Les causes d’aggravation du viol et de l’agression sexuelle sont énoncées aux articles 222-24 à 222-26 et 222-28 à 222-29-1 du code pénal. Elles sont similaires, de sorte qu’il est possible de les évoquer ensemble. On ne prétendra pas ici à une fastidieuse exhaustivité et nous évoquerons les plus importantes des circonstances ainsi que celles qui appellent des observations.
A. Circonstances aggravantes tenant à la personne de la victime
Aussi bien le viol que l’agression sexuelle sont aggravés lorsqu’ils sont commis sur un mineur de 15 ans. La jurisprudence n’exige pas que l’auteur ait eu connaissance de cette minorité, ni qu’il ait commis l’acte en considération de l’âge de la victime(1).
Le viol et l’agression sexuelle sont également aggravés lorsqu’ils sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur. La mention de l’âge de la victime renvoie aux mineurs âgés de 15 à 18 ans (puisque les mineurs de 15 ans sont déjà prévus par un autre texte) et aux personnes âgées. Cette cause d’aggravation se distingue de la précédente dans la mesure où l’âge de la victime n’est en lui-même pas suffisant : il faut démontrer en quoi cet âge l’a placée en situation de vulnérabilité. La vulnérabilité doit évidemment être préexistante aux faits et ne peut en être la conséquence(2).
La loi du 3 août 2018 a prévu une nouvelle cause d’aggravation liée à la vulnérabilité ou dépendance de la victime, résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale apparente ou connue de l’auteur.
Enfin, le viol et l’agression sexuelle sont aggravés lorsqu’ils sont commis, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle.
B. Circonstances aggravantes tenant aux dommages corporels causés à la victime
Le viol et l’agression sexuelle sont aggravés lorsqu’ils ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, ou lorsqu’ils ont entraîné la mort de la victime, ou lorsqu’ils sont précédés, accompagnés ou suivis d’actes de torture ou de barbarie.
C. Circonstances aggravantes tenant à la qualité de l’auteur
Le viol et l’agression sexuelle sont aggravés lorsqu’ils sont commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. La jurisprudence a précisé ce que recouvrait la notion d’« autorité de droit ou de fait ». L’autorité de droit est celle résultant de la loi. On pense en particulier au supérieur hiérarchique et à l’employeur. Quant à l’autorité de fait, si la jurisprudence a admis qu’elle se déduise du concubinage de la mère de la victime avec l’auteur, elle ne peut résulter de façon systématique du seul lien de parenté entre l’auteur et la victime, pris isolément. Aussi la chambre criminelle a-t-elle par exemple écarté cette circonstance aggravante s’agissant du frère aîné de la victime(3). Dit autrement, l’autorité doit être établie objectivement et le sentiment de soumission éprouvé par la victime ne suffit pas à cet égard.
Le viol et l’agression sexuelle sont aussi aggravés lorsqu’ils sont commis par une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions – ex. : un médecin, un entraîneur sportif...
Le viol et l’agression sexuelle sont enfin aggravés lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. A cet égard, l’article 132-80, alinéa 2, du code pénal précise que cette circonstance aggravante est « également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité », à condition que l’infraction ait été commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime.
D. Circonstances aggravantes tenant aux moyens employés
Usage d’une arme. – Le viol et l’agression sexuelle sont aggravés lorsqu’ils sont commis avec usage ou menace d’une arme. Rappelons qu’il peut s’agir, comme toujours, d’une arme par essence (couteau...) ou par destination : tout objet employé afin de servir d’arme en devient une aux yeux de la loi.
Mise en relation via Internet. – Ils sont aggravés lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique. Cette cause d’aggravation repose sur un acte préparatoire du viol, et pas sur le viol en lui-même. Le texte ne précise pas si l’auteur doit être entré en contact avec la victime dans le dessein d’obtenir un rapport sexuel. On opine pour l’affirmative, autrement cette cause d’aggravation pourrait appréhender toutes les agressions survenues entre deux personnes qui se sont rencontrées par l’entremise d’un réseau social, même longtemps auparavant, mais la question n’est à notre connaissance pas tranchée.
Rôle de l’alcool. – Ils sont également aggravés lorsqu’ils sont commis par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants. La logique est ici d’appeler les personnes qui s’alcoolisent à la prudence – le législateur étant conscient du nombre d’agressions survenues dans un contexte alcoolisé, l’alcool pouvant jouer un rôle désinhibiteur. On a déjà évoqué supra la difficulté qu’est susceptible de poser, sur le plan de la caractérisation de l’infraction, l’alcoolisation de l’auteur.
Usage d’une substance. – Enfin, ils sont aggravés lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes. Cette nouvelle circonstance aggravante, issue de la loi du 3 août 2018, fait écho à l’infraction obstacle prévue à l’article 222-30-1 dont il résulte que « le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle », qui sera examinée infra.
E. Circonstances aggravantes tenant aux circonstances de l’agression
Le viol et l’agression sexuelle peuvent en outre être aggravés en raison des circonstances de leur commission : par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice, en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes, ou encore lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté.
(1)
Cass. crim., 11 juin 1997, n° 96-80690.
(2)
Cass. crim., 9 août 2006, n° 06-84115.
(3)
Cass. crim., 17 sept. 1997, n° 97-83617.