Ces politiques de lutte contre la pauvreté, la précarité et les exclusions s’appuient sur les champs professionnels du travail social et médico-social aux acteurs identifiés, publics et privés (A), via des institutions aux compétences établies (B). Le thème de la précarité, qui plus est en présence du sans-abrisme, est largement investi par les acteurs, les actions sont très diverses et nombreuses, des développements étant ici consacrés à quelques « gros plans » d’interventions (B).
A. Action sociale et médico-sociale
1. DÉLIMITATION DES CHAMPS D’INTERVENTION
Le vocable « action sociale et médico-sociale » – on pourrait y accoler « sanitaire » – recouvre plusieurs réalités et des champs différents, qui convergent dans la lutte contre la vulnérabilité sociale, et étant amenés à s’articuler.
Action sociale. Le « social » vise pêle-mêle la nécessité de réparer, ou de créer les liens entre les individus d’une même société dans la recherche d’une égalité et d’un épanouissement de chacun dans la dignité, et plus globalement l’accès aux droits fondamentaux.
L’article D. 142-1-1 du code de l’action sociale et des familles apporte une définition du travail social : « Le travail social vise à permettre l’accès des personnes à l’ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté. (...) Le travail social s’exerce dans le cadre des principes de solidarité, de justice sociale et prend en considération la diversité des personnes bénéficiant d’un accompagnement. »
LIVRE VERT 2022 DU TRAVAIL SOCIAL – UNE RÉPONSE À L’EXPRESSION D’UN CHAMP PROFESSIONNEL EN CRISE ?
Au contact des phénomènes de pauvreté et d’exclusion, les missions et les tâches des professionnels de l’action sociale et médico-sociale, chevilles ouvrières des politiques publiques, n’ont eu de cesse de se diversifier et de se complexifier. En parallèle, c’est tout un secteur qui, aujourd’hui et depuis plusieurs années, souffre de manière criante d’un manque de reconnaissance socio-économique et de moyens pour accomplir un travail de qualité. Les expressions de mécontentement et de lassitude sont nombreuses tandis que les enjeux demeurent lourds de sens.
Dans le prolongement des travaux des États généraux du travail social lancés en 2013, du plan d’action en faveur du travail social et du développement social de 2015, du rapport « Reconnaître et valoriser le travail social » de 2016, de la conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social du 18 février 2022, le « Livre vert du travail social », construction du Haut conseil du travail social, met en exergue plusieurs sujets cruciaux. Pour le devenir de tout un secteur, et martelant que les « travailleurs sociaux sont la clé de voûte de la cohésion sociale dans notre société », il appelle les pouvoirs publics à des engagements forts :
- revalorisation salariale rapide et impérative, de façon à contribuer à redonner de l’attractivité aux métiers du travail social ;
- pose des bases d’un nouveau continuum entre l’accompagnement administratif, l’évaluation sociale et l’accompagnement de parcours, sur la base de responsabilités clarifiées, en réponse aux parcours souvent chronophage et complexe – et épuisant –, tant pour l’accompagneì que l’accompagnant. Notamment en matière d’accès aux droits, gage d’une citoyenneté pleine et entière. L’automatisation et la simplification de l’accès et du maintien des droits est pointé comme un chantier à entamer ;
- instauration d’une réelle formation, initiale et continue, des travailleurs sociaux, en développant les passerelles avec des secteurs comme l’éducation populaire, pour les accompagner dans leur pratique et les équiper de méthodes et moyens, luttant ainsi contre une solitude professionnelle largement répandue, alors qu’ils sont le dernier maillon d’une chaîne où ils doivent prendre des décisions et mener des actions cruciales les engageant ;
- lutter contre l’hyperspécialisation, la sectorisation et le découpage trop stricts entre métiers différents du travail social, en opérant une plus grande ouverture et une reconnaissance élargie des différentes modalités d’intervention en travail social, une étape vers l’« universalité du travail social », gage de lisibilité et de compréhension du bien-fondé et des activités de cette branche.
Concrètement, les missions du social sont orientées vers quatre types de publics : les personnes âgées, les personnes et les familles rencontrant des difficultés sociales, les enfants et adolescents, enfin les personnes handicapées.
Dans le domaine sous étude, les missions consistent à porter un accompagnement global des personnes en difficulté, conformément aux objectifs des politiques publiques de lutte contre les exclusions.
