Les services intégrés d’accueil et d’intégration (SIAO) sont chargés de coordonner, dans chaque département, l’ensemble des accueils de jour, des services d’accueil et d’orientation, des équipes mobiles, des 115, et d’attribuer les places d’hébergement d’urgence. Bien avant leur consécration juridique, des dispositifs avaient été créées de fait sur le terrain, avec les Samu sociaux, pour faire face aux situations d’urgence, en l’absence de dispositifs institutionnels.
Les missions des SIAO ont été définies par une circulaire du 8 avril 2010, puis légalisées par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (dite loi « ALUR »). Les missions du service intégré d’accueil et d’orientation et des personnes morales concourant au dispositif de veille sociale peuvent être exercées à l’échelon de plusieurs départements (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi « Elan ». Des décrets et circulaires sont venus compléter la réglementation applicable (CASF, art. R. 345-9, D. 2015-1446 ; D. n° 2015-1447, 6 nov. 2015 ; Circ. DGCS/SDIA n° 2015-325, 17 déc. 2015).
Selon l’article L. 345-2-4 du Code de l’action sociale et des familles, afin d’assurer le meilleur traitement de l’ensemble des demandes d’hébergement et de logement formées par les personnes ou familles sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières, en raison de l’inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d’existence, pour accéder par leurs propres moyens à un logement décent et indépendant et d’améliorer la fluidité entre ces deux secteurs, une convention est conclue dans chaque département entre l’Etat et une personne morale pour assurer un service intégré d’accueil et d’orientation qui a pour missions, sur le territoire départemental, de :
- recenser toutes les places d’hébergement, les logements en résidence sociale ainsi que les logements des organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative ;
- gérer le service d’appel téléphonique (115) ;
- veiller à la réalisation d’une évaluation sociale, médicale et psychique des personnes ou familles concernées, de traiter équitablement leurs demandes et de leur faire des propositions d’orientation adaptées à leurs besoins, transmises aux organismes susceptibles d’y satisfaire ;
- suivre le parcours des personnes ou familles prises en charge, jusqu’à la stabilisation de leur situation ;
- contribuer à l’identification des personnes en demande d’un logement, si besoin avec un accompagnement social ;
- assurer la coordination des personnes concourant au dispositif de veille sociale et, lorsque la convention le prévoit, la coordination de différents acteurs avec lesquels des conventions sont conclues. En effet, le SIAO peut conclure des conventions (CASF, art. L. 345-2-6) : avec des personnes morales de droit public ou de droit privé concourant au dispositif de veille sociale, personnes morales de droit public ou de droit privé assurant l’accueil, l’évaluation, le soutien, l’hébergement ou l’accompagnement des personnes ou familles, organismes bénéficiant de l’aide pour loger à titre temporaire des personnes défavorisées(ex. : centres communaux d’action sociale) et les associations agréées, organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative et de gestion locative sociale, logements-foyers, résidences hôtelières à vocation sociale, dispositifs spécialisés d’hébergement et d’accompagnement, dont le dispositif national de l’asile, les services pénitentiaires d’insertion et de probation et les services de l’aide sociale à l’enfance ; bailleurs sociaux ; organismes agréés qui exercent des activités de maîtrise d’ouvrage, d’opération d’acquisition, de construction ou de réhabilitation de logement ou de structures d’hébergement et d’ingénierie sociale, financière ou techniques (CCH, art. L. 365-1, 1° et 2°) ; collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics ; agences régionales de santé, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux ;
- produire les données statistiques d’activité, de suivi et de pilotage du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’accompagnement vers l’insertion et le logement ;
- participer à l’observation sociale.
Le contenu des conventions est défini réglementairement et un modèle est proposé (CASF, art R. 345-9 ; Circ. DGCS/SDIA n° 2015-325, 17 déc. 2015).
Sur les modalités de certains conventionnements et développement, voir Circ. intermin. DGCS/DIHAL/DAP/2°16/151, 13 mai 2016, concernant les services pénitentiaires d’insertion et de probation ; voir aussi Instr. DGCS/SD5C/SD1/2017/137, 25 avr. 2017, concernant les bailleurs sociaux.
Aucune forme juridique n’est imposée par la loi : association, groupement de coopération sont des formes possibles en fonction du contexte local.
Sur le Samu social, Paris et action spécifique, voir supra, « personnes âgées ».
