protection juridique, sous diverses formes (tutelle, curatelle...), grevant une partie plus ou moins importante de leur liberté, la loi s’est orientée vers un plus grand libéralisme, en œuvrant dans le sens d’une autonomie rénovée des personnes. Par exemple, en matière de mariage et de Pacs, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a supprimé le principe d’autorisation préalable de l’union, par le tuteur, le curateur ou le juge, au profit d’une information adressée aux personnes compétentes. Il reste que la personne vulnérable demeure soumise à une obligation de faire preuve de discernement, gage d’un consentement libre et éclairé et condition de validité de l’union.
c. Sanctions du non-respect des conditions du mariage
L’hypothèse est celle où un mariage a été célébré alors que l’existence d’un élément, un empêchement légal à mariage, aurait dû empêcher sa célébration, aucune opposition ne s’étant manifestée. La sanction post-mariage consiste alors en l’annulation du mariage. La nullité a pour conséquence de remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la consécration du lien matrimonial ; le mariage est censé n’avoir jamais exister. On distingue la nullité absolue et la nullité relative, la différence résidant dans les titulaires de l’action :
- nullité relative : vice du consentement de l’un des époux, ouverte à l’époux lésé ;
- nullité absolue (faits les plus graves) : impuberté, bigamie, clandestinité du mariage, fraude à la loi..., ouverte à toute personne ayant un intérêt à agir (époux lésé, ascendants, procureur de la République...).
3. –EFFETS JURIDIQUES DU MARIAGE
a. Effets extrapatrimoniaux
Droits et devoirs spécifiques sont engendrés par ce type d’union. Selon la loi civile, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance (ex. : devoir d’entraide en cas de problèmes de santé...).
Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie, tandis que la résidence de la famille désigne le lieu qu’ils choisissent d’un commun accord.
En outre, les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et pourvoient à l’éducation des enfants tout en préparant leur avenir.
Chacun doit contribuer aux charges du mariage, à proportion de ses facultés respectives, et peut librement exercer une profession, percevoir ses gains et salaires et en disposer après s’être acquitté des charges du mariage.
Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
Les manquements aux obligations et devoirs mis à leur charge peuvent entraîner une réaction du droit, qui pose l’existence d’actions au profit d’un époux lésé, notamment le divorce (v. infra), même si la violation des devoirs du mariage doit être grave ou renouvelée.
Enfin, le mariage permet d’établir la filiation avec chaque enfant né sous ce régime (v. infra).
b. Effets patrimoniaux
Le droit vise à ce sujet les effets mesurables matériellement et pécuniairement. Trois effets importants sont prévus par la loi.
D’une part, le « droit au secours », qui contraint tout époux à apporter à l’autre, surtout quand ce dernier ne dispose pas de ressources, des moyens minimaux pour vivre.
D’autre part, la contribution aux charges du mariage, prévoyant une obligation pour les époux de participer aux charges, dépenses ou autres obligations financières durant la vie commune, cette obligation englobant autant les dépenses ménagères que celles concernant l’éducation et l’entretien des enfants.
Enfin, le dernier effet entraîne la soumission du couple marié à un régime matrimonial destiné à organiser les rapports pécuniaires, spécialement au niveau de leurs biens, entre les époux et vis-à-vis des tiers, tels notamment les créanciers. Deux grandes catégories de régimes sont envisageables : les régimes de type communautaire, où les biens auront tendance à être communs, et les régimes de séparation de biens, par lesquels, schématiquement, les biens acquis avant et pendant l’union par chaque époux seul restent propres. Le choix d’un régime sur mesure se fait par la signature d’un contrat de mariage, devant notaire. En l’absence de choix, hypothèse de la grande majorité des Français, le régime de la communauté légale s’applique, à coloration fortement communautaire.
