La crise sanitaire accentue la nécessité de mettre à la hauteur des besoins et des enjeux humains et sociaux des actions qui contribuent au lien et à s’interroger tout particulièrement sur le sens donné aux métiers du travail social, du « soin », reliés à de nombreuses autres thématiques (sur les imbrications entre des champs multiples, voir supra, Chapitre 3). Ce domaine est caractérisé par « une mosaïque de professions et d’identités revendiquées » (M. Jaeger, « Les contours incertains du travail social, Un facteur de perte de sens », Revue française des affaires sociales 2020/2).
La professionnalisation s’inscrit également dans un cadre évolutif : celui du paysage de la formation avec une ouverture sur le droit à la formation qui s’accompagne de l’évolution des portes d’entrée et aussi de référentiels formalisés. Des positionnements en termes de « compétences » sont encouragés, dans un environnement juridique et normatif très prolifique (certifications...). Cette démarche impacte les formations dans tous les domaines et notamment les métiers du social et de l’action sociale. Avec des volets contraignants, qui peuvent aussi faire perdre le sens de métiers.
En faisant passer également l’utilisation des technologies et la digitalisation en priorité, la relation d’aide se trouve affectée, pouvant amener des incompréhensions et des doutes (« Ambivalentes technologies », ASH 5 mars 2021).
Sur l’aidance, la réflexion est plus particulièrement reliée à plusieurs questions :
- l’attractivité des métiers : le recrutement, la construction de nouveaux métiers ;
- la nécessité de former les professionnels, comme un des moyens de soutenir des aidants (détection des facteurs de risques) ;
- la valorisation des expériences des aidants dans le milieu professionnel.
Autrement dit, il s’agit de « favoriser le développement d’une expertise, tout en préservant des qualités d’implication, d’engagement personnel et professionnel » (M. Jaeger, précité).
Est-ce difficilement conciliable, d’autant que viennent se greffer d’autres formes de savoirs et d’expertise comme la pair-aidance et l’idée d’un « continuum » aidants professionnels/ aidants non-professionnels (M. Jaeger, précité ; et « Le continuum aidants informels-aidants professionnels », Revue Vie sociale 2012/4, p. 97).
Un premier constat : une forme d’hostilité peut encore exister dans la perspective d’une concurrence de légitimités. La même méfiance concerne la pair-aidance et s’efface lorsque chacun comprend la place de l’autre et en perçoit l’intérêt commun dans la relation d’aide (voir aussi supra, Chapitre 2).
Les équilibres entre les différences de savoirs sont au cœur des débats (M. Jaeger, précité).
Se pose aussi la question de la mise à distance fondant la professionnalité : les frontières semblent poreuses, non étanches ; le professionnel peut devenir bénévole (dans certains cas, par choix, pour donner du sens à son métier) et le bénévole se professionnaliserait.