LE SERVICE TÉLÉPHONIQUE 115 (CASF, ART. L. 345-2-4)
C’est un numéro vert gratuit pour les appelants depuis un téléphone fixe ou un mobile. Ce service est géré par le SIAO (CASF, art. D. 345-8).
Le rapport « La pauvreté démultipliée, Dimensions, processus et réponses » du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale précité (p. 56-57) explique les effets du confinement. Plusieurs associations et fédérations ont observé un effet imprévu : certains sans-abri très désocialisés, et/ou chez qui le taux de non-recours était habituellement très important (par découragement devant les non-réponses du 115, et/ou l’inadaptation des solutions proposées), sont réapparus et ont accepté la mise à l’abri, permettant de renouer des liens et des aides. Ainsi, « on parle du non-recours, mais dès qu’on ouvre des places, les gens appellent » (SIAO7 93).
« Au fur et à mesure du confinement, on a vu sortir des gens : des greniers, des caves, de cabanes de jardins... des gens [...] qui ne nous sollicitaient plus qu’on n’avait pas vu depuis 10 ans et qui sont réapparus [...] on avait plein de personnes avec des droits ouverts ou ouvrables mais sans demande d’hébergement et extrêmement loin de l’accompagnement » (SIAO 67).
Ces acceptations étaient motivées par le contexte, mais aussi par la proposition aux personnes isolées non plus d’un hébergement d’urgence, mais d’une place en hôtel. Conséquence de ces mises à l’abri, les demandes aux SIAO ont été en très forte baisse (– 75 % environ au niveau national entre mars et mai), permettant une augmentation du taux d’appels décrochés (75 % la semaine 19) et une diminution des demandes non pourvues (hors Paris, en moyenne 1 500 par jour contre 2 438 le 2 mars). Certains départements ont cependant observé une hausse de demandes, en particulier Paris (+ 35 %), essentiellement due à des hommes seuls.
Mais parallèlement, le nombre de sans-abri s’est trouvé accru par l’arrivée de deux nouveaux types de publics. Certains, jusqu’alors hébergés chez des tiers, n’ont en effet pu y rester : parmi les appelants au 115, la proportion de personnes hébergées chez un tiers est passée de 16,5 % le 2 mars à 20 % le 13 mai. Nombre d’entre eux étaient des primo-appelants, adultes jusqu’alors hébergés par des amis ou jeunes précaires dans leur famille (parfois élargie), à qui il a été demandé, à la veille du 13 mars, de partir. Le confinement a aussi vu des ruptures d’hébergement devenues intenables. Les associations ont cependant aussi souligné, a contrario, la très forte solidarité entre personnes en difficulté et le fréquent hébergement de tiers dans des espaces déjà sur-occupés.
DISPOSITIF MOBILE « VIOLENCES » ADOSSÉ AU 115 (DANS L’EST)
Intervenir rapidement dès qu’une victime de violences conjugales exprime le souhait de quitter son domicile : tel est l’objectif du dispositif mobile « violences » (DMV).
Adossé au 115-SIAO de Moselle, ce service emploie une équipe de travailleurs sociaux formés à la problématique des violences, qui assure une permanence téléphonique, se déplace auprès des victimes, les met à l’abri et les accompagne dans leurs démarches.
Elaboré suite à un diagnostic réalisé en 2015, ce dispositif vient lever un certain nombre de freins, qui limitaient jusqu’alors l’efficacité des dispositifs de protection des victimes. La rapidité et la qualité de l’accompagnement – très complet – désormais apporté permettent à nombre d’entre elles de retrouver sécurité et autonomie.
EQUIPES MOBILES D’INTERVENTION OU SAMU SOCIAL
Ces équipes vont à la rencontre des personnes les plus désocialisées qui ne sollicitent aucune aide. La vulnérabilité sociale d’une personne est le point de départ d’une intervention de maraude par le Samu social. Aucune discrimination ne peut être faite à raison de l’appartenance, du genre, de l’orientation sexuelle, de la nationalité, de la situation administrative... de la personne rencontrée. « La posture de la maraude du Samu social consiste à se rendre disponible pour la personne, quel que soit son état physique ou psychique. La démarche “d’aller vers” relève d’une posture physique – se rendre au plus près du lieu de vie de la personne – mais également d’une disposition d’esprit. Il s’agit de prendre l’initiative d’une rencontre avec la personne, de l’accepter pleinement et de la reconnaître au-delà de sa situation de vulnérabilité » (Charte éthique et maraudes, cité dans le référentiel, 2018).
Il existe plusieurs types de maraude : maraude d’intervention sociale (établir un contact, sans chercher à retirer la personne de sa situation et progressivement faire advenir le besoin de se sortir de cette situation). La maraude peut aussi permettre de porter une attention à l’aspect physique de la personne et à identifier s’il y a des problèmes médicaux. En outre, des maraudes spécialisées existent : certaines maraudes sont exclusivement dédiées pour aller vers certains publics (personnes en situation de prostitution, mineurs...) ou aboutir à une prise en charge psychiatrique, ou bien encore des maraudes mixtes.
UN DÉCLOISONNEMENT NÉCESSAIRE
La médicalisation des maraudes n’est pas systématique. Selon une étude nationale (Fédération nationale des Samu sociaux, « Etude nationale “maraudes et Samu sociaux” sur le sans-abrisme » disponible sur https://www.samusocial-federation.org/ et https://www.federationsolidarite.org), les équipes de maraudes et Samu sociaux rapportent de façon très majoritaire (70 %) des manques d’accès à la santé psychologique des personnes sans-abri.
Près de la moitié des équipes (48 %) constatent un manque d’accueil de jour sur leurs territoires. Ces accueils inconditionnels sont essentiels dans la lutte contre les exclusions. Ils peuvent, en plus d’être des lieux conviviaux de repos et de sociabilité, remplir de nombreuses fonctions comme l’accès aux droits, la domiciliation, le vestiaire ou l’accès à l’hygiène. L’étude porte également sur la composition des publics rencontrés (personne seule, couple sans enfant, personne seule avec enfant[s], couple avec enfant[s]. 80 % des personnes rencontrées sont des hommes isolés. Elle souligne par ailleurs la nécessité, au regard de l’état de santé dégradé des personnes rencontrées dans la rue, d’améliorer les qualifications médicales des maraudes et Samu sociaux en s’assurant que, dans chaque département, des équipes soient constituées a minima par un) infirmier, ce en fonction des spécificités des territoires. Cette montée en compétences doit passer par l’augmentation des moyens des associations gestionnaires mais aussi par un décloisonnement des politiques publiques qui permettrait au secteur AHI de tirer parti des compétences et moyens des agences régionales de santé) au bénéfice des personnes sans-abri. Cette démarche doit être renforcée par la création de places médicalisées indispensables pour soulager les équipes de maraudes et Samu sociaux face à un public souffrant très souvent de multiples problèmes de santé plus jeune et plus fréquemment que la population générale.
Un « référentiel de missions et d’évaluation – Maraudes et Samu sociaux » est diffusé (Ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Fédération des acteurs de la solidarité, Fédération nationale des Samu sociaux, 2018).
Ce référentiel a été créé pour « devenir un outil garant de la qualité des activités mises en place par les maraudes et les Samu sociaux et destiné à valoriser leurs actions à destination des personnes les plus exclues » », il « n’a pas vocation à imposer une vision normative de l’intervention de rue » (Référentiel, p. 7) Il propose à l’ensemble des professionnels un cadre d’intervention unifié, structuré autour de 13 références qui reprennent les missions des maraudes et Samu sociaux. Chaque référence se divise en critères, et ces références restent liées les unes aux autres. Le référentiel est accompagné de documents supports (guides...).
L’utilisation se fait sur la base du volontariat et fait l’objet d’une appropriation variée de la part de ses différents utilisateurs.
