A. La corruption de mineur stricto sensu
Elément matériel. – La jurisprudence a suppléé l’absence de définition par le législateur de la matérialité du délit. Pour la chambre criminelle, l’article 227-22 du code pénal « incrimine les agissements, qui par leur nature, traduisent, de la part de leur auteur, la volonté de pervertir la sexualité d’un mineur ». Elle l’a rappelé à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité qui stigmatisait le flou du texte, pour ensuite conclure qu’il « permet son interprétation par l’office du juge sans risque d’arbitraire, de sorte qu’il n’est porté aucune atteinte au principe de légalité des délits et des peines »(1).
Le délit réprime donc le fait de pervertir un mineur en éveillant ses pulsions sexuelles ou en l’excitant à la débauche(2). Un prévenu a par exemple été condamné pour s’être masturbé devant une mineure de 15 ans, avec la volonté de l’associer à son comportement impudique en lui demandant de le photographier.
Elément moral. – La corruption de mineur est un délit intentionnel qui suppose, d’une part, un dol général, à savoir des actes immoraux accomplis volontairement, et, d’autre part, un dol spécial, qui réside dans la volonté d’associer le mineur à ces actes immoraux afin de le corrompre. Le délit suppose donc que l’auteur ait eu pour objectif, non de satisfaire ses propres passions, mais de pervertir la sexualité du mineur(3).
Indifférence du comportement du mineur. – Le délit ne tient aucun compte du rôle adopté par le mineur – et pour cause puisqu’il s’agit précisément de sanctionner un comportement ayant pour conséquence possible d’influencer celui du mineur. Dès lors, qu’il soit spectateur d’une scène impudique ou que le mineur se livre au contraire lui-même à des actes à caractère pornographique, le délit n’en demeure pas moins constitué.
Sanctions. – Prévu à l’article 227-22 du code pénal, le délit de corruption de mineur est puni d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. L’infraction est aggravée lorsque le mineur a été mis en contact avec l’auteur grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique ou lorsque les faits ont été commis dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ou aux abords de ces établissements.
B. Les infractions connexes ou assimilées à la corruption du mineur
1. LA PROPOSITION SEXUELLE À UN MINEUR DE 15 ANS
Définition et répression. – L’article 227-22-1 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait, pour un majeur, de faire des propositions sexuelles à un mineur de 15 ans ou à une personne se présentant comme telle en utilisant un moyen de communication électronique. Les peines sont portées à cinq d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque ces propositions ont été suivies d’une rencontre.
Cette infraction obstacle réprime donc de façon autonome la simple prise de contact avec le mineur, dans l’objectif évident de mieux dissuader les adultes d’entreprendre de telles démarches et de prévenir le plus en amont possible la pédophilie.
Distinction avec la corruption de mineur. – La matérialité du délit est proche de l’infraction de corruption de mineur, mais les deux délits se distinguent sur le plan de l’élément moral. Aucun dol spécial n’est en effet exigé par l’article 227-22-1, de sorte que l’intention de l’auteur est indifférente.
2. L’INCITATION DE MINEUR À COMMETTRE UN ACTE DE NATURE SEXUELLE
L’article 227-22-2 du code pénal réprime le fait pour un majeur d’inciter un mineur, même âgé de plus de 15 ans (à la différence du délit de proposition sexuelle à mineur de 15 ans), par tout moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette incitation n’est pas suivie d’effet.
3. LA DIFFUSION D’IMAGES PORNOGRAPHIQUES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE VUES PAR UN MINEUR
Définition. – L’article 227-24 du code pénal réprime le fait soit de concevoir, soit de diffuser un message, quel qu’en soit le support, à caractère (notamment) pornographique, « lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur ». Ce délit est formel : il n’est pas nécessaire que le message ait été effectivement perçu par un mineur et la simple éventualité suffit. L’élément moral est donc réalisé par la diffusion délibérée à des mineurs ou par l’absence totale de précautions en vue d’empêcher un accès probable aux mineurs.
Ratio legis. – Le texte vise à protéger le mineur de la perception de certains contenus dont on considère qu’ils sont de nature à heurter son intégrité morale. Le législateur a cependant pris soin de préciser, à l’alinéa 2 du texte, qu’il est conçu sans préjudice des lois spéciales qui gouvernent la liberté d’expression en France.
(1)
Cass. crim., 20 févr. 2013, n° 12-90074 QPC.
(2)
Cass. crim., 1er févr. 1995, n° 93-82578.
(3)
Cass. crim., 8 févr. 2017, n° 16-80102 ; Cass. crim., 7 mars 2018, n° 17-81729.