Prévu à l’article 222-33 du code pénal, le harcèlement sexuel, puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, a fait l’objet de nombreuses interventions législatives. Il coexiste avec les autres formes de harcèlement (moral, au travail, conjugal), le législateur ayant préféré multiplier les délits plutôt que de créer un texte générique sur lequel greffer des circonstances particulières.
Historique et inconstitutionnalité. – Initialement défini comme « le fait de harceler autrui en donnant des ordres, proférant des menaces, imposant des contraintes ou exerçant des pressions graves dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions », la loi du 17 janvier 2002(1) s’est efforcée de supprimer certaines précisions relatives à la matérialité du délit, dans un souci d’en assouplir les conditions d’application. La nouvelle rédaction réprimait « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Cette définition tautologique (le harcèlement était défini par référence au harcèlement) a été censurée par le Conseil constitutionnel(2), qui a décidé que son abrogation aurait effet immédiat, contraignant le législateur à intervenir dans l’urgence pour pallier le vide juridique. C’est ce qu’il a fait avec la loi du 6 août 2012(3). La nouvelle rédaction, sujette à de nombreuses critiques, a été complétée par la loi du 3 août 2018.
A. Le harcèlement sexuel stricto sensu
L’article 222-33, I, définit le harcèlement sexuel en deux temps.
D’une part, il consiste à imposer « à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
La nature sexuelle du harcèlement résulte ainsi de la « connotation sexuelle ou sexiste » des propos ou comportements imposés à la victime, et non de la recherche par l’auteur d’obtenir des faveurs sexuelles. La référence à la connotation « sexiste » résulte de la loi de 2018 et a bien sûr vocation à élargir le champ du délit.
D’autre part, la loi de 2018 a complété la première acception du harcèlement sexuel afin de réprimer le harcèlement commis par plusieurs personnes, agissant de façon concertée ou non. Dans une telle hypothèse, le législateur écarte la condition de réitération, pourtant centrale dans la caractérisation du délit de harcèlement. Mais la répétition se retrouve néanmoins du côté de la victime, à raison du nombre important de coauteurs. La circulaire d’application du texte a précisé que « cette extension de la notion de répétition a principalement pour objet de réprimer les faits de “cyber-harcèlement”, qui sont fréquemment commis par plusieurs personnes dont aucune n’a cependant agi de façon répétée, et que l’on peut alors qualifier de “raid numérique” »(4).
B. Le harcèlement sexuel par assimilation
L’article 222-33, II, assimile au harcèlement sexuel « le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».
Dans cette seconde acception, le harcèlement sexuel est une infraction formelle dont le résultat escompté est, cette fois, de nature sexuelle. De façon quelque peu contre-intuitive, l’existence d’une « forme de pression grave » suffit à caractériser le harcèlement, sans exigence de réitération. C’est la gravité de la pression qui, parce qu’elle présente un risque suffisant, justifie qu’on se dispense de son renouvellement. Un dol spécial est toutefois prévu, tenant à la volonté de l’auteur d’obtenir un acte de nature sexuelle (pour lui-même ou pour autrui).
Il s’agit d’une infraction obstacle : si l’auteur parvient effectivement à obtenir une faveur sexuelle, les faits relèveront de la qualification d’agression sexuelle.
(1)
L. n° 2002-73, 17 janv. 2002, de modernisation sociale.
(2)
Cons. const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC.
(3)
L. n° 2012-954, 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel.
(4)
Circ. CRIM/2018-10/H2, 3 sept. 2018, précitée.