Les 13 références sont détaillées dans le document complet :
- pratiquer « l’aller vers » : cette référence s’appuie sur les valeurs, principes et engagements des maraudes et Samu sociaux, elle est reliée à « travailler en partenariat » (6 critères sont développés) ;
- créer un lien avec la personne : cette référence s’appuie sur les valeurs, principes et engagements des maraudes et Samu sociaux ; 15 critères sont développés, notamment ceux qui permettent de mettre en application le principe de pérennité du lien ;
- évaluer : cette mission d’évaluation est le préalable pour accompagner, orienter et alerter. Dix-sept critères sont mentionnés et concernent notamment le discernement entre urgence vitale, relative et différée, ainsi que l’identification des besoins en matière d’accès aux droits, le consentement et les capacités de la personne à les mettre en œuvre ;
- faire émerger la demande : cette référence est reliée à « évaluer, travailler en partenariat » ainsi qu’aux valeurs, principes et engagements des maraudes et Samu sociaux. Dix critères sont évoqués, notamment s’assurer que la personne puisse exprimer sa demande et être comprise en faisant appel si besoin à l’interprétariat ou à des outils adaptés comme des images ;
- accompagner : cette référence est reliée à « évaluer ». Huit critères sont évoqués pour la mission d’accompagnement qui se décline de trois façons : accompagnement physique pendant la maraude, accompagnement physique intégré au suivi dans le cadre d’un accompagnement social global (ex. : rendez-vous médical, démarche administrative comme la domiciliation), accompagnement social global pendant un temps long (ex. : repérage des lieux ressources) ;
- orienter : cette référence est reliée à « évaluer, accompagner, travailler en partenariat ». Le document souligne que l’orientation ne peut se faire sans le consentement de la personne. Parmi les critères, il est mentionné que l’orientation nécessite de bien connaître les ressources du secteur, les structures proposant des activités ou bien encore les acteurs et dispositifs de l’insertion par l’activité économique, tremplin pour l’activité des jeunes (voir infra, Chapitre 3 « Dispositifs emploi »).
alerter (veille sanitaire et sociale) : cette référence est reliée à « évaluer ». Seize critères sont mentionnés. La maraude assure notamment le lien avec les services médicaux de secteur comme l’équipe mobile précarité psychiatrie. Et elle peut mobiliser des acteurs ressources (ex. : en cas de décès d’une personne à la rue, voir le collectif Les Morts à la rue) ;
restituer : cette référence est reliée à « participer à l’observation sociale », dans le respect des données à caractère personnel, elle comprend six critères ;
participer à l’observation sociale : cette référence est reliée à « travailler en partenariat », elle comprend 8 critères ;
sensibiliser : cette référence, qui comporte cinq critères, concerne la sensibilisation du grand public, voire du secteur social lui-même, au rôle de la veille sociale dans les parcours d’insertion des personnes les plus exclues et à lutter contre les préjugés ;
travailler en partenariat : cette référence est reliée à « alerter, restituer, observation sociale, sensibiliser, et droits des personnes ». Dix critères sont développés. Notamment les partenariats du territoire, d’usage et d’action ainsi que la formalisation de ces partenariats (voir aussi infra, Chapitre 4) ;
(se)former et (s’)informer : cette référence est reliée à « restituer, sensibiliser, travailler en partenariat ». Elle souligne la coexistence d’une pluralité d’acteurs et de dispositifs rendant indispensables des temps de formation ainsi que tout au long des missions. Neuf critères sont énoncés, parmi lesquels les besoins d’information sur l’évolution des dispositifs AHI, des actualités locales et nationales ;
appliquer les droits et libertés des personnes : cette référence s’appuie sur les valeurs, principes et engagements des maraudes et Samu sociaux. Il est rappelé que les personnes sont protégées pour faire respecter leurs droits et libertés, y compris « hors les murs ». La personne est en droit de refuser une orientation). Onze critères figurent, notamment sur le libre choix, le consentement, l’intimité de la personne, le principe de pérennité du lien, le droit à l’image...
ACCUEIL DE JOUR
Les lieux d’accueil de jour font partie du dispositif de veille sociale et sont reconnus en tant que tels au sein du service intégré d’accueil et d’orientation. L’article D. 345-8 du CASF, qui précise la composition du dispositif, indique qu’il comprend, selon les besoins du département, identifiés par le préfet, un ou des accueils de jour.
A ce titre, le référentiel AHI s’applique (voir infra, Chapitre 3).
L’accueil de jour est d’abord un espace permettant d’accueillir en accès libre pendant les heures d’ouverture toute personne qui le souhaite. La première mission d’un accueil de jour est d’être un lieu de sociabilité, d’échange et d’abri dans la journée, où il est essentiel de recréer du lien social.
Un accueil de jour est également un lieu où certains services peuvent être mis à la disposition des personnes (aide alimentaire, blanchisserie, courrier, garde des effets personnels...). Un accueil de jour peut être un simple abri convivial fonctionnant en grande partie avec des bénévoles et offrant aux personnes qui le fréquentent des dépannages d’urgence (alimentaire et vestimentaire) et une orientation vers des services spécialisés.