A. Conditions de vie
Une approche de la pauvreté complémentaire de l’approche monétaire consiste à mesurer les privations en matière de consommation et les difficultés budgétaires. Ainsi, dans l’Union européenne, une personne est réputée en situation de privation matérielle et sociale si elle déclare ne pas avoir les ressources financières pour accéder à un certain nombre de biens et services, considérés comme nécessaires à des conditions de vie décente (Eurostat, 2018, cité in J. Blasco et F. Gleizes, « Qui est pauvre en Europe ? », précité).
B. Notion de « revenu décent »
La Constitution se réfère aux « moyens convenables d’existence » (par renvoi au Préambule de la Constitution de 1946).
C. Notion d’« emploi décent »
Le rapport 2021 précité du CNLE (p. 87) indique : « Le traitement de la pauvreté passe fondamentalement par des revenus (minima sociaux et salaires) et des emplois directs décents (au sens de l’Organisation internationale du travail), seuls aptes à sortir les personnes des angoisses quotidiennes de la survie et de les restaurer dans une sécurité du lendemain, une dynamique de projet, une autonomie (injonction tout aussi récurrente des pouvoirs publics et des concitoyens) et une pleine dignité, ce à quoi toutes les personnes, toutes les associations le disant, aspirent. »
D. Logement décent
SOURCES JURIDIQUES
Selon l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques » (voir infra Chapitre 3 sur l’accès aux sources d’énergie et à l’eau).
Selon l’article L. 301-1 du code de la construction et de l’habitation, le droit à un logement décent et indépendant est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.
S’inscrit également dans l’exigence de logement décent l’interdiction, pour les distributeurs d’eau, de procéder à des réductions du débit d’eau, et ce, quelle que soit la période de l’année (Cons. const., 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC ; voir infra, Chapitre 3).
LES NORMES DE DÉCENCE : LA FIN DES « PASSOIRES ÉNERGÉTIQUES » ?
Les normes de décence sont fixées par décret (D. n° 2002-120, 30 janv. 2002).
Le logement doit satisfaire aux conditions suivantes, au regard de la sécurité physique et de la santé des locataires :
1. Il assure le clos et le couvert. Le gros œuvre du logement et de ses accès est en bon état d’entretien et de solidité et protège les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau. Les menuiseries extérieures et la couverture avec ses raccords et accessoires assurent la protection contre les infiltrations d’eau dans l’habitation. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut être tenu compte, pour l’appréciation des conditions relatives à la protection contre les infiltrations d’eau, des conditions climatiques spécifiques à ces départements ;
2. Il est protégé contre les infiltrations d’air parasites. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les ouvertures des pièces donnant sur des locaux annexes non chauffés sont munies de portes ou de fenêtres. Les cheminées doivent être munies de trappes. Ces dispositions ne sont pas applicables dans les départements situés outre-mer ;
3. Les dispositifs de retenue des personnes, dans le logement et ses accès, tels que garde-corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons, sont dans un état conforme à leur usage ;
4. La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements du logement ne présentent pas de risques manifestes pour la santé et la sécurité physique des locataires ;
5. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement ;
6. Le logement permet une aération suffisante. Les dispositifs d’ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l’air et une évacuation de l’humidité adaptés aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements ;
7. Les pièces principales, au sens du troisième alinéa de l’article R. 111-1 du code de la construction et de l’habitation, bénéficient d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.
Le logement comporte les éléments d’équipement et de confort suivants :
1. Une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Pour les logements situés dans les départements d’outre-mer, il peut ne pas être fait application de ces dispositions lorsque les conditions climatiques le justifient ;
2. Une installation d’alimentation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale de ses locataires ;
3. Des installations d’évacuation des eaux ménagères et des eaux-vannes empêchant le refoulement des odeurs et des effluents et munies de siphon ;
4. Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées ;
5. Une installation sanitaire intérieure au logement comprenant un w.-c., séparé de la cuisine et de la pièce où sont pris les repas, et un équipement pour la toilette corporelle, comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées. L’installation sanitaire d’un logement d’une seule pièce peut être limitée à un w.-c. extérieur au logement à condition que ce w.-c. soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible ;
6. Un réseau électrique permettant l’éclairage suffisant de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne.
Le logement dispose au moins d’une pièce principale ayant soit une surface habitable au moins égale à 9 mètres carrés et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres, soit un volume habitable au moins égal à 20 mètres cubes.
La surface habitable et le volume habitable sont déterminés conformément aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l’article R. 156-1 du code de la construction et de l’habitation.
La performance énergétique figure parmi les critères de décence du logement (L. n° 2019-1147, 8 nov. 2019). Pour les nouveaux contrats de location, sera décent le logement dont la consommation d’énergie estimée par le diagnostic de performance énergétique (DPE) est inférieure à 450 kilowattheures d’énergie finale par m2 de surface habitable (D. n° 2021-19, 11 janv. 2021, applicable à compter du 1er janvier 2023).
La loi « Climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021 relève progressivement le niveau d’exigence avec un étalement de l’application des dispositions jusqu’en 2034. L’impact réel de ces mesures est posé : avant le 1er juillet 2027, un rapport doit dresser le bilan des premières années d’application de ces dispositions et apprécier « l’impact prévisible du rehaussement du niveau de performance d’un logement décent prévu à partir du 1er janvier 2034, notamment eu égard à la disponibilité de l’offre de rénovation et à ses potentiels effets sur le marché locatif privé ».
LE CONTRÔLE DU RESPECT DE LA DÉCENCE DU LOGEMENT
Les caisses d’allocations familiales (CAF) sont habilitées à vérifier la décence des logements.
Dans un arrêt du 15 décembre 2004, la Cour de cassation a généralisé la notion de « décence » en considérant que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin de stipulation particulière, de délivrer un logement décent. Cette exigence s’applique à tous les logements relevant des règles de droit commun, aux logements soumis à la loi de 1948 et aux HLM (Cass. 3e civ., 15 déc. 2004, n° 02-20614).
Un logement décent doit disposer d’un appareil de chauffage (Cass. 3e civ., 4 juin 2014, n° 13-17289). L’obligation pour le bailleur de délivrer un logement décent est d’ordre public et ne peut pas être compensée par un loyer réduit.
L’organisme ne doit pas ajouter des conditions de conformité aux règles d’urbanisme que le texte ne prévoit pas. Ainsi, une CAF ne peut refuser l’attribution d’une aide au logement au motif qu’un mobile home n’est pas sur un terrain constructible (Cass. 2e civ., 7 mai 2015, n° 14-13807). En l’espèce, l’intérieur du logement répondait bien aux critères de logement décent mais il avait été implanté en zone verte non constructible, sans solliciter de l’administration les autorisations nécessaires. La CAF qui a refusé de verser l’allocation de logement a été condamnée.
Le non-respect des normes de décence entraîne la suspension de l’allocation. Toutefois, des dérogations sont admises. Elles varient selon le statut d’occupation du logement.