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PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE

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« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence » (CASF, art. L. 345-2-2). Cependant, de la théorie à la réalité, il est un gouffre, car l’hébergement d’urgence est obstrué en France. Plus exactement, une insuffisance chronique et grandissante de l’offre de logements et d’hébergements y est notoire.
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène récurrent. D’une part, les tensions extrêmes dans le secteur de l’hébergement d’urgence s’expliquent par le nombre en hausse de personnes précaires amenées à fréquenter la rue, pour des raisons socio-économiques, en raison d’une sortie d’institution insuffisamment préparée (ex. : jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance – surtout les sorties sèches –, personnes sortant d’hospitalisation ou encore de détention), et de façon très contemporaine du fait de la crise migratoire, le dispositif dédié aux demandeurs d’asile et aux réfugiés étant largement sous-dimensionné, créant un gonflement de l’hébergement d’urgence en général. D’autre part, les difficultés liées au secteur résultent des défaillances des politiques publiques du logement ; la construction de logements sociaux et très sociaux reste insuffisante et ne bénéficie pas aux ménages dont les ressources sont les plus modestes, tandis que les réductions des allocations relatives au logement APL ont fragilisé un grand nombre de foyers qui ne peuvent se maintenir dans leur logement, contraints de se tourner divers l’hébergement d’urgence.
Par conséquent, parvenir à trouver une place dans une structure d’urgence se révèle souvent très malaisé, voire impossible, entamant la patience d’individus déjà éreintés ; nombreux sont ceux, en effet, qui appellent le 115 en vain.
BREF APERÇU DES ÉVOLUTIONS DE L’HÉBERGEMENT D’URGENCE
▸ Années 1950. L’aide sociale à l’hébergement est instituée par un décret du 29 novembre 1953.
▸ Jusqu’aux années 1970, cette aide reste marginale, puis l’État favorise l’augmentation des capacités de prise en charge, ouvrant par une loi du 19 novembre 1974 les centres d’hébergement et de réinsertion sociale à l’ensemble des familles et des personnes rencontrant des difficultés sociales.
▸ Années 1980. Les phénomènes de précarité et d’exclusion prenant de l’ampleur, l’État prend un rôle central dans la définition des politiques de lutte contre la pauvreté et les exclusions ; les crédits sont en hausse, des structures dites d’« urgence sociale » voient le jour (ex. : hébergements de courte durée, lieux d’accueil de jour et permanences chargées de l’orientation des personnes sans abri, équipes mobiles).
▸ Années 1990. Les notions de « coordination des acteurs » et de « planification » deviennent des leviers impératifs dans les politiques publiques. Ainsi, une loi du 31 mai 1990 crée les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) ; la loi relative à l’habitat du 21 juillet 1994 promeut l’établissement d’un plan départemental d’hébergement d’urgence ; la loi relative à la lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 impose la mise en place, sous l’autorité préfectorale, d’un dispositif territorial de veille sociale, tenu d’évaluer les situations d’urgence, de proposer des réponses immédiates et de gérer strictement les possibilités d’accueil ; une circulaire du 10 septembre 1999 détaille les schémas départementaux relatifs à l’accueil, l’hébergement et l’insertion.
▸ Années 2000. Considérée comme une des lois fondamentales du secteur social et médico-social, la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 tend à promouvoir, dans un cadre interministériel, l’autonomie et la protection des personnes, la cohésion sociale, l’exercice de la citoyenneté, à prévenir les exclusions et à en corriger les effets ; elle prévoit que toute personne prise en charge dans les établissements ou services dédiés ou par une personne aidante doit être assurée du respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité.
Un fait est désormais gravé dans le marbre législatif : la personne sans abri, au titre de personne accompagnée, est mise au cœur du projet social, objet de toutes les attentions ; la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable (DALO) garantit aux citoyens le droit à un logement décent et indépendant et ouvre la possibilité aux personnes mal logées en situation d’urgence, expulsées, sans domicile, de déposer un recours auprès d’une commission de médiation afin d’être relogées. Son article 4 énonce que toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée – cette loi interdit toute remise à la rue non souhaitée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation.
▸ Années 2010. Une circulaire du 8 avril 2010 crée les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), des plateformes départementales de coordination et de régulation des capacités d’accueil et des demandes en matière d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement des personnes sans domicile ; la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) contient de nombreuses dispositions relatives aux expulsions locatives, à l’amélioration du fonctionnement des SIAO, à l’articulation entre le logement et l’hébergement par la fusion des plans départementaux (fusion des PDALPD et des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile [PDAHI], créés en 2009, et création des plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées [PDALHPD]) ; la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) recèle notamment des mesures destinées à améliorer la régulation et le pilotage du secteur d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI) des personnes en grande difficulté sociale...
Par ailleurs, l’hébergement d’urgence, qui est censé être provisoire, une étape vers un logement stable, devient pérenne – des années pour certains –, pêle-mêle dans des hôtels, des centres d’hébergement d’urgence, des gymnases... Un effet, là encore, des dysfonctionnements des politiques du logement.
Enfin, il est à noter certaines réalités invoquées par les sans-abri eux-mêmes, qui pointent le manque de sécurité et/ou d’intimité dans ces hébergements d’urgence, qui apparaissent comme des freins à l’acceptation des services proposés par les autorités publiques et les associations de lutte contre l’exclusion.

SECTION 1 - HÉBERGEMENT D’URGENCE : UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS LA MISE À L’ABRI

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