Recevoir la newsletter

LICÉITÉ DU SADOMASOCHISME AU NOM DU DROIT DE DISPOSER DE SON CORPS

Article réservé aux abonnés

Répression initiale sous l’angle des violences. – La répression du sadomasochisme sous l’angle des violences volontaires a conduit ses adeptes à chercher à se soustraire à cette qualification pénale, en invoquant leur droit au respect de la vie privée sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Parvenus jusqu’à la Cour européenne des droits de l’Homme, ils ont cependant essuyé un premier échec lorsque celle-ci a estimé, en 1997, que la condamnation du sadomasochisme ne constituait pas une violation de l’article 8 : « l’un des rôles incontestablement dévolus à l’Etat est la régulation, par le jeu du droit pénal, des pratiques qui entraînent des dommages corporels. Que ces actes soient commis dans un cadre sexuel ou autre n’y change rien »(1). Officiellement, ces condamnations étaient jugées nécessaires pour la protection de l’intégrité physique. Difficile néanmoins de ne pas y voir la marque d’une appréhension morale de cette pratique sexuelle. La majorité des auteurs s’accordent d’ailleurs pour dire que la même solution aurait pu découler du principe de dignité de la personne humaine, qui « justifie les règles qui protègent les individus contre eux-mêmes »(2). Le débat était cependant loin d’être clos.
Dépénalisation conventionnelle par la consécration du droit à l’autonomie personnelle. – La consécration du droit à l’autonomie personnelle par la Cour européenne en 2005, dans son arrêt « Pretty contre Royaume-Uni »(3), l’a cependant conduite à évoluer sur la question du sadomasochisme. Elle y constate en effet que « la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageable ou dangereuse pour sa personne » et que, par ailleurs, « le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’“autonomie personnelle” ». Dès lors, « le droit pénal ne peut, en principe, intervenir dans le domaine des pratiques sexuelles consenties qui relèvent du libre arbitre des individus » et il faut « des raisons particulièrement graves pour que soit justifiée, aux fins de l’article 8 § 2 de la Convention, une ingérence des pouvoirs publics dans le domaine de la sexualité »(4). La marge d’appréciation autrefois laissée aux Etats est donc désormais considérablement réduite par cette décision.
Protéger la liberté sexuelle par la dépénalisation. – On le verra à travers l’ensemble de ce numéro, la protection de la liberté sexuelle passe classiquement par l’incrimination de comportements lui portant atteinte. En matière de sadomasochisme, la perspective est très différente : la liberté sexuelle opère comme fait justificatif, pour faire obstacle à la caractérisation de toute infraction. Le consentement du sujet neutralise ainsi la qualification de violences, voire d’actes de torture et de barbarie. Le raisonnement est en cela similaire à celui qui prévaut en matière médicale ou sportive : dès lors que les « règles de l’art » sont observées, que le patient ou le sportif consentent de façon éclairée, ni le médecin qui opère, ni le boxeur qui porte un coup ne peuvent être poursuivis. Certains objecteront peut-être que le sadomasochisme ne présente pas la même utilité sociale que les actes médicaux et la pratique sportive. La position actuelle de la jurisprudence conventionnelle ne le conteste pas en tant que tel mais laisse simplement à chacun le soin d’en juger pour soi-même et refuse aux Etats le droit d’intervenir dans cette décision, relevant de la plus stricte intimité de la vie privée.


(1)
CEDH, 19 févr. 1997, aff. 21627/93, 21826/93, 21974/93, Laskey, Jaggard et Brown, § 43 et 44.


(2)
J.-P. Marguénaud, « Sadomasochisme et droit au respect de la vie privée », RTD civ. 1997, p. 1013.


(3)
CEDH, 29 avr. 2002, aff. 2346/02, Pretty c/ Royaume-Uni.


(4)
CEDH, 17 févr. 2005, aff. 42758/98 et 45558/99, K. A. et A. D. c/ Belgique.

SECTION 1 - LE SADOMASOCHISME ET LA LIBERTÉ SEXUELLE

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur