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HARCÈLEMENT DANS LA RUE

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L’occupation de l’espace public ne revêt pas tout à fait les mêmes réalités en fonction du sexe. Pour la femme, mais plus globalement pour les personnes appartenant aux minorités sexuelles et de genre, l’utilisation des voies publiques et des transports, la présence dans des lieux tels que le café ou le centre commercial n’ont jamais été synonymes de tranquillité absolue. Au contraire, sifflements, bruits de bouche, commentaires déplacés, et, pire, insultes et interpellations, ou encore agressions sexuelles commises dans l’espace public, sont autant d’atteintes aux droits fondamentaux tels que ceux d’aller et venir, de dignité, d’égalité des sexes... Près de 80 % des Françaises en ont déjà été victimes et le sentiment d’insécurité des femmes dans la rue est tangible. Si la réaction sociale a été longue, la société étant toujours héritière des anciennes traditions d’ordre patriarcal et sexiste, la loi a entendu lutter contre des atteintes qui ont intégré l’ordre public de protection : celle des femmes et des minorités sexuelles (cf. M. Laguerre, Rebellez-vous ! Le harcèlement de rue et les violences font partie du quotidien des femmes. Ce jour-là, j’ai dit non, L’Iconoclaste, 2020).
La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a eu l’ambition de remédier à ce fléau tapi dans l’espace public, créant l’outrage sexiste. Le droit français connaissait déjà le délit de harcèlement sexuel (C. pén., art. 222-3), qui est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste portant atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Est visée toute forme de pression grave, avec recours aux ordres, menaces ou contraintes, dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte sexuel. Il est puni d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros, peines aggravées quand la victime est particulièrement vulnérable (ex. : mineure, maladie, handicap...). En cas de contact physique avec la victime, le délit d’agression sexuelle peut être constitué, infraction plus sévèrement punie que le harcèlement sexuel.
Mais ce délit répondait insuffisamment à certains comportements dans le cadre de l’espace public, contrairement à celui du monde du travail, d’où la promotion de l’outrage sexiste (C. pén., art. 621-1).
Cette contravention, puisque ce type d’outrage n’est pas érigé au rang de délit, consiste à imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste, qui lui porte préjudice et porte atteinte à la dignité de la victime, en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou l’expose à une situation intimidante hostile ou offensante. La répétition de propos, comme dans le cas du harcèlement sexuel, n’est donc pas requise, des commentaires à connotation sexuelle dans la rue sur une femme, le fait de la poursuivre ou de lui faire des propositions sexuelles, même de façon ponctuelle, suffisent et ouvrent droit au dépôt d’une plainte, cette dernière n’étant même pas nécessaire lorsque les faits sont constatés en « flagrance », soit directement par les forces de police disséminées dans la rue.
L’outrage sexiste est puni d’une amende de 750 euros, portée à 1 500 euros en cas de commission sur une personne particulièrement vulnérable (ex. : minorité, maladie, handicap, précarité sociale...), en groupe, dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs, en raison de l’orientation sexuelle de la victime, vraie ou supposée, et à 3 000 euros en cas de récidive, la récidive pouvant en outre engendrer ses peines complémentaires : obligation de suivre un stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes, un stage de citoyenneté, obligation à un travail d’intérêt général (cf. entre autres l’action de l’association Stop harcèlement de rue, stopharcelementderue.org ; l’initiative « Stand Up » créée par L’Oréal Paris, la Fondation des Femmes et l’ONG Hollaback !, destinée à mieux se former au harcèlement de rue, standup-France.com ; les applications « App-Elles », « Garde ton corps »...).
Quant au bilan de la loi de 2018, il semble que beaucoup reste à faire. Ainsi, selon un avis autorisé de 2020 de Me Jennifer Attanasio, avocate spécialisée en violences conjugales et sexuelles du barreau des Bouches-du-Rhône : « Si une femme est victime d’injure dans la rue, la verbalisation exige des témoins, ou alors la présence de la police a ? proximité immédiate. En clair, il faut un contexte optimal qui ne se présente jamais dans la vraie vie. »

SECTION 2 - ILLICÉITÉS ABSOLUES DANS LA RUE : ENTRE ORDRE PUBLIC RENFORCÉ ET LARGE EMPIRE DU DROIT PÉNAL

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