4. –FIN DU LIEN MATRIMONIAL
La loi civile énonce que le lien matrimonial est objet d’une dissolution par la mort de l’un des époux ou par le divorce légalement prononcé par un juge.
a. Décès
Comme évoqué, le décès emporte la fin de la personnalité juridique, avec tous les effets légalement induits, dont la dissolution du mariage. De même, l’absence et la disparition (v. supra), si elles sont entérinées judiciairement, ont les mêmes effets que le décès et mettent fin à l’union du mariage, y compris dans l’hypothèse d’une réapparition de l’absent ou du disparu.
En cas de décès, la loi octroie un délai ferme de vingtquatre heures au conjoint survivant pour porter déclaration du décès auprès de l’officier de l’état civil de la mairie du lieu où cet événement est survenu. Plusieurs documents sont indispensables aux fins de justifier du décès de l’époux décédé : pièce d’identité, certificat de décès établi par le médecin ou l’hôpital, acte de mariage, livret de famille. Il revient à cet officiel d’établir l’acte de décès et de modifier les actes d’état civil du défunt et du conjoint survivant tels que les actes de naissance et de mariage. À compter de ces formalités, le lien matrimonial est considéré comme légalement dissous, l’époux survivant étant désormais veuf, pouvant prétendre éventuellement à certains droits : retraite de réversion, allocation de veuvage...
b. Divorce
Pluralité de cas de divorce (C. civ., art. 229 et s.). – Le droit du divorce, hypothèse de dissolution du mariage du vivant des époux, a beaucoup évolué depuis un demi-siècle – consécutivement notamment aux lois de 1975, 2004 et 2019 –, sous l’effet d’un libéralisme qui imprègne la matière civile et par souci de simplification, voire de déjudiciarisation, l’office d’un juge n’étant plus nécessaire pour tous les types de divorces : « Le mariage est dissous : 1° Par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire [divorce amiable, sans juge] ; 2° Par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée [divorce contentieux]. »
Divorces contentieux. – Au nombre de trois, ces types de divorce nécessitent une décision judiciaire pour une dissolution effective et fixation des effets, tant entre les époux que vis-à-vis des enfants. Il n’y a aucun aspect amiable, car les époux ne parviennent pas à s’accorder sur les modalités de la séparation conjugale définitive :
- divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage : cas de figure où les époux se sont mis d’accord sur le principe de la dissolution de leur union tout en ne trouvant pas de terrain d’entente sur les conséquences en découlant – biens, garde des enfants... L’office d’un avocat est requis. Une demande, devant présenter des informations obligatoires (ex. : proposition de règlement des intérêts financiers et patrimoniaux des époux...), doit être présentée, par un époux seul ou par les deux. La procédure est menée par le juge aux affaires familiales (JAF). Un accord sur le divorce est constaté dans une déclaration d’acceptation établie avant ou pendant la procédure. Les époux peuvent en outre faire le choix d’un divorce par consentement mutuel en cours de procédure, impliquant un total accord sur l’ensemble du principe et des conséquences ;
- divorce pour altération définitive du lien conjugal : il s’agit d’un divorce qui fait le constat que la vie commune a cessé depuis au moins un an, les époux étant séparés de fait. La demande peut être le fait d’un seul époux, l’accord des deux n’étant pas impératif. La preuve de la cessation de la vie commune, qui doit être volontaire, s’effectue par tout moyen (ex. : résidences distinctes...). L’assistance d’un avocat étant requise, la procédure de divorce se déroule sous la responsabilité du JAF, qui statuera en fixant les conséquences de la dissolution ;
- divorce pour faute : c’est là le cas d’un divorce contentieux par excellence. Le JAF est ainsi appelé à constater l’existence d’une violation des devoirs et obligations du mariage. Ladite violation doit cependant être grave ou renouvelée (ex. : adultère, absence de soin apporté à un époux à la santé défaillante, abandon du domicile conjugal, injures et violences...). Selon la loi, les faits reprochés doivent rendre intolérable le maintien de la vie commune, et la preuve des errements reprochés est libre.
Amené à peser les griefs exprimés, le JAF est également compétent pour trancher. Au cours de la procédure, les époux, assistés par leurs avocats, peuvent également opter pour un autre type de divorce, tels ceux déjà évoqués et mais également pour divorce par consentement mutuel, nécessitant d’avoir trouvé des accords entre époux.
