L’évaluation de la situation et des besoins doit être dynamique, car les composantes de la situation de la personne peuvent évoluer dans le temps. Les éléments de réponse peuvent quant à eux évoluer, selon la culture des professionnels, les modifications législatives ainsi que selon les moyens humains et financiers mobilisables.
Le profil et la situation des aidants sont appelés, eux aussi, à évoluer, au cours de la trajectoire de vie de la personne aidée (ex. : enfant devenant jeune adulte, avec un accueil en structure qui doit changer, ou parent ne pouvant plus assumer la charge d’un enfant grandissant ; maladies évoluant avec de nouvelles pathologies ou de nouveaux troubles...). « Anticiper sur la variabilité des potentialités des aidants, l’altération de leur état de santé et les risques de nouveaux troubles » sont des conseils qui s’inscrivent dans une démarche de promotion de santé, « processus qui confère aux populations le moyen d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci » (Anesm, « Recommandations de bonnes pratiques, personnes handicapées, personnes âgées », 2014, se référant à la Conférence internationale sur la promotion de la santé adoptant la Charte d’Ottawa, 1986) (voir aussi infra, Chapitre 5, sur la détection des facteurs de risque).
A. Aborder des moments clés
LE DIAGNOSTIC : L’ANNONCE DE LA PATHOLOGIE
Pour l’accompagnement des parents, des recommandations quant à l’accompagnement des parents et à l’accueil des enfants lors de l’annonce pré et postnatale d’une maladie ou d’une malformation ont été formulées par une circulaire du 18 avril 2002 (Circ. n° DHOS/DGS/DGAS/2002/239, 18 avr. 2002, NOR : MESP0230194C, annexée au rapport « Accueillir et scolariser les enfants en situation de handicap de la naissance à 6 ans et accompagner leur famille », juill. 2018, http://www.hcfea.fr/).
▸ Lors de la période prénatale, l’annonce du diagnostic doit respecter certains principes, et les spécificités de l’examen doivent être prises en considération. L’annonce du résultat d’un examen biologique doit être suivie d’une explication de celui-ci et de ses conséquences sur la santé de l’enfant par le médecin prescripteur en termes compréhensibles pour la famille.
▸ Immédiatement après la naissance, l’annonce de la pathologie doit être aménagée : le choix du moment et du lieu de l’annonce, une communication cohérente et respectueuse réalisée par un médecin expérimenté, la disponibilité des soignants encadrés sont les piliers de l’accompagnement. Les certitudes et incertitudes de la pathologie doivent être expliquées dans un souci de préservation de l’avenir. Lors de la naissance, l’enfant doit être entouré, le travail des équipes organisé et la sortie éventuelle préparée. Les parents doivent être accompagnés en tenant compte de leurs souhaits et de leurs conditions et milieux sociaux avec disponibilité, chaleur et écoute. Toute séparation inutile de l’enfant et de ses parents doit être évitée.
DROIT À CONGÉ
Tout salarié a le droit de prendre un congé spécifique en cas d’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant. Aucune condition d’ancienneté n’est exigée pour avoir droit au congé (C. trav., art. L. 3142-1). La durée du congé est fixée à deux jours ou à une durée plus élevée, si elle est prévue par une convention ou un accord collectif d’entreprise (à défaut, par convention ou accord de branche) (C. trav., art. L. 3142-4). Le salarié qui a la charge d’un enfant handicapé et qui serait contraint de modifier l’organisation de sa vie professionnelle peut, sous certaines conditions, bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale (voir infra, Chapitre 4). Un dispositif de dons de congés permet également à un salarié de renoncer anonymement et sans contrepartie à tout ou partie de ses jours de repos non pris, au bénéfice d’un collègue dont un enfant, âgé de moins de 20 ans, est atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants (C. trav., art. L. 1225-65-1 et L. 1225-65-2) (voir infra, Chapitre 4).
POSE DU DIAGNOSTIC
Poser un diagnostic est une étape essentielle de dialogue, où le rôle du médecin qui va nommer la maladie est de comprendre et d’explorer la représentation que le patient (ou les parents s’il s’agit d’un enfant) en a.
La nécessité d’un diagnostic précoce conduit à mettre en place des mesures nouvelles. Illustrations avec les troubles du spectre de l’autisme et le contrat local de santé.
La stratégie nationale « autisme 2018-2022 », lancée en avril 2018, met l’accent sur le diagnostic précoce. Des recommandations de bonnes pratiques ont souligné la nécessité d’une intervention précoce, si possible avant 4 ans (HAS, « Recommandations de bonnes pratiques – Trouble du spectre de l’autisme – Signes d’alerte, repérage, diagnostic et évaluation chez l’enfant et l’adolescent », févr. 2018). Des mesures prises pour développer les « parcours » permettant la réalisation de diagnostic concernent les conditions d’intervention des professionnels de santé (ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues), les délais ainsi que les modalités de prise en charge (CSP, art. L. 2112-8, L. 2135-1, R. 2135-1 et s., D. 2135-1 et s.). Pour donner sens au diagnostic précoce, cela nécessite aussi d’activer la dimension éducative, sociale ou médico-sociale. Les établissements peuvent admettre directement un enfant à l’échéance de son parcours de bilan et d’intervention précoce, dans l’attente de la décision d’orientation de la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Le directeur qui a prononcé cette admission en informe la CDAPH et lui adresse une évaluation dans un délai de 15 jours. La commission fait connaître sa décision dans les meilleurs délais, sans remettre en cause la prise en charge de la période d’accueil (CASF, art. R. 2135-4). Une extension des parcours aux enfants de 7 à 12 ans est prévue.
Le contrat local de santé est un outil visant à réduire les inégalités sociales et territoriales en agissant à tous les niveaux de la santé. Faisant le lien entre plusieurs domaines : santé, école précarité, il permet de développer la prévention dédiée aux enfants et de poser des diagnostics le cas échéant. Pour l’annonce de diagnostic (notamment maladies neuro-dégénératives, telles que maladies d’Alzheimer ou apparentée, de Huntington, de Parkinson...), une organisation de la transmission des informations est à prévoir avec la personne aidée, le médecin traitant ou le médecin spécialiste (gériatre, neurologue, psychiatre) pour voir quelles informations sont délivrées aux aidants, par qui et comment.
LA GUÉRISON OU RÉMISSION
Le moment de guérison ou de rémission sont des moments clés. Selon la pathologie et les risques de rechute, l’accompagnement de la personne (et de son entourage) est différent.
Illustration :
Soit une personne reconnue en affection longue durée. Le cancérologue, pédiatre ou médecin peut prescrire, jusqu’à 12 mois après la fin de son traitement, des prestations prévues qui composent son parcours de soins global après le traitement d’un cancer.
Ce parcours est individualisé en fonction des besoins de la personne et comprend, le cas échéant, un bilan d’activité physique, qui donne lieu à l’élaboration d’un projet d’activité physique adapté, un bilan diététique, un bilan psychologique, ainsi que des consultations de suivi diététique et psychologique (CSP, art. L. 1415-8, R. 1415-1-11 et s. ; Arr. 24 déc. 2020, JO 1er janv. 2021).
Pour la personne proche aidante, cette étape peut nécessiter un accompagnement pour comprendre la suite et notamment les effets des traitements qui se prolongent (impacts sur la concentration, sur la vie intime...).
LA FIN DE VIE ET LE DEUIL
La fin de vie de la personne aidée est un moment qui est facteur de risque d’épuisement des aidants et peut demander un accompagnement plus soutenu de la part des professionnels. La période qui suit le décès est également à prendre en compte. Le deuil va créer un bouleversement pour la personne qui aidait : perte d’une personne, changement de rythme, culpabilité née d’un sentiment de soulagement – si la personne aidée souffrait beaucoup – et crainte d’être jugée en exprimant ce soulagement, incertitude sur la nouvelle vie (si la personne avait arrêté son travail pour aider), ou solitude (conjoint). Chaque situation est un cas différent, selon le caractère brutal de la mort (accidentelle), ou la préparation progressive. Aucune situation n’est identique selon le contexte familial, économique...
Le sujet concerne tout à la fois l’« accompagnement de deuil des professionnels, des familles ou personnes résidentes, la sensibilisation aux signes cliniques de la mort, l’enseignement des aspects successoraux, approche culturelle des rituels et religions » (S. Dupin-Barrère, psychologue clinicienne, responsable APF Formation, in ASH 29 janv. 2021). Pour aborder les questions de deuil et de fin de vie, des formations se mettent en place pour répondre aux besoins des équipes spécifiques des différentes structures (personnes âgées et également personnes handicapées).
B. Comprendre et apprendre : l’éducation thérapeutique
Cette possibilité se trouve formalisée à travers les articles L. 1111-6-1 (créé par la loi du 11 février 2005) et L. 1161-3 du code de la santé publique (voir aussi infra, Chapitre 5).
Les programmes d’éducation thérapeutique du patient sont conformes à un cahier des charges national dont le contenu est défini par arrêté ministériel, sur la base des recommandations et référentiels établis par la HAS. Ces programmes sont mis en œuvre au niveau local après déclaration auprès des agences régionales de santé. Ils sont proposés au malade par un professionnel de santé et donnent lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé (Ord. n° 2020-1407, 18 nov. 2020 ; D. n° 2020-1832, 31 déc. 2020 ; Arr. 30 déc. 2020, sur le cahier des charges). Les actions d’accompagnement font partie de l’éducation thérapeutique. Elles ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie (CSP, art. L. 1161-3). Pour dispenser ou coordonner l’éducation thérapeutique du patient, les personnes mentionnées aux articles D. 1161-1 et R. 1161-3 du code de la santé publique disposent des compétences techniques, relationnelles et pédagogiques et organisationnelles (CSP, art. R. 1161-2). Des programmes visent de nombreux domaines et peuvent aider à comprendre une maladie et/ou un comportement et/ou une évolution (ex. : maladie d’Alzheimer ou apparentée).
MALADIE D’ALZHEIMER ET APPARENTÉE
Une maladie de la mémoire amène les personnes qui en sont atteintes à se répéter et à poser les mêmes questions à leur entourage. Ce phénomène est une source possible d’épuisement pour le proche. Il s’agit de comprendre les raisons des questions répétitives : troubles du stockage de la mémoire, une angoisse, et d’apprendre comment y faire face : répétition de l’information par l’aidant, inversion des rôles (prendre la place de celui qui pose la question en répétant), identification de la sous-question, prendre un temps de répit.
PERSONNE DEVENANT AGRESSIVE
Les comportements agressifs visant les proches aidants s’expliquent, notamment dans le cas de personnes qui perdent la mémoire, par une absence de reconnaissance des troubles (anosognosie), qui s’accompagne d’un refus de coopérer de la personne malade ; celle-ci ne comprend pas qu’on lui propose de l’aide et ne perçoit pas son changement d’état. Et dans le cas où la personne en est consciente, elle ressent une souffrance psychologique. Pour trouver un point de connexion avec le proche, faire appel à des tiers est souvent nécessaire.
MOBILITÉ : GESTES D’AIDE
L’aidant peut être orienté vers des formations, des lieux de sensibilisation ou des ateliers expliquant les gestes et postures à adopter pour relever ou faciliter le déplacement de la personne aidée. Dans une recommandation de 2014, l’Anesm (Anesm, « Recommandation de bonnes pratiques professionnelles. Personnes handicapées. Personnes âgées : le soutien aux aidants professionnels », à destination des professionnels du secteur social et médico-social, 2014) donne, à titre indicatif, un exemple d’atelier organisé par un service d’accompagnement à la vie sociale (SAV)-service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah). Madame B., épouse et aidante d’un homme atteint d’une sclérose en plaques, souhaitait que soient améliorées ses possibilités à se mouvoir seul en journée et sans risque de chute lors de transferts (entre le fauteuil de M. B et son lit, les toilettes, le canapé, une chaise...). L’autonomie dans les transferts était importante pour M. B. Elle conditionnait également la possibilité pour sa femme de conserver son activité professionnelle sans s’inquiéter continuellement des risques de chute encourus par son mari resté seul au domicile. Des techniques ont été montrées à M. B. pour qu’il puisse mobiliser au mieux ses membres supérieurs (encore mobiles) pour ses déplacements et transferts, en utilisant notamment des « planches de transfert ». Par ailleurs, les ergothérapeutes de service ont appris à Mme B. des techniques lui permettant de préserver son dos et ses articulations (poignets, coudes, chevilles, épaules) lors des gestes d’aide. Les techniques enseignées reposaient sur la dynamique du corps (consistant à déplacer la personne aidée au moyen d’un mouvement, d’un balancement du corps de l’aidant, afin de créer un « élan » et de répartir la charge portée).
IDENTIFIER LES RISQUES, LES BESOINS ET ATTENTES POUR PERMETTRE LE MAINTIEN À DOMICILE DANS UN ESPACE SÉCURISÉ ET ADAPTÉ
Des aménagements du domicile peuvent concerner l’accessibilité, la sécurisation de l’accès, la prévention des chutes (salle de bains, éclairage, toilettes, chambre [hauteur du lit...], cuisine). Un ergothérapeute peut accompagner la démarche. Des structures ou organismes peuvent apporter une aide ou un conseil : l’Agence nationale pour l’habitat (Anah), les centres d’information et de conseil sur les aides techniques (Cicat – http://www.cicatgihp.org/), les caisses d’allocations familiales...
Des aides techniques peuvent éventuellement être mobilisées si les conditions sont remplies pour accéder à la PCH (voir infra, Chapitre 4).
DÉFINITIONS
Le terme « projet » apparaît de manière pléthorique dans de nombreux documents, associé à d’autres mots : il vise la personne (« projet de vie »), l’aidant professionnel (« projet de soins »), le lieu ou le service...
En pratique, sa signification ou son utilisation ne correspond pas toujours à ce qui est défini dans les textes et n’est pas uniforme. Il est important, pour les personnes qui travaillent ensemble ou susceptibles de le faire :
- de bien comprendre ce que chacun et chacune met derrière ce mot ;
- de faire en sorte que l’utilisation d’outils facilitateurs pour évaluer des besoins ou établir des documents types n’occulte pas la libre expression d’attentes, de besoins, de souhaits.
Savoir de quoi chacun et chacune parle. Quel sens est-il donné au mot « projet » dans le contexte examiné ?
La confusion sémantique peut par exemple porter sur les missions de l’établissement ou du service. Ainsi, selon les missions de l’établissement ou du service, le projet qui concerne la personne a différentes appellations : « projet éducatif », « projet d’insertion », « projet personnalisé d’accompagnement », « projet individualisé de prise en charge et d’accompagnement »... Sur le terrain, ce sont encore d’autres appellations qui peuvent être utilisées : « projet individuel », « projet individualisé », « projet personnalisé d’accompagnement »...
Les termes « projet d’accueil et d’accompagnement » présentent l’intérêt d’être communs à l’ensemble du secteur social et médico-social. Mais ils semblent peu utilisés.
Le vocable « projet personnalisé » a été retenu dans une recommandation de l’Anesm de 2008 (Anesm, « Recommandations de bonnes pratiques professionnelles, Les attentes de la personne et le projet personnalisé », 2008, pour qualifier la démarche de co-construction du projet entre la personne accueillie/accompagnée [et son représentant légal] et les équipes professionnelles).
En effet, l’expression « projet personnalisé » :
- témoigne explicitement de la prise en compte des attentes de la personne (et/ou de son représentant légal) ;
- englobe la question de l’individualisation. Le projet personnalisé peut s’appuyer sur des activités et prestations individuelles et/ou collectives ;
- permet d’inclure différents volets plus spécifiques dont il organise l’articulation (volets
- éducatif, pédagogique, de soins...) ;
- est déjà largement utilisé sur le terrain ;
- convient à l’ensemble du secteur social et médico-social ;
- est celui qui figure dans le cahier des charges de l’évaluation externe
Autre point de vigilance : l’articulation entre projet personnalisé et contrat de séjour ou document individuel de prise en charge (DIPC).
Pour rappel, le projet personnalisé et le contrat de séjour (ou, à défaut, le DIPC) sont deux modalités différentes d’engagement.
Le lien entre projet personnalisé et contrat de séjour (ou DIPC) est établi au travers de l’avenant au contrat de séjour qui doit préciser, dans le délai maximal de six mois suivant l’admission, les objectifs et les prestations adaptées à la personne – à réactualiser annuellement. L’établissement du contrat de séjour ou du DIPC ne dispense pas d’élaborer un projet personnalisé : ce sont, par ailleurs, dans un cas comme dans l’autre, des obligations pour l’établissement (voir infra, Chapitre 3).
Voir Anesm, « Le projet personnalisé : une dynamique du parcours d’accompagnement (volet Ehpad) », août 2018.
AUTRES REPÈRES
▸ « Projet personnalisé de compensation » (ou « projet d’aide à l’autonomie ») : élaboré par l’équipe pluridisciplinaire ou l’équipe médico-sociale en considération des besoins et des aspirations de la personne handicapée ou de la personne âgée.
▸ « Projet personnalisé de scolarisation » : élaboré en vue de choisir un parcours scolaire.
Un outil d’évaluation, dénommé « GEVA-Sco », est utilisé (C. éduc., art. D. 351-5 et s. ; Arr. 6 févr. 2015, JO 11 février 2015).
S’agissant du projet personnalisé de scolarisation, les fiches de restitution découlant de la concertation menée sur le thème « Ensemble pour une école inclusive » par l’Éducation nationale (rendues publiques le 11 février 2019) mentionnent une confusion pour les familles et les équipes entre le contenu du projet personnalisé de scolarisation et l’outil GEVA-Sco. En pratique, le projet personnalisé de scolarisation semble rarement rédigé.