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LA PRISE EN COMPTE DE LA NATURE SEXUELLE DE L’INFRACTION DANS LA RÉPRESSION ET LA PRÉVENTION DE LA RÉCIDIVE

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Les personnes condamnées à raison d’infractions sexuelles peuvent être condamnées à des peines spécifiques liées à la nature sexuelle des infractions (A) ou à des peines aggravées liées à la qualité de la victime des infractions (B).


A. Peines spécifiques applicables aux auteurs d’infractions sexuelles

Le titre IX du code de procédure pénale, applicable aux infractions sexuelles énumérées à l’article 706-47, prévoit des peines spécifiquement applicables à leurs auteurs dans l’objectif affiché de lutte contre la récidive et de prévention des infractions sexuelles.
L’article 706-47-2 prévoit que l’auteur peut être soumis à un examen médical ainsi qu’à une prise de sang pour vérifier qu’il n’est pas atteint d’une maladie sexuellement transmissible, sous réserve de son consentement. Toutefois, à la demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie, cette opération peut être effectuée sans le consentement de l’intéressé sur instructions écrites du procureur de la République ou du juge d’instruction.
Par ailleurs, l’article 706-47-4 prévoit que l’administration peut être informée de l’existence d’une condamnation, même non définitive, prononcée à l’encontre d’une personne qui exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs.
Le titre IX prévoit trois autres peines complémentaires qui méritent davantage de développements : (i) l’injonction de soins, (ii) l’inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes et (iii) des mesures de sûreté.


1. L’INJONCTION DE SOINS ET LE TRAITEMENT INHIBITEUR DE LIBIDO

Aux termes de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale, une injonction de soins peut être prononcée dans deux hypothèses : soit au moment de la condamnation, soit à l’issue de l’exécution de la peine ou lors de l’élargissement du condamné. Dans le premier cas, elle accompagne la peine complémentaire de suivi socio-judiciaire, dont on sait qu’elle renferme déjà en soi des obligations particulièrement lourdes pour le condamné. Dans le second cas, elle intervient à la faveur d’une libération conditionnelle, d’une surveillance judiciaire ou d’une mesure de sûreté post-sentencielle.
Afin que les juges puissent apprécier l’opportunité d’une injonction de soins, les textes prévoient que les personnes poursuivies pour des infractions sexuelles sont soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale qui se prononce sur ce point.
Lorsqu’une injonction de soins est ordonnée par la juridiction, le médecin traitant peut prescrire un traitement inhibiteur de libido conformément à l’article L. 3711-3 du code de la santé publique. Ce traitement vise à réduire la production de testostérone et donc à réduire les pulsions sexuelles de l’individu. Cet effet dure tant que le traitement est suivi. Lorsque le traitement est arrêté, ses effets s’arrêtent également.
Il ne s’agit donc pas d’une peine directement prononcée par le juge, mais d’un traitement décidé par le médecin, seul juge de son opportunité, à la condition que la juridiction lui en ait donné la faculté dans sa décision. Dans tous les cas, la décision doit prévoir que les soins ne seront possibles qu’à la condition de recueillir le consentement du condamné. Ce consentement est toutefois très contraint puisque la juridiction prévoit que tout manquement aux obligations imposées au condamné est sanctionné pénalement...


2. L’INSCRIPTION AU FICHIER JUDICIAIRE AUTOMATISÉ DES AUTEURS D’INFRACTIONS SEXUELLES OU VIOLENTES (FIJAIS)

Créé par la loi dite « Perben II » du 9 mars 2004(1), le FIJAIS est un outil destiné à prévenir le renouvellement des infractions sexuelles et à faciliter l’identification de leurs auteurs. Il est opérationnel depuis le 30 juin 2005. S’il est un moyen de lutte apparemment efficace contre la récidive, il présente toutefois un caractère stigmatisant de nature à compromettre les possibilités de réinsertion.
Lors de sa création, l’inscription au FIJAIS a été considérée par le Conseil constitutionnel comme ne portant pas une atteinte excessive au respect de la vie privée « eu égard, d’une part, aux garanties apportées par les conditions d’utilisation et de consultation du fichier et par l’attribution à l’autorité judiciaire du pouvoir d’inscription et de retrait des données nominatives, d’autre part, à la gravité des infractions justifiant l’inscription des données nominatives dans le fichier et au taux de récidive qui caractérise ce type d’infractions, les dispositions contestées sont de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée »(2). On sait toutefois que la jurisprudence du Conseil est susceptible d’évoluer, et il est à noter que la Cour de cassation est actuellement saisie d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à certains aspects du fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). Une décision (Manque quelque chose)
En l’état, ce traitement reçoit, conserve et communique aux personnes habilitées les informations prévues à l’article 706-53-2 du code de procédure pénale, c’est-à-dire l’identité, l’adresse du domicile, et les informations relatives à la décision judiciaire ayant justifié l’inscription et la nature de l’infraction.
Le fichier n’est accessible qu’aux autorités judiciaires, aux officiers de police judiciaire dans le cadre de procédures concernant un crime d’atteinte volontaire à la vie, d’enlèvement ou de séquestration ou une infraction sexuelle, aux préfets et aux administrations de l’Etat pour les décisions administratives de recrutement, d’affectation, d’autorisation, d’agrément ou d’habilitation concernant des activités ou professions impliquant un contact avec des mineurs ainsi que pour le contrôle de l’exercice de ces activités ou professions, ainsi qu’aux agents des greffes spécialement habilités par les chefs d’établissement pénitentiaire.
L’inscription est automatique pour les infractions (i) punies d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou (ii) dont la victime est mineure – sauf décision contraire spécialement motivée par la juridiction. Dans les autres cas, l’inscription doit en revanche être ordonnée par une décision expresse du tribunal pour les délits punis d’une peine inférieure à cinq ans.
Les décisions concernant des condamnés mineurs de moins de 13 ans ne sont pas inscrites dans le FIJAIS. Celles concernant les mineurs de 13 à 18 ans ne sont inscrites que sur décision expresse de la juridiction.
L’inscription à ce fichier astreint l’intéressé à justifier son adresse tous les ans et à déclarer ses changements d’adresse, sous peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. S’il apparaît que la personne ne se trouve plus à l’adresse indiquée, elle est inscrite sans délai au fichier des personnes recherchées.
Les informations sont retirées du fichier au décès de l’intéressé ou à l’expiration, à compter du prononcé de la décision, d’un délai de 30 ans s’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni de 10 ans d’emprisonnement, de 20 ans dans les autres cas, et de 10 ans si l’auteur est mineur. Lorsque la personne exécute une peine privative de liberté sans sursis, ces délais ne commencent à courir qu’à compter de sa libération.
L’intéressé peut demander au procureur de la République de rectifier ou d’ordonner l’effacement des informations si elles ne sont pas exactes ou si leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier, au regard de la nature de l’infraction, de l’âge de la personne lors de sa commission, du temps écoulé depuis lors et de la personnalité actuelle de l’intéressé. En cas de refus, il dispose d’un recours devant le président de la chambre de l’instruction.


3. LA RÉTENTION DE SÛRETÉ ET LA SURVEILLANCE DE SÛRETÉ

La loi du 25 février 2008(3) a créé deux mesures de sûreté : la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté. Le Conseil constitutionnel a admis qu’elles n’ont pas le caractère de peine stricto sensu, de sorte qu’elles ne sont pas contraintes par les principes gouvernant les peines – notamment la non-rétroactivité – et peuvent être prononcées à l’encontre de personnes poursuivies pour des faits commis antérieurement à leur entrée en vigueur.
Rétention de sûreté. – Elle peut être prononcée à l’encontre d’une personne ayant été condamnée à une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à 15 ans, notamment pour les crimes de viol commis sur une victime mineure et pour les crimes de viol aggravé ou en état de récidive sur une victime majeure.
Elle consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale, sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette mesure.
Elle ne peut être prononcée que si elle a été expressément prévue par la cour d’assises et réexaminée à la fin de l’exécution de la peine, si l’intéressé présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu’il souffre de troubles graves de la personnalité.
Comme l’ont précisé les travaux parlementaires, la dangerosité doit être entendue au sens criminologique et non psychiatrique du terme. La dangerosité « criminologique » vise le grand « risque pour la personne condamnée de commettre une nouvelle infraction après sa libération ». Cette notion doit être distinguée de la dangerosité « psychiatrique », qui est définie comme le « risque de passer à l’acte à un moment donné en raison de troubles mentaux »(4). Elle est appréciée à partir d’évaluations cliniques, contrairement aux méthodes actuarielles utilisées dans les pays anglo-saxons.
Surveillance de sûreté. – Elle a une vocation subsidiaire par rapport à la rétention de sûreté, puisqu’elle peut être prononcée si la rétention de sûreté n’est pas prolongée ou s’il y est mis fin et si la personne présente toujours des risques de commettre l’une des infractions susceptibles d’entraîner l’application d’une mesure de rétention de sûreté. Elle comporte des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire, notamment l’injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile. La décision d’y recourir est prise après un débat contradictoire, pour une période de deux ans, renouvelable.
Elle peut également être prononcée à la suite d’une surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire, dès lors que le condamné est susceptible de faire l’objet d’une rétention de sûreté.
Critiques. – Ces mesures ont été l’objet de nombreuses critiques : sur leur principe, d’une part, et sur leurs modalités d’application, d’autre part – en particulier l’applicabilité immédiate –, par exemple de la part du Défenseur des droits. Des propositions ont été formulées à plusieurs reprises en vue de leur suppression. En effet, il a été constaté en 2013 que la rétention de sûreté n’avait été appliquée que de façon très limitée. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a également plaidé en ce sens, dans un avis du 5 octobre 2015, en relevant notamment que les cinq personnes placées en rétention de sûreté « ne l’ont été que pour des motifs de violation des obligations de la surveillance de sûreté qui leur était imposée sans que leur dangerosité ne soit démontrée ». Une telle violation a donc « suffi pour caractériser la dangerosité supposée » de ces personnes et a conduit « à justifier ainsi [leur] placement en rétention de sûreté ».


B. Peines spécifiques au regard des liens de l’auteur avec la victime



1. LA VICTIME LIÉE PAR LE MARIAGE, LE PACS OU LE CONCUBINAGE

Des mesures de sécurité renforcées peuvent être prononcées pour protéger les victimes de violences conjugales.
Ordonnance de protection et bracelet « anti-rapprochement ». – L’ordonnance de protection, prévue par l’article 515-9 du code civil, peut être délivrée par le juge aux affaires familiales, pour une durée de six mois renouvelable, lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, concubin ou partenaire mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants. Elle n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale.
A cette occasion, le juge saisi peut interdire au défendeur d’entrer en contact avec la victime ou de se rendre dans certains lieux ou encore de détenir ou de porter une arme.
Pour garantir le respect de l’interdiction d’entrer en relation avec la victime, la loi du 28 décembre 2019(5) a créé le dispositif « anti-rapprochement », qui fonctionne via le port par chacune des parties d’un dispositif électronique mobile permettant à tout moment de signaler que la partie en cause ne respecte pas la distance minimale prévue.
Le bracelet « anti-rapprochement » est également prévu dans le cadre du contrôle judiciaire, de la détention à domicile sous surveillance électronique et du sursis probatoire.
« Téléphone grave danger ». – Par ailleurs, la loi du 4 août 2014(6) a inséré dans le code de procédure pénale un article 41-3-1 qui permet à la victime de violences conjugales ou de viol de se voir attribuer un dispositif de télé-protection permettant, si une interdiction de rencontrer la victime a été ordonnée, d’alerter les autorités publiques en cas de transgression des obligations de l’auteur présumé ou condamné de violences conjugales. Le dispositif peut être attribué pour une durée de six mois renouvelable. Avec l’accord de la victime, ce dispositif peut, le cas échéant, permettre sa géolocalisation au moment où elle déclenche l’alerte. Ce dispositif est plus communément appelé le « téléphone grave danger ».
La première condition, comme son nom l’indique, est l’existence d’un danger grave. S’agissant d’une victime de violences conjugales, on aurait pu penser cette précision superflue, la condition étant par définition satisfaite : si le législateur l’a exigé, c’est pour imposer la démonstration de ce que le danger persiste en dépit des mesures de sûreté judiciaires déjà prises.
Ce dispositif ne peut être mis en place qu’en l’absence de cohabitation entre la victime et l’auteur des violences et lorsque ce dernier a fait l’objet d’une interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime – laquelle peut trouver sa source dans des décisions très variées : ordonnance de protection, alternative aux poursuites, composition pénale, contrôle judiciaire, détention à domicile sous surveillance électronique, condamnation, aménagement de peine ou encore mesure de sûreté.
La loi du 28 décembre 2019 a créé un nouveau cas d’octroi du dispositif : en cas de danger avéré et imminent, lorsque l’auteur de violences est en fuite ou n’a pas pu encore être interpellé, ou bien encore lorsque l’interdiction judiciaire d’entrer en contact avec la victime n’a pu être encore prononcée.


2. LA VICTIME MINEURE

Le juge pénal peut prononcer le retrait de l’autorité parentale ou de son exercice si le parent a été condamné, comme auteur, coauteur ou complice d’un crime ou délit commis sur la personne de leur enfant ou de l’autre parent.


(1)
L. n° 2004-204, 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.


(2)
Cons. const., 2 mars 2004, n° 2004-492 DC.


(3)
L. n° 2008-174, 25 févr. 2008, relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.


(4)
H. Matsopoulou, « Rétention de sûreté et surveillance de sûreté », J.-Cl. Procédure pénale Fasc. 20, § 8.


(5)
L. n° 2019-1480, 28 déc. 2019, visant à agir contre les violences au sein de la famille.


(6)
L. n° 2014-873, 4 août 2014, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

SECTION 2 - INFRACTIONS SEXUELLES ET DROIT PÉNAL DE FOND

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