Action médico-sociale. Le médico-social vise une approche qui combine le social, au sens vu ci-dessus, et le sanitaire, entendu comme la réponse à des besoins de « réparation médicale » en vue de résorber ou réduire les difficultés biologiques. Par ses attributions et ses pratiques, le médico-social met en mouvement et synchronise les approches thérapeutique, pédagogique et éducative.
2. COMPLEXITÉ DE LA PAUVRETÉ ET NÉCESSAIRE ARTICULATION ENTRE LES CHAMPS
En matière de sans-abrisme, l’action publique ambitionne de faire passer les personnes concernées de la vie quotidienne dans la rue à la vie institutionnelle, dans les dispositifs d’hébergement et médico-sociaux. Et ce, en accordant une place particulière aux relations d’aide et de soin et à l’articulation des professionnels avec ceux du secteur social au sens plus strict, chargé d’un accompagnement et d’un suivi social et d’une orientation vers l’avenir dans l’optique d’une réinsertion et de l’autonomisation sociale des personnes.
Ce problème complexe apparaît ainsi comme un champ pluridisciplinaire d’intervention, où coordination, complémentarité et esprit de transversalité tiennent lieu de maîtres-mots (C. Dekeuwer, « L’accompagnement des personnes sans-abri au prisme d’une éthique partagée », Vie sociale n° 2021/1, n° 33 ; T. Besozzi, « L’action médico-sociale auprès des sans-domicile : hybridation des professionnels et des niveaux d’intervention en contexte institutionnel », Sciences & Actions Sociales 2022/1, n° 16).
B. Répartition des compétences en matière sociale
1. ÉTAT
Disposant du pouvoir normatif, l’État est le lieu de l’établissement des grandes priorités et de la définition des politiques publiques, garant des droits fondamentaux et de la cohésion sociale. Son intervention s’effectue, d’un point de vue opérationnel, à deux niveaux. D’une part, au niveau central, les ministères, sous la responsabilité du Premier ministre. Pour le secteur qui nous occupe, le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées et le ministère de la Santé et de la Prévention, qui ont en charge les domaines des affaires sociales, de la solidarité et de la cohésion sociale, de la santé publique et de la protection sociale, et de façon moins directe le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, le ministère de la Justice, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Au niveau interministériel, transversalité oblige, on identifie essentiellement la Délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, la Délégation interministérielle à l’économie sociale et solidaire.
D’autre part, l’État est présent dans les territoires via les services déconcentrés des ministères, sous l’égide des préfets de département et de région.
2. COMMUNES : COMPÉTENCES DE PREMIÈRE LIGNE
La commune intervient pour l’animation d’actions générales de prévention et de développement social, l’attribution de l’aide sociale facultative (ex. : secours aux familles en difficulté...) par le biais des centres communaux d’action sociale (CCAS) et des centres intercommunaux d’action sociale (CIAS), la constitution des dossiers de demande d’aide sociale, en matière de sécurité et de salubrité, via les pouvoirs de police municipale, pour la gestion du fonds d’aide aux jeunes en difficulté, l’accueil des personnes dites « gens du voyage »... Les communes peuvent s’unir et mutualiser les coûts en ces matières en créant des établissements publics communaux et intercommunaux (EPCI).
3. DÉPARTEMENTS : COMPÉTENCE DE DROIT COMMUN EN MATIÈRE SOCIALE
Depuis les lois de décentralisation des années 1980, le département dispose de la compétence de droit commun en matière sociale, d’attributions élargies, sous la responsabilité du président du conseil départemental, dont le rôle est prééminent.
L’action sociale du département concerne principalement les domaines suivants :
- enfance : aide sociale à l’enfance, protection maternelle et infantile, adoption, soutien aux familles en difficulté financière ;
- prestations légales d’aide sociale : gestion du revenu de solidarité active, dont le montant est fixé au niveau national ;
- personnes handicapées : politiques d’hébergement et d’insertion sociale, prestation de compensation du handicap, maisons départementales des personnes handicapées ;
- personnes âgées : création et gestion de maisons de retraite, politique de maintien des personnes âgées à domicile (allocation personnalisée d’autonomie).
Plus globalement, il est chargé de la prévention de l’exclusion sociale, de la précarité et de la marginalité, de l’insertion ou promotion sociale des jeunes en difficulté et des familles exclues, surtout dans les zones urbaines sensibles et dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale.
Ce champ de compétences n’a cessé de s’étoffer au fil des textes successifs, notamment : loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion ; loi n° 2104-58 du 27 janvier 2014 confirmant la place prépondérante du département orchestrant l’action sociale, le développement social et de la contribution à la résorption de la précarité énergétique ainsi que l’autonomie des personnes ; loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi « Notre ») renforçant l’intercommunalité, créant les schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services aux publics...
Le renforcement des missions de cette collectivité a eu pour effet d’accroître sensiblement le coût financier pour les budgets locaux – la compétence « sociale » représente plus de la moitié de son budget de fonctionnement – et de poser la question récurrente des moyens octroyés par l’État, un sujet hautement sensible et de frictions régulières, d’autant plus en période de rigueur budgétaire.
4. RÉGIONS
Cet échelon territorial a une compétence résiduelle, par exemple en matière de formation et d’insertion des jeunes.
5. ACTEURS ASSOCIATIFS ENGAGÉS SUR LA QUESTION SOCIALE
Au-delà de ces entités publiques, sans disposer de compétences légales à proprement parler, mais agissant sur délégation de l’autorité publique, œuvre tout un tissu privé, à l’action très variable mais intense, constitué des associations, fondations, mutuelles... Coexistent ainsi grandes et petites structures, réseaux d’acteurs du secteur de la précarité et du sans-abrisme (ex. : Emmaüs France, Fondation Abbé-Pierre, Armée du Salut, Samu Social, Fédération des acteurs de la solidarité...).
C. Gros plans sur divers types d’actions menées en matière de sans-abrisme
Les actions d’ordre social et médico-social en faveur des publics précaires et des sans-abri sont légion. À titre d’illustrations, nous évoquerons deux cas d’assistance aux sans-abri. Le premier concerne une intervention publique « dans les murs » ; le second des actions d’initiative privée « dans la rue ».
1. INTERVENTION PUBLIQUE : L’ACTION DU CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE DE LA VILLE DE STRASBOURG
Des considérations liées à ce type de structure précéderont un regard sur celle existant à Strasbourg.
Le centre communal d’action sociale. Le CCAS assure aujourd’hui, dans les limites du strict périmètre géographique municipal, une mission d’intérêt général de prévention et de développement social au sein de la commune.
Le cœur de son action réside dans l’aide aux personnes les plus fragiles, dans un souci global de solidarité ; elle vise l’exclusion sociale au sens large, les personnes âgées et/ou handicapées, l’enfance...
Le CCAS est issu, dans sa dénomination et ses compétences, de la loi n° 86-17 du 6 janvier 1986, en plein mouvement de décentralisation portant transfert de compétences depuis l’État vers les collectivités territoriales dans les années 1980. Le CCAS peut devenir intercommunal, après décision de plusieurs municipalités d’unir et de mutualiser leurs efforts à un niveau intercommunal. L’institution devient centre intercommunal d’action sociale (CIAS) et exerce l’ensemble des compétences des CCAS.
Selon les dispositions de l’article L. 123-5 du CASF : « Le centre communal d’action sociale anime une action générale de prévention et de développement social dans la commune, en liaison étroite avec les institutions publiques et privées. Il peut intervenir sous forme de prestations remboursables ou non remboursables.
Il participe à l’instruction des demandes d’aide sociale dans les conditions fixées par voie réglementaire. Il transmet les demandes dont l’instruction incombe à une autre autorité. L’établissement du dossier et sa transmission constituent une obligation, indépendamment de l’appréciation du bien-fondé de la demande. »
Très concrètement, les missions et activités suivantes sont obligatoirement assurées :
- l’accueil, l’information et l’orientation de manière inconditionnelle du public vers les personnes et services compétents et vers les solutions adéquates (droits, aides, prestations) ;
- l’instruction des demandes d’aide sociale (à l’exception de celles concernant l’aide sociale à l’enfance), création des dossiers de demande et transfert aux services compétents. Sont concernés l’aide médicale de l’État (AME), le revenu de solidarité active (RSA), la protection universelle maladie (PUMA, ex-CMU de base), la complémentaire santé solidaire, l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’aide sociale à l’hébergement (ASH) ;
- la domiciliation de toute personne sans domicile stable ayant un lien avec la commune, dans le but de permettre de faire valoir ses droits, au premier rang desquels les prestations sociales ;
- la tenue à jour d’un fichier des bénéficiaires d’une prestation sociale.
Parmi les personnes clés concernées par ces missions, mention doit être faite des assistants de service social et des travailleurs sociaux, dont les fonctions d’assistance et d’orientation s’avèrent cruciales. Il en est particulièrement ainsi de leur rôle en matière de non-recours, réel fléau social (cf. Observatoire des finances et de la gestion publique locale, « Cap sur... Les enjeux financiers portés par les CCAS et les CCIAS », oct. 2020).
Selon l’article L. 123-5, alinéa 3, du CASF : « Le centre communal d’action sociale peut créer et gérer en services non personnalisés les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 [du CASF]. »
Les établissements et services concourant à l’action sociale de la collectivité et pouvant convoquer l’action des CCAS peuvent concerner, pour notre sujet, des établissements et services pour personnes en difficulté sociale (ex. : centres d’hébergement et de réintégration sociale), des établissements pour l’accès aux soins et la prévention sanitaire (ex. : dispensaires, centres de santé, centres médico-sociaux...).
En conséquence, les initiatives et expérimentations sont potentiellement importantes.
Regard sur le CCAS de Strasbourg. Ville de dimension régionale, Strasbourg n’est pas épargnée par le sans-abrisme.
Son CCAS mène des actions concrètes de longue date vis-à-vis des personnes en grande précarité, l’accent étant mis sur l’hébergement d’urgence, l’accueil de jour, la coordination avec les associations.
Ainsi, toute personne en rupture sociale, sans logement ou hébergée de façon précaire peut se rendre auprès de l’accueil social du CCAS qui lui fournit toutes les informations nécessaires, pouvant l’orienter vers un partenaire ou une autre institution plus ciblée pour traiter sa situation ou le recevoir pour étudier sa situation et lui proposer si besoin un accompagnement social.
Il existe en son sein une équipe pluridisciplinaire de travailleurs sociaux et de conseillers sociaux qui prennent en charge ces accompagnements, en lien avec les lieux d’hébergement portés par le CCAS même ou par des partenaires associatifs. Précisément, le CCAS propose des hébergements de nuit dans deux structures d’hébergement d’urgence et dispose d’appartements pour héberger temporairement des familles.
Conformément à la loi, c’est auprès de ces services que sont formulées les demandes de domiciliation postale permettant aux personnes domiciliées de venir retirer leur courrier, une étape pouvant mener vers un recours aux droits...
Pour cette mission, le CCAS peut en outre prendre appui sur les opérations de maraudes menées par le secteur associatif de l’agglomération strasbourgeoise (ex. : associations Le Bonheur d’un Sourire, La Maraude du Partage...), dont une des utilités consiste à identifier les personnes concernées, à leur apporter l’information utile sur les dispositifs d’hébergement, d’accès aux droits...
Enfin, une collaboration étroite est assurée avec le service intégré d’accueil et d’orientation – le SIAO-67 – chargé de coordonner les parcours individuels des personnes dans les différentes étapes d’insertion vers un logement autonome, à partir des demandes constituées par des travailleurs sociaux (v. infra sur les SIAO et leurs activités liées à l’hébergement et à l’insertion).
2. INTERVENTION PRIVÉE : LES MARAUDES DU SAMUSOCIAL DE PARIS
Après avoir cerné la notion de « maraude », le document se penchera sur les actions menées par le Samusocial de Paris.
Réalités des maraudes. « Vol », « larcin », « vivre de maraudes », voilà les réalités auxquelles renvoie le terme. Celui-ci s’est mué, par analogie, pour désigner l’ « assistance » assurée en direction des sans-abri. La philosophie qui sous-tend la maraude tient au geste d’« aller vers », « à la rencontre de ». Cette assistance est réalisée, le plus souvent de nuit, par des équipes de personnes volontaires – bénévoles ou professionnelles – appartenant pratiquement à des associations engagées dans la lutte contre la grande précarité, qui se rendent dans les rues afin de venir en aide aux sans-abri, proposant denrées alimentaires et autres biens, mais également conseil et information. La réalité est que nombre de personnes ne font plus appel aux structures d’assistance, ne contactent plus le 115, mobilisant un tissu associatif aux fins de les rendre « visibles » et de porter assistance.
Maraudes au Samusocial de Paris. Les maraudes de nuit sont portées par des professionnels – souvent accueillant social, travailleur social, infirmier – constituant des équipes mobiles d’aide qui agissent chaque jour de l’année sans interruption.
Ces équipes se rendent en divers endroits où une personne a été signalée par des associations, institutions ou particuliers ayant appelé le 115 de Paris, ou bien elles parcourent la ville pour repérer les personnes à la rue, entrer en interaction.
DYNAMIQUE DE L’INTERVENTION SOCIALE INSTITUTIONNELLE ACTUELLE : LA MONTÉE EN CHARGE DES COLLECTIVITÉS DANS LA MISE EN ŒUVRE DES POLITIQUES DE LUTTE CONTRE LES EXCLUSIONS
Conséquence de la pérennité des phénomènes de précarité, et du besoin accru d’une meilleure coopération entre les acteurs institutionnels, on assiste à des montées en charge des collectivités dans la mise en œuvre des politiques de lutte contre les exclusions.
Au fil des réformes, ces politiques ne sont plus déployées de manière homogène sur le territoire aÌ partir d’une stratégie décidée par l’État mais reposent sur des partenariats et la mise aÌ disposition de moyens par le gouvernement. La prise en charge des questions de précarité a évolué en fonction de cette reconfiguration territoriale, où travaux communs et transversalité se trouvent érigés en priorités :
- le département se retrouve chef de file des « solidarités territoriales ». Entre autres, il doit établir un projet politique pour les les populations et les territoires mais également initier des coopérations avec les autres collectivités ;
- les métropoles, qui ne disposent pas de compétences, montent en charge en se voyant transférer des dispositifs ;
- l’intercommunalité sociale en milieu rural progresse, par la mise en place de centres intercommunaux d’action sociale...
Aller à la rencontre physique de personnes en situation de détresse sociale et leur apporter l’aide dont ils ont besoin est l’objectif affiché. Au-delà des biens procurés, il s’agit de recréer du lien social, et d’amorcer un dialogue pouvant mener à un accompagnement vers un centre d’hébergement d’urgence, à apporter des soins élémentaires.
Il existe en outre des maraudes de jour, appelées « équipes mobiles d’évaluation et d’orientation sanitaire », composées plutôt d’infirmiers et renforcées par un psychiatre, prenant le relais des équipes de nuit ayant repéré des personnes dans le besoin.
Le nombre de personnes rencontrées et assistées est en hausse constante. En 2019, on a dénombré 10 000 accompagnements réalisés vers le centre d’hébergement Samusocial de Montrouge (Hauts-de-Seine). Sur place, les personnes accueillies peuvent prendre un repas, une douche, recevoir des soins infirmiers, rencontrer des travailleurs sociaux afin de reprendre le fil d’une existence sociale (ex. : constituer un dossier, ouvrir des droits, demander une prise en charge en centre d’hébergement, etc.).
L’ACTION SOCIALE DES AVOCATS DE PARIS AU SERVICE DE LA GRANDE PRÉCARITÉ ET DES POPULATIONS DÉTENUES : LE CAS « BARREAU DES RUES »
Il paraît intéressant de citer un exemple d’intervention auprès des sans-abri qui n’est pas le fait d’une personne publique ou d’une personne privée de type association spécialisée dans l’exclusion sociale, mais qui s’appuie sur une initiative singulière de professionnels du droit, des avocats en l’occurrence.
Fondée en 2017, l’association Barreaux des rues est une association composée d’avocats qui est venue porter sa pierre à l’édifice aux côtés de Barreau de Paris Solidarité, une structure qui coordonne des permanences de consultations assurées dans le Bus de la Solidarité, au sein de diverses associations caritatives et dans des espaces pour l’insertion de la Ville de Paris, mettant ainsi bénévolement en relation des avocats avec un public – très – éloigné du droit.
Barreaux des rues a commencé par faire de la collecte de vêtements, au profit d’enfants, d’hommes, de femmes battues. Avec succès puisque les maraudes sont venues s’ajouter aux collectes. Un partenariat a été noué avec des associations spécialistes de la rue parisienne et ses difficultés sociales : Les Enfants du Canal, Charonne, Aurore, Emmaüs, le Samusocial, et avec Barreau de Paris Solidarité. Environ deux fois par mois, un avocat accompagne l’une de ces structures dans ses maraudes à travers Paris, et des contacts sont établis avec ces personnes très éloignées du droit et très vulnérables (cf. barreaudesrues.org et barreausolidarite.org ; S. Tardy-Joubert, « Le Barreau des rues s’adresse à la population la plus précaire », Entretien avec A.-S. Laguens, avocate au Barreau de Paris, Les Petites Affiches 29 mars 2019, p. 4).