On peut distinguer les libertés individuelles des libertés collectives, selon le Conseil d’État (CE, avis, 13 août 1947). Les premières concernent les libertés exercées par l’individu seul : liberté d’aller et venir, d’opinion, droit de disposer de son corps, droit à la vie privée, à la sureté ; les secondes concernent celles que l’individu exerce en groupe : liberté de réunion, d’association, liberté de la presse, de communication, liberté syndicale, droit de grève, liberté religieuse...
Concernant les droits fondamentaux et libertés publiques dans l’espace public plus précisément, nous apportons des développements relatifs à la liberté d’aller et venir, au droit à la sûreté, à la liberté d’opinion, de conscience et d’expression, à la liberté de réunion – sous son angle réunion dans l’espace public – et de manifestation et à la liberté d’entreprendre, ou liberté du commerce et de l’industrie.
A. Liberté d’aller et venir
La liberté d’aller et venir est une composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la DDHC ; elle bénéficie d’un cadre général et d’un régime garanti et particulièrement protecteur. En effet, quiconque peut se mouvoir sans entrave et dispose d’une liberté de déplacement pleine et entière. Toute restriction apportée à cette liberté par les autorités publiques doit être motivée par des circonstances exceptionnelles et marquée par des considérations d’ordre public et de sécurité, des restrictions pouvant en outre tenir à certaines catégories de personnes (au titre des restrictions et aménagements aux libertés publiques).
B. Droit à la sûreté
Protégeant les individus contre les arrestations et les emprisonnements arbitraires, le droit à la sûreté est un droit fondamental très protégé, au même titre que la liberté, puisqu’il est la condition sine qua non de l’exercice de l’ensemble des libertés (DDHC, art. 2 ; v. aussi Conv. EDH, art. 5 : « Toute personne a droit à la liberté et à la sureté. Nul ne peut être privé de sa liberté »). La question de l’exercice du droit à la sûreté dans l’espace public s’avère cruciale puisque l’accès même et l’occupation de cet espace conditionnent l’ensemble des droits fondamentaux qui s’exercent au quotidien, dans les rues, dans les transports publics... Ce droit appelle les conséquences suivantes, pour son exercice réel.
1. DROIT À UN JUGE INDÉPENDANT
Le présent droit implique, dans l’hypothèse de l’arrestation-détention d’une personne, que celle-ci a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial (Conv. EDH, art. 6). Comme déjà indiqué, le principe d’indépendance des juges est garanti par l’article 64 de la Constitution.
2. PRÉSOMPTION D’INNOCENCE
La présomption d’innocence implique que toute personne accusée d’un crime ou d’un délit est présumée ne pas être coupable tant que la culpabilité de l’intéressé n’est pas établie par une décision rendue par une juridiction, quand bien même il existerait contre lui des indices graves et concordants de culpabilité (DDHC, art. 9 ; Conv. EDH, art. 6-2).
Dans les faits, en particulier dans des affaires médiatisées impliquant des personnes publiques (politiques, médiatiques), la présomption est très régulièrement bafouée.
3. PRINCIPE DE LA LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES
Garantie fondamentale des droits de la personne devant les juridictions répressives et grand principe du code pénal, ce principe signifie qu’il ne saurait y avoir de crimes, de délits et de contraventions sans une définition préalable de ces infractions, une telle définition devant être contenue dans un texte fixant leurs éléments constitutifs et la peine applicable : pas de texte, pas de peine (DDHC, art. 7 et 8 ; C. pén., art. 111-3).
4. PROTECTION CONTRE LES ARRESTATIONS ARBITRAIRES
« Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » (Const. 4 oct. 1958, art. 66). Cette protection ouvre en conséquence le droit à être présenté devant un juge impartial et indépendant, figure protectrice des libertés. Il en découle que les mesures d’arrestation et de contrôle, nécessaires y compris dans une société démocratique, font impérativement l’objet d’un encadrement très rigoureux, le siège de ces précautions trouvant leur siège dans les codes de procédure pénale et de la sécurité intérieure. Deux types de mesures posent des difficultés au regard des droits, l’espace public se prêtant à la mise en œuvre de ces mesures : les contrôles d’identité, fouilles, palpations et autre contrôle des effets personnels, et le placement en garde à vue (v. infra sur ces derniers points, au titre des restrictions et aménagements aux libertés publiques).
C. Libertés de conscience, d’expression, d’opinion, de réunion, de manifestation
Liberté de conscience. Elle se déduit des grands textes fondateurs et a été consacrée par le Conseil constitutionnel au titre des Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Elle englobe la liberté de religion et plus généralement celle d’agir en fonction de ses convictions, morales, philosophiques... (cf. Conv. EDH, art. 9, qui définit le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion).
Liberté d’opinion et d’expression. Celle-ci est envisagée par l’article 11 de la DDHC : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » (v. aussi Conv. EDH, art. 10 : « Toute personne a droit à sa liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière »). Elle n’est cependant pas absolue, des limites tenant à des raisons d’ordre public (apologie du terrorisme, incitation à la haine, à la violence ou à la discrimination, propos diffamatoires, injures, infractions réprimées par la loi pénale), de sécurité nationale (militaires) ou parce qu’elle s’exerce de façon particulière en matière de liberté de la presse et du livre, d’audiovisuel et de cinéma (apologie du racisme, de la violence, atteinte à la vie privée, etc.).
L’approche collective de ces libertés amène à se pencher sur les libertés de réunion et de manifestation, qui intéressent de près la vie de l’espace public, et dont les problématiques dépassent celles identifiables dans une approche individuelle.
Liberté de réunion – ou droit de réunion. Il s’agit d’une liberté publique et politique considérée comme fondamentale, consistant pour un groupe de personnes à se réunir temporairement en un même lieu, de façon pacifique, sans intention illicite.
Liberté de manifestation. Cette liberté découle également de l’article 11 de la DDHC sur la liberté d’expression. Certes le droit de manifester n’y est pas expressément mentionné. Cependant, une décision du Conseil constitutionnel du 4 avril 2019 a estimé que le « droit d’expression collective des idées et des opinions » procède dudit article 11, conférant au droit de manifester une valeur constitutionnellement reconnue, toute loi nouvelle prétendant y apporter des restrictions pouvant rencontrer l’hostilité et la censure du juge constitutionnel. L’exercice de ce droit demeure néanmoins soumis à un certain nombre de conditions (au titre des restrictions et aménagements aux libertés publiques).
D. Liberté d’entreprendre
La liberté d’entreprendre, pouvant se décliner également sous les termes « liberté du commerce et de l’industrie », désigne la liberté de produire des biens et des services sans restriction de monopole et de commercer librement. La liberté d’entreprendre a été hissée au rang de valeur constitutionnellement protégée par le Conseil constitutionnel en 1982 (Cons. const., 16 janv. 1982, n° 81-132 DC). Cette liberté peut s’exercer très globalement, y compris dans l’espace public ; cependant, conduire des activités de nature commerciale sur le domaine public est soumis aux restrictions et aménagements liés aux libertés publiques.