VIOL DANS LE COUPLE : UNE RECONNAISSANCE TARDIVE
La tradition a longtemps consisté à considérer qu’il y avait une présomption de consentement en matière sexuelle au sein du couple, la famille apparaissant comme un espace privé relativement clos à l’égard duquel les pouvoirs publics limitaient leur droit de regard, tout spécialement quant aux relations intimes. Si les poursuites pénales étaient toujours envisageables, la présente présomption n’en demeurait pas moins un frein à la reconnaissance du viol pur et simple dans la sphère conjugale. Il a fallu attendre la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes et aux violences au sein des couples pour que tombe cette présomption. Au sein du couple, dans le domaine charnel et intime, l’absence de consentement et l’usage de la persuasion, voire davantage, ouvrent la voie à la répression pénale, une issue loin d’être évidente dans les faits.
À ce jour, en tout cas : « Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu’ils ont été imposés à la victime (...), quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage », incluant en conséquence les personnes pacsées et les concubins (C. pén., art. 222-2). Les actes de violences et de viol constituent à l’évidence des motifs de divorce pour faute.
Le JAF, au vu des éléments produits, peut prononcer le divorce aux torts exclusifs d’un époux, s’il est établi qu’un seul époux a commis une faute, ou aux torts partagés, en cas de fautes retenus contre chacun des époux.
Si des comportements fautifs sont reprochés à chacun des deux époux, le divorce est prononcé aux torts partagés, tout en fixant également les effets de celui-ci.
Divorce amiable. – La dernière réforme du divorce de 2019 a visé à permettre à des conjoints souhaitant divorcer rapidement et exprimant un total accord sur les suites de la dissolution du lien (ex. : partage des biens, garde des enfants, pension alimentaire, prestation compensatoire...) de passer une convention de divorce en dehors de toute intervention judiciaire. Le divorce par consentement mutuel est alors un divorce à l’amiable. Cette convention, qui est un acte sous signature privée contresigné par avocats comportant l’accord exprès sur le principe du divorce et réglant les effets y afférents, doit être établie entre les époux et rédigée par leurs avocats respectifs et enregistrée chez un notaire. Le dépôt du document chez le notaire permet de lui conférer date certaine et force exécutoire, la convention étant pleinement applicable et les actes d’état civil modifiés.
À noter. La séparation de corps est un ancien instrument juridique, mais en perte de vitesse. Utilisée par des époux qui redoutent parfois les effets psychologiques potentiellement délétères et violents d’un divorce, ou leur laissant le temps d’envisager une future mais toujours hypothétique reprise de la vie commune, elle permet aux époux de rester mariés tout en ne vivant plus ensemble ; elle entraîne juridiquement la séparation de biens.
Effets juridiques du divorce. – Le divorce emporte dissolution du lien et diverses conséquences entre les ex-époux et au sujet des enfants :
- disparition des devoirs des époux : les devoirs liés à la qualité d’époux disparaissent – assistance et secours, fidélité, vie commune, contribution aux charges du mariage... Cependant, comme un prolongement par ricochet de l’ancien devoir de secours, une prestation compensatoire peut être fixée par le juge ou la convention sous seing privé, afin de remédier aux déséquilibres financiers causés par le divorce dans les conditions de vie des ex-époux, sous forme d’une somme d’argent ou d’une rente. Chaque époux perd sa qualité d’héritier réservataire. Il est à noter que l’ancienne union donne le droit au conjoint survivant divorcé au bénéfice d’une pension de réversion de l’ex-conjoint, sous conditions ;
- partage des biens : le divorce est synonyme de liquidation du régime matrimonial, et par là même partage des biens, l’issue de celle-ci dépendant du type de régime adopté ;
- fixation du sort des enfants : le divorce n’entraîne aucune conséquence sur la filiation des enfants, dont l’intérêt supérieur caractérise le droit civil contemporain, et doit motiver les dispositions d’un jugement ou d’une convention, et la loi énonce le principe général de l’exercice conjoint de l’autorité parentale. Le juge ou la convention fixent la résidence des enfants, soit les conditions de garde et d’hébergement – chez l’un des ex-époux (garde exclusive, avec la contrepartie d’un droit de visite et d’hébergement au profit de l’autre), chez les deux (garde alternée), ou, exceptionnellement, chez une autre personne, de préférence dans la famille ou un établissement d’éducation –, et la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (pension alimentaire).
D. Personnes unies en dehors du mariage
Deux personnes, de sexe différent ou non, peuvent s’unir pour fonder une famille en recourant non pas au mariage, mais à l’instrument du pacte civil de solidarité ou vivant de fait en couple sans choix d’un statut. Ces deux formes de vie commune sont appréhendées par la règle de droit.
1. – PACTE CIVIL DE SOLIDARITÉ (C. CIV., ART. 515-1 ET S.)
a. Définition et conditions de formation
Issu d’une loi de 1999, le Pacs est un contrat régi par la loi et conclu entre deux personnes de même sexe ou non qui choisissent de mener une vie commune et emportant droits et obligations. Ce statut est une catégorie intermédiaire entre mariage et concubinage, ou union libre.
Appelés « partenaires », les contractants, majeurs et n’appartenant pas à la même famille – trace supplémentaire dans le droit de l’interdit de la transgression de l’inceste –, s’engagent à partager réellement leur vie commune pendant la durée du contrat. Ils ne doivent pas être, au moment de sa conclusion, dans les liens du mariage ni dans ceux d’un autre Pacs. La convention, fixant droits et devoirs, doit être déposée par les futurs partenaires pour enregistrement auprès de l’officier d’état civil de la commune de résidence commune ou d’un notaire.
b. Droits et obligations des partenaires
Les partenaires s’engagent à une vie commune, à une aide matérielle et à une assistance réciproque. L’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives.
Ils sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante. Cette solidarité s’efface cependant pour les dépenses manifestement excessives. Elle n’a pas lieu non plus si des actes ont été conclus en l’absence de consentement des deux contractants pour des achats à tempérament ou pour les emprunts, à moins que lesdits emprunts portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage.
En l’absence de stipulations contraires dans le contrat de Pacs, les deux patrimoines en question sont séparés, consacrant un régime légal de séparation.
Enfin, concernant la présence d’enfant(s), aucune disposition légale du code ne prévoit cette question dans le Pacs. Ce contrat n’emporte aucune conséquence directe sur l’établissement du lien de filiation des partenaires avec l’enfant. Pour établir un lien de filiation entre un enfant et ses parents, qui permet notamment la titularité de l’autorité parentale et l’octroi de droits en matière successorale, les règles sont celles-ci : pour la mère, la filiation est établie par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ; pour le père, qui n’hérite pas du droit de cette filiation automatique, ladite filiation nécessite un acte de volonté : reconnaissance anticipée ou reconnaissance à la naissance de l’enfant, voire après.
Lorsque l’enfant naît dans le cadre d’un Pacs unissant deux femmes, s’inscrivant dans un projet de PMA, le couple doit effectuer une reconnaissance conjointe. Enfin, la loi autorise depuis peu à adopter conjointement un enfant dans le cadre d’un Pacs.
c. Fin du Pacs
Conformément au droit commun de la personnalité juridique, le Pacs prend fin par le décès d’un des partenaires. Par ailleurs, les partenaires peuvent décider d’y mettre fin d’un commun accord en adressant une requête conjointe à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire ayant initialement instrumenté. Le pacte est enfin dissous en cas d’option pour le mariage. Quant aux biens communs, ceux-ci sont partagés en fonction des règles fixées au départ dans le contrat.
2. – CONCUBINAGE
Objet d’une disposition unique dans le Code civil, « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple » (C. civ., art. 515-8).
Se situant hors statut du mariage et hors contrat tel le Pacs, les concubins se doivent d’organiser seuls leurs rapports juridiques. Ils ne sont soumis à aucun devoir particulier (ex. : secours, fidélité, cohabitation, contribution aux charges...). La rupture du couple reste libre, sans aucune formalité. La liberté est donc le principe, avec cette contrepartie qu’il n’est aucune protection individuellement ou pour le couple.
Les biens acquis par les concubins leur restent personnels. Un concubin doit toujours apporter la preuve qu’un bien lui appartient, notamment en cas de séparation conflictuelle, et cette preuve peut être apportée par des moyens tels que relevés de compte, documents liés à un crédit... En cas de preuve non établie, les biens sont réputés indivis, soit tous communs, le partage devant s’opérer à l’amiable ou judiciairement.
En cas de survenance d’enfant, le père doit le reconnaître juridiquement, avant la naissance ou postérieurement, puisque l’établissement de la filiation n’est pas automatique, la voie de l’adoption étant également ouverte aux couples concubins.
E. Filiation
La filiation (C. civ., art. 310-1 et s.) désigne le lien juridique caractérisant les relations entre les parents et leurs enfants. Elle est créatrice de droits pour l’enfant et d’obligations pour les parents, qu’ils soient biologiques, adoptifs ou concernés par une procréation médicalement assistée. L’établissement d’un tel lien de filiation permet de devenir titulaire de l’autorité parentale, entendue comme l’ensemble des droits et devoirs que les parents ont vis-à-vis de leur enfant mineur, et confère des droits à l’enfant en matière de libéralités et de successions. On distingue deux types de filiation, se substituant, depuis l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme du droit de la filiation, à l’ancienne distinction entre filiation légitime et filiation naturelle. En effet, le droit a fait un long chemin depuis un demi-siècle, époque où régnaient les distinctions tranchées entre filiations légitime (mariage), naturelle (hors mariage) et adultérine, marquées par de fortes disparités en termes de droits. Il existe aujourd’hui égalité entre les filiations : « Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs (...). La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents » (C. civ., art. 6-2).
1. – FILIATION PAR PROCRÉATION CHARNELLE
Présomption de paternité et lien avec l’enfant – couples mariés. –
Dans un couple marié, la filiation paternelle est établie automatiquement, car le mari est présumé être le père de l’enfant, aucune reconnaissance n’étant à effectuer. Pas plus pour la mère dont la filiation est établie par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant. Hormis le cas de l’accouchement sous X, la mère, y compris mariée, peut décider de ne pas être désignée dans l’acte de naissance, rien ne peut lui imposer une filiation.
Reconnaissance d’un enfant – couple non mariés. –
Dans le cas de non-mariage, des actes de volonté sont nécessaires. S’agissant du père, la reconnaissance est requise, avant, lors de la naissance ou après la naissance, en mairie ou devant notaire. La mère, comme ci-dessus, a sa filiation consacrée par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant, la reconnaissance avant la naissance étant également possible.
2. – FILIATION PAR PROCRÉATION NON CHARNELLE – OU ARTIFICIELLE
a. Filiation adoptive
Définition. – « L’adoption peut être demandée par un couple marié non séparé de corps, deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins. Les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins un an ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-six ans » (C. civ., art. 343, issu d’une réforme de 2022). Il est en outre loisible d’adopter seul un mineur même si le demandeur est marié ou en couple, l’autre membre du couple doit alors consentir à cette adoption. De même, on peut adopter l’enfant d’un époux, d’un partenaire de Pacs ou d’un concubin.
Il existe deux types d’adoption : l’« adoption plénière », qui dote l’enfant d’une filiation se substituant à sa filiation d’origine, sa filiation biologique cessant d’être ; l’« adoption simple », les liens juridiques entre l’adopté et sa famille d’origine n’étant pas totalement rompus.
Un jugement d’adoption établit la filiation adoptive, et crée fictivement un lien de parenté entre un individu et sa mère ou son père adoptif. Cette filiation emporte les effets traditionnels : exercice de l’autorité parentale, obligation alimentaire réciproque, qualité d’héritier...
Personnes adoptables. – Les catégories d’enfants adoptables sont les suivantes :
- les mineurs dont le père et la mère ou le conseil de famille ont consenti à l’adoption ;
- les pupilles de l’État, soit les enfants recueillis par le service de l’aide sociale à l’enfance ;
- les enfants déclarés abandonnés par décision de justice suite à un désintérêt de leurs parents depuis plus d’un an ;
- les mineurs étrangers en fonction de la législation applicable.
b. Filiation et PMA
Un droit novateur. – La PMA, qui désigne l’ensemble des techniques médicales permettant le recours à l’insémination artificielle, à la fécondation in vitro ou à l’accueil d’embryon, a pour vocation à remédier à l’impossibilité de procréer. Elle concerne dorénavant non seulement tous les couples hommes-femmes, mariés ou non, ayant des difficultés à procréer ou ne pouvant pas du tout avoir d’enfants, mais également les couples de femmes, mariés ou non, de même que toute femme non mariée, sous conditions d’âge. L’objectif de la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a été de donner la possibilité à toutes ces personnes de fonder à leur tour une cellule familiale sous l’égide d’un projet parental propre, au nom du principe d’égalité et de lutte contre les discriminations. Il est à observer qu’en conséquence les couples d’hommes, mariés ou non, et les hommes célibataires ne peuvent prétendre au bénéfice de la procréation médicalement assistée.
Toutes les personnes visées, infertilité ou non, qui n’est plus un critère, doivent légalement s’inscrire dans un parcours d’assistance médicale à la procréation, avec intervention d’une équipe médicale clinico-biologique compétente, y compris pour opposer un refus, et respect de protocoles. Le consentement préalable devant notaire des deux membres du couple, ou de la femme non mariée, aux techniques qui seront utilisées est obligatoire.
Etablissement concret de la filiation. – La consécration de la filiation dans le cadre de la PMA s’effectue de plusieurs manières :
- couples hétérosexuels (mariage, Pacs, concubinage) : la filiation est établie conformément à la situation parentale. Ainsi, si le couple est marié, la présomption de paternité déjà évoquée est effective, le cas de la mère étant réglé par une filiation consacrée par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance de l’enfant ; si le couple est pacsé ou composé de concubins, le partenaire ou le compagnon devra effectuer une reconnaissance de paternité ; si ce dernier n’y procède pas, sa paternité peut être judiciairement déclarée, sans pouvoir s’opposer puisqu’il est engagé par son consentement au don ;
- couples de même sexe (mariage, Pacs, concubinage) : les deux femmes doivent effectuer une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire, nouveau mode d’établissement de la filiation, précisément au moment même de l’expression de leur consentement au don. À la naissance, la reconnaissance conjointe faite devant notaire est remise par l’une des deux femmes à l’officier de l’état civil, qui l’indique dans l’acte de naissance ;
- femme non mariée : le lien de filiation est classiquement consacré par la désignation de celui-ci dans l’acte de naissance de l’enfant.
À noter. La loi civile interdit formellement qu’un lien de filiation puisse être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation.
La filiation ainsi établie aura la même portée et les mêmes effets que la filiation classique par le sang ou la filiation adoptive (ex. : autorité parentale, obligation alimentaire, création de droits d’héritier...).
UN INTERDIT PÉRENNE : LA GESTATION POUR AUTRUI (GPA)
La gestation pour autrui (GPA), ou « maternité de substitution », est le fait pour une femme, nommée « mère porteuse » ou « gestatrice », de porter un enfant pour le compte d’un « couple de parents d’intention » à qui il sera remis après sa naissance. Selon la situation, l’embryon porté par la mère porteuse peut être issu de différentes techniques : insémination artificielle ou fécondation in vitro (FIV). Portant sur des enjeux tant éthiques – transgression du multiséculaire « mater semper certa est » : « La mère est celle qui accouche » – que juridiques, la dernière loi bioéthique de 2021 a pérennisé sa prohibition et réitère les principes de l’indisponibilité du corps – interdiction de louer ou de vendre son corps – et de l’indisponibilité de l’état des personnes – un enfant ne peut être l’objet d’une cession